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jamais de leur attachement. Il était devenu officier, il était estimé de ses chefs et aimé de ses camarades. Elle avait tenté quelquefois de lui écrire, mais elle s'était bientôt aperçue que ses lettres avaient été interceptées; elle était entourée d'espions, toute communication entre elle et lui était rompue, et elle ne recevait pas les lettres qu'il lui écrivait aussi. Elle y renonça donc et continua à vivre dans une sombre tristesse, sans prendre intérêt à rien de ce qui l'environnait, occupée d'une seule idée, seul sentiment, de son amour pour Auguste.

(La suite au prochain numéro.)

SPECTACLES.

VARIÉTÉS.

Théâtre de l'Impératrice (Odéon ). Première réprésentation de l'avare de Molière, mis en vers par M. Mailhol.

Ce M. Mailhol est mort, dit-on ; il n'a pu jouir de son triomphe, car l'essai coupable auquel il a soumis la prose de Molière a eu du succès certes on ne s'y attendait pas. Traduire en vers une prose si naturelle, si comique, une prose consacrée par un siècle et demi de succès, il faut en convenir, c'est une bisarre idée! Eh bien ! M. Mailhol n'a pas trop gâté l'excellente pièce de Molière. Ses vers ont de la facilité et quelquefois ne manquent ni de verve, ni d'élégance.

Puisque M. Mailhol avait osé entreprendre d'embellir Molière, lui en eût-il plus coûté de commencer par le corriger un peu. Tout parfaits que soient les grands maîtres, il y a toujours quelques taches dans leurs ouvrages. Or, on ne saurait nier qu'il n'y ait dans l'Avare des scènes bien longues, certaines scènes d'amour, par exemple, et sur-tout les scènes qui roulent sur des quiproquo, des jeux de mots.... Quand M. Mailhol les eût abrégées, je l'en absoudrais volontiers. Mais non, il a tout versifié, il n'a pas omis une ligne, et comme la rime exige toujours l'emploi au moins de quelques épithètes inutiles, il en résulte que les scènes que j'ai désignées paraissent encore plus longues et plus froides que dans l'original.

Au reste, les acteurs ont parfaitement joué, ont joué avec ensemble et aisance. Ils ont prouvé qu'ils étaient

dignes de figurer sur le second théâtre français. Perroud sur-tout est excellent dans tout le rôle de l'avare; il se surpasse dans le fameux monologue.

Puisque l'on s'amuse à mettre en vers la belle prose des grands maîtres, on essayera sans doute de mettre en prose Teurs mauvais vers ; par exemple, les pièces de la vieillesse de Corneille. Je ne sais, en vérité, si Pertharite, Agésilas, Attila et tant d'autres, ne gagneraient pas à être écrites en prose noble, énergique.... J'indique-là une riche mine à exploiter par le Théâtre de l'Impératrice!

Et pourtant, j'aimerais mieux qu'on laissât les productions des grands maîtres telles qu'elles sont sorties de leurs

mains!...

X.

Lettre aux Rédacteurs du Mercure de France.

MESSIEURS, plusieurs de nos journaux quotidiens viennent de nous faire connaître le touchant hommage de regret payé aux mânes de M. Perreau, inspecteur des écoles de droit, officier de l'Université impériale, ex-tribun, par son estimable collègue et ami M. Morand; permettez qu'un élève de M. Perreau, exprime aussi sur sa perte les sentimens d'une trop juste douleur, dans le journal estimable que recommandent les noms et les travaux de tant d'hommes de lettres distingués.

