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eux cet Ulfonde, « qui ne laissa que le pouvoit de faire >> le mal au cruel Childéric II, ombre de roi mais ombie » sanglante. » Il peint ainsi la honteuse dégradation des enfans de Dagobert. «Chaque année, au retour du prin >>tems, on les faisait sortir de leur sombre dememe, ou, » à défaut de gloire, on leur donnait des plaisies, ils pa >> raissaient aux assemblées de la nation, parés de longues » robes, de colliers d'or et de diadêmes de perles et de » pierres précieuses. Leurs yeux éblouis du grand jour » laissaient échapper à demi-fermés des regards distraits » et stupides sur le peuple, qui se pressait autour deux » pour camasser les pièces de monnaie qu'on répandait » en leur nom. Quelquefois sur des chars attelés de quatre >> taureaux blancs dont les cornes étaient dorées, on les » promenait lentement dans la forêt qui ombrageait alors >> la tour du Louvre marécageux; là ils s'arrêtaient pour » voir les essaims de faucons et les meutes de lévriers » qu'on y nourrissait. Ces princes remontant la Seine » sur les radeaux des pêcheurs revenaient au déclin du » jour dans les bras de leurs concubines. »

Williams Hayley a prétendu que l'irruption des Sarrazins dans les Gaules était le plus beau sujet qui pût s'offrir à l'épopée. On trouve en effet dans l'histoire peu d'événemens aussi mémorables. Quelle