VARIÉTÉS. Lettre inédite de LAVOISIER, écrite la veille de son supplice (le 16 floréal an II) à M. DEVILLERS, son parent. J'AI obtenu une carrière passablement longue, sur-tout fort heureuse, et je crois que ma mémoire sera accompagnée de quelques regrets, peut-être de quelque gloire. Qu'aurais-je pu désirer de plus ? Les événemens dans lesquels je me trouve enveloppé vont probablement m'éviter les inconvéniens de la vieillesse. Je mourrai tout entier, et c'est encore un avantage que je dois compter au nombre de ceux dont j'ai joui. Si j'éprouve quelques sentimens pénibles, c'est de n'avoir pas fait plus de bien, c'est de n'avoir pas fait tout celui que je projettais pour ma famille, c'est d'être dénué de tout, et de ne pouvoir lui donner, ni à elle, ni à vous, aucun gage de mon attachement et de ma reconnaissance. Il est donc vrai que l'exercice de toutes les vertus sociales, des services importans rendus à la patrie, une longue carrière utilement employée pour le progrès des arts et des connaissances humaines, pour le bonheur de l'humanité, ne suffisent pas pour préserver d'une fin sinistre, et pour éviter de périr en coupable. Je vous écris aujourd'hui, parce que demain il ne me serait peut-être plus permis de le faire, et que c'est une douce consolation pour moi de m'occuper de vous et des personnes qui me sont chères dans ces derniers momens. Ne m'oubliez pas auprès de ceux qui s'intéressent à moi ; que cette lettre leur soit commune; c'est vraisemblablement la dernière que je vous écrirai. Signé, LAVOISIER. SOCIÉTÉS SAVANTES. Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen. CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS. la L'Académie avait proposé pour sujet du prix de poésie de 1813. Mort héroïque d'Alain Blanchard, capitaine des bourgeois de la ville de Rouen, à l'époque du siége de cette ville par Henri V, roi d'An gleterre. Aucun des poëmes envoyés au concours n'a mérité le prix; cependant l'Académie a cru devoir en distinguer deux par une wention honorable; le premier ayant pour épigraphe: A tous les cœurs bien nés, que la patrie est chère! le deuxième : Vestigia græca ausi deserere et celebrare domestica facta. Ce sujet, vraiment national, est remis de nouveau au concours pour le prix de 1814. L'Académie engage tous ceux qui désireraient concourir, à retracer dans un exposé rapide l'état déplorable où se trouvait la France à cette époque; ils rappelleront que Charles VI était alors en démence; que le duc de Bourgogne avait, par un traité secret, reconnu Henri V roi des Français; que Blanchard attendit vainement les secours que ce duc avait promis à la ville assiégée par le roi d'Angleterre. Ils peindront cette malheureuse cité en proie aux horreurs de la famine; ils voueront à la haine de tous les Français Guy le Bouteiller, gouverneur de Rouen, trahissant sa patrie et faisant scier un pont sur lequel devait passer Blanchard à la tête de ses guerriers, dont la moitié périt victime de cette trahison; et lorsqu'ils auront conduit le brave Blanchard dans le camp de Henri, qui devait être son tombeau; quand la hache des bourreaux sera prête à frapper la victime, ils n'oublieront pas de consacrer les dernières paroles du héros. • Trois citoyens devaient être immolé à la fureur de Henri : deux ent trouvé dans l'avarice du prince les moyens de se conserver la vie. « Je suis pauvre, dit Blanchard, mais si j'avais de la fortune, je » ne l'emploierais pas à empêcher un Anglais de se déshonorer. » Le prix sera une médaille d'or de la valeur de 300 fr.; les mémoires seront écrits en français où en latín. Les poemes, lisiblement écrits, doivent être envoyés francs de port, pour le 1er juin 1814. terine de rigueur, à M. Pinard de Boishébert, secrétaire