Si les fonctions auxquelles M. Perreau a été appelé dans le cours de son honorable carrière, les productions littéraires que l'on doit à sa plume élégante et facile, ne peuvent, malgré l'importance des uns et le mérite des autres, ranger son nom parmi ceux des hommes immortels, dont la mort a marqué l'année qui s'écoule d'une manière si déplorable, du moins les éminens services rendus par lui à la jeunesse, l'invariable affection qu'il avait le bonheur d'inspirer à ceux qui étaient confiés à ses soins éclairés et paternels, rangeront sa perte parmi celles qui auront été le plus sensibles à une partie intéressante de la génération actuelle. Ses travaux dans l'assemblée célèbre qui prit une part active à l'élévation da sublime édifice de notre lé gislation nouvelle, l'estime qu'il inspirait à ceux qui furent ses collègues dans cette assemblée, lui assurèrent aussi un rang parmi nos jurisconsultes et nos publicistes les plus estimables. Comme écrivain, moraliste, magistrat et professeur, comme homme et citoyen, M. Perreau a mérité

l'estime et l'attachement, et sa mémoire mérite de justes. regrets.

On lui doit plusieurs ouvrages qui recommandent d'autant plus son nom à la reconnaissance des amis des lettres, qu'il les publia la plupart à une époque où des troubles et des événemens politiques ne permettaient guères de se livrer aux spéculations paisibles de la métaphysique et de la philosophie. Le Roi voyageur, les Etudes de l'homme moral et physique, les Considérations morales et physiques sur la nature de l'homme, donnèrent, à juste titre, à M. Perreau la réputation d'un penseur profond, d'un écrivain de goût, d'un littérateur aussi instruit que laborieux. Il reçut de ses utiles et intéressans travaux la récompense la plus glorieuse qu'il pouvait en espérer, puisqu'il fut nommé professeur-suppléant du droit de la nature et des gens, au collège de France, et qu'il fut appelé ainsi à seconder, dans ses admirables leçons, le philosophe, le moraliste éloquent et sage, que le Sénat, l'Institut et l'Université impériale comptent parmi leurs membres les plus illustres, les plus respectables et les plus honorés. Le 18 brumaire avait amené pour la France l'époque où tous les talens et toutes les vertus publiques devaient recevoir les prix les plus dignes de ceux qui les avaient mérités, et les plus utiles au service de l'Etat; M. Perreau fut appelé au Tribunat et prit une place honorable parmi ceux qui, mûris par quinze années d'expérience, concourraient dans cette assemblée, avec les armes de la raison et de l'éloà élever sur les bases de la quence, le nouvel édisagesse fice social. On doit à M. Perreau les rapports faits au Tribunat sur l'adoption et l'usufruit; et il prit aussi rang parmi ceux qui attachèrent leur nom au Code, qui suffirait seul pour immortaliser le règne de NAPOLEON-LEGRAND; Code, qui, ainsi que celui légué par le peuple Romain aux générations futures, est le fruit de l'expérience et de la sagesse des siècles, mais qui est donné par un héros régénérateur à une époque de gloire, de force et d'espérance, et non comme celui de Justinien, au tems où une barbarie, devenue inévitable, allait séparer une civilisation expirante de celle qui, quelques siècles plus tard, devait s'élever sur des bases augustes et nouvelles.

Ce fut au moment où le Code civil se discutait au Tribunat et au Corps-Législatif, que fut donnée, depuis la révolution, la première impulsion à l'étude de la jurispru