de la Classe des Belles-Lettres. Les membres résidans sont seuls exclus du concours. Les auteurs mettront en tête de leur ouvrage une devise répétée sur un billet cacheté, qui contiendra leur nom et leur demeure. CLASSE DES SCIENCES. La question proposée par la Classe des Sciences de l'Académie pour le concours de 1814, est la suivante : Trouver un vert simple ou composé, susceptible de toutes les nuances de cette couleur, applicable sur fil et sur coton filé, aussi vif et aussi solide que le rouge des Indes. L'Académie n'accordera le prix, qui sera une médaille d'or de la valeur de 300 fr.. que sur des échantillons du poids de 3 ou 4 hectogrammes au moins, et qui devront être joints aux mémoires! Ces mémoires écrits en français ou en latin, seront adressés francs de port à M. Vitalis, secrétaire perpétuel de l'Académie pour la Classe des Sciences, avant le 1er juin 1814. Les académiciens résidans sont seuls exclus du concours. Les auteurs mettront en tête de leur mémoire une devise ou épigraphe, qui sera répétée sur un billet cacheté contenant l'indication de lears nom et demeure. Le billet ne sera ouvert que dans le cas où le mémoire aurait remporté le prix. POLITIQUE. L'ANGLETERRE a encore une fois voulu que le continent fat ensanglanté pour sa cause, et son génie l'a emporté à Prague sur celui qui voulait la tranquillité de l'Europe, la liberté des mers et le repos du monde. La campagne est rouverte; les hostilités ont recommencé sur toute la ligne; les évènemens militaires se sont succédés avec une telle rapidité qu'il a été impossible, au quartier-général de S. M., de donner à la rédaction des bulletins officiels le tems et les soins nécessaires. Dans ces circonstances, fandis que les journaux allemands faisaient connaître quelques faits isolés, que nous réunirons dans la suite de cette notice, le Moniteur a publié deux lettres des ministres de l'Empereur, qui sont auprès de S. M.; nous nous empressons de les mettre sous les yeux du lecteur. La première est de M. le comte Daru, ministre secrétaire-d'Etat, adressée au ministre de la guerre; elle est datée de Gorlitz, le 24 août 1813, et conçue en ces termes : M. le duc, comme je vois que l'Empereur est extrêmement occupé, tantôt sur les bords de la Bober, tantôt sur les débouchés de la Bohême, et tantôt sur l'Elbe, 'et comme la campagne est extrêmement active, il serait possible que S. M. n'eût pas trouvé un moment pour vous écrire. » Je crois utile de faire connaître à V. Exc. que l'armée est dans le meilleur état, et abondamment pourvue de tout ce qui lui est nécessaire. "L'armée ennemie, qui était en Silésie, a été battue et repoussée au loin. Les débouchés de la Bohême ont été occupés et fortifiés. Il paraît que, dans ce moment, S. M. manoeuvre l'armée ennemie sur l'Elbe. » Celle de nos armées qui manœuvrait vers le Brandebourg, doit être entrée aujourd'hui à Berlin. » Celle du prince d'Eckmühl, réunie au corps danois, doit être maintenant à quelques marches de cette ville. Je prie V. Exc. d'agréer, etc. » Signé, le comte DARU. La seconde lettre est de M. le duc de Bassano, ministre des relations extérieures, et adressée à S. A. S. le prince archi-chancelier de l'Empire; elle est datée de Dresde, le 27 août, à six heures du soir, et ainsi conçue : « Monseigneur, j'ai eu l'honneur de vous écrire, hier 26, et d'annoncer à V. A. S. que les armées russe, prussienne et autrichienne avaient marché pour attaquer Dresde sous les yeux de leurs souverains, et qu'elles ont été repoussées sur tous les points. On comprendra facilemeut que l'Empereur est tellement occupé, qu'il est impossible de donner en ce moment un récit détaillé des événemens qui out eu lieu. "Les hostilités ont commencé le 17; S. M. était entrée en Bohême le 19, occupant les principaux débouchés à Rumbourg et à Gabel, et ayant porté ses troupes jusqu'à douze lieues de Prague. Le 21, elle était en Silesie, battant l'armée russe et prussienne des généraux Sacken, Langeron, Yorck et Blucher, et forçant les belles positions de la Bober. Pendant que l'ennemi croyait encore S. M. au fond de la Silésie, elle y laissait une puissante armée sous les ordres du duc de Tarente, faisait faire dix lieues par jour à sa garde, et arrivait à Dresde menacée depuis plusieurs jours d'une attaque imminente. S. M. est entrée dans la ville hier à neuf heures du matin, et a fait aussitôt ses dispositions. A trois heures après-midi, les armées russe, prussienne et autrichienne, commandées par les généraux Wittgenstein, Kleist et Schwarzenberg, ont déployé 150,000 hommes, marchant contre la ville. Toutes les attaques ont été repoussées avec la seule garde vieille et jeune, qui s'est couverte de gloire. L'ennemi a laissé 4000 morts aux pieds de nos redoutes. On a pris 2000 hommes, un drapeau, et plusieurs pièces de canon. » Ce matin à 4 heures, l'Empereur était sur le terrein : la pluie tombait par torrens, les maréchaux duc de Raguse et de Bellune passaient les ponts avec leur corps. A 8 heures, notre attaque a commencé par une canonnade très-vive. L'extrême gauche de l'ennemi était commandée par les généraux autrichiens Ignace Giulay et Klenau, et séparée du reste de l'armée par la vallée de Plauen. L'Empereur l'a fait attaquer par le maréchal duc de Bellune et par la cavalerie du général Latour-Maubourg, sous les ordres du roi de Naples. On compte déjà parmi les trophées de cette journée 15,000 homines, dont le feld-maréchal-lieutenant Metzko, deux généraux de brigade, beaucoup d'officiers supérieurs, 20 pièces de canon ef 10 drapeaux. Pendant ce tems, le général Vandamme qui avait débouché par Konigstein, s'emparait du plateau de Pirna, se mettait à cheval sur la route de Péterswalde et se rendait maître des débouchés de la Bohême, en battant 15,000 h. qui s'étaient présentés devant lui, et faisant un bon nombre de prisonniers. » En ce moment les routes de Péterswalde et de Freiberg sont coupées : les Russes et les Prussiens étaient venus par la route de Peterswalde, et les Autrichiens par celle de Freyberg. » Si l'armée ennemie qui est nombreuse, puisqu'elle se compose des corps russes et prussiens et de toute l'armée autrichenne, prend le parti de la retraite, elle éprouvera nécessairement des pertes considérables : si elle tient, il y aura demain des événemens décisifs. Depuis les affaires d'Ulm, l'armée française ne s'était pas battue par un plus mauvais tems et des pluies plus abondantes. L'Empereur y a été exposé toute la journée. Il rentre en cet instant. Les nombreuses colonnes de prisonniers, les pièces de canon et les drapeaux qui ont été pris traversent la ville. Les habitans font éclater la joie la plus vive à la vue de ces trophées. Le duc de Reggio doit être depuis le 23 ou le 24 à Berlin. » Le duc de Tarente pousse les restes de l'armée de Silésie sur Breslau. Ce n'est point un bulletin que j'adresse à votre Altesse Sérénissime, mais j'ai cru qu'il était de mon devoir de lui donner ces importantes nouvelles, S. M. n'ayant pas le tems d'écrire; elle se porte à merveille. » Une circonstance excitera l'indignation universelle : l'ex-général Moreau est à l'armée ennemie, à la suite de l'Empereur de Russie, comme son conseiller privé. Il a ainsi jeté le masque, dont il n'était plus couvert aux yeux des personnes clairvoyantes, depuis plusieurs années. » Je ne puis encore, Monseigneur, envoyer à votre Altesse Sérénissime les pièces relatives à la déclaration de guerre de l'Autriche; au milieu des événemens qui se suc |