dence. On vit s'ouvrir à Paris une Académie de législation; des voix éloquentes, des hommes doctes et profonds se firent entendre dans son enceinte. M. Perreau y professa le droit naturel, tandis que le savant et estimable M. Bernardi, maintenant membre de 1 Institut, développait les principes de notre nouveau droit civil, à mesure qu'ils étaient adop tés et consacrés. Une physionomie heureuse, une élocution élégante et facile, un style coulant et harmonieux, des pensées justes, une instruction solide, tels étaient les principaux attraits qui captivaient l'esprit aux leçons de M. Perreau. La douceur de son caractère, l'affection paternelle qui l'attachait à la jeunesse captivait également le cœur; indulgent pour tous les élèves, comblant les plus zélés et les plus habiles d'entre eux des plus flatteurs encouragemens, il avait trouvé moyen de leur inspirer pour lui les sentimens de la reconnaissance filiale, et parmi les jeunes jurisconsultes, nombreux et distingués qui fréquentaient ses leçons, et maintenant honorent, par leurs talens et leurs vertus, le barreau et la magistrature dans les diverses parties de l'Empire, il n'en est point sans doute qui, en lisant ces lignes, ne partageal avec celui qui les retrace les sentimens inspirés par le souvenir de l'homme qui en est l'objet. A l'époque où M. Perreau donnait ses leçons du droit naturel, il publia un ouvrage sur les Elémens de cette législation, qui fut bientôt suivi de deux autres, l'un sur les Elémens du Droit français, le second sur ceux du Droit romain. Des suffrages imposans firent connaître dignement le mérite de ces estimables productions. Les attributions du Tribunat ayant été fondues dans celles du Corps-Législatif, M. Perreau fut porté naturellement, par les services qu'il avait rendus à l'enseignement, par la confiance des professeurs, par l'affection des élèves, à faire partie de l'Université impériale. Nominé inspecteur-général, il fut chargé spécialement des écoles de droit. Son zèle et ses lumières se développèrent de nouveau dans cette place honorable, et ne purent être refroidies ni par l'âge, ni par les atteintes d'une maladie cruelle. L'attachement particu lier dont ce digne professeur m'avait honoré, il daigna alors le transmettre aussi à un de mes beaux-frères, élève de l'Ecole de droit de Paris. Les larmes de ce jeune, et, j'ose le dire, intéressant élève, en apprenant la mort de celui qui voulait être son guide et son protecteur dans la carrière du barreau, auront sans doute coulé avec les miennes. Se refusant aux prières de ses amis, M. Perreau

avait commencé sa dernière inspection avant d'être entièrement guéri. Déjà il avait quitté Poitiers et le digne préfet de cette ville, dans lequel il avait eu le bonheur de revoir encore une fois un ancien et bien estimable collègue, lorsque de nouvelles atteintes du mal qui le poursuivait lui firent trouver à Toulouse le terme de ses fonctions et de son honorable carrière. L'article de M. Morand a fait connaître les honneurs qui ont été rendus à la dépouille mortelle de ce bienfaiteur de la jeunesse studieuse, dans une ville où les amis des Muses couronnent leur front des brillans lauriers de Clémence Isaure. Le même journal a consacré quelques lignes à faire connaître les vertus civiles et domestiques de cet homme vertueux et regretté. Puisse ce faible hommage d'un élève et d'un ami, ne pas paraître déplacé dans un journal qui ne reste étranger à rien de ce qui intéresse les lettres et l'instsuction publique!

J'ai l'honneur, etc.

Lettre de Voltaire au Régent (*).

MONSEIGNEUR,

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Faudra-t-il que le pauvre Voltaire ne vous ait d'autres obligations que de l'avoir corrigé par une année de Bastille? Il se flattait qu'après l'avoir mis en purgatoire, vous vous souviendriez de lui dans le tems que vous ouvrez le paradis à tout le monde. Il prend la liberté de vous demander trois grâces: la première, de souffrir qu'il ait l'honneur de vous dédier la tragédie qu'il vient de composer; la seconde, de vouloir bien entendre quelque jour des morceaux d'un poëme épique sur celui de vos ayeux auquel vous ressemblez le plus ; et la troisième, de considérer que j'ai l'honneur de vous écrire une lettre où le mot de souscription ne se trouve point.

Je suis avec un profond respect,

MONSEIGNEUR,

de votre altesse royale le très-humble et très-pauvre
secrétaire des niaiseries

VOLTAIRE.

(*) Cette lettre fait partie de la collection annoncée dans le Mercure. L'original est déposé à la Bibliothèque impériale, et nous en devons la communication à M. Vanpraët.

1.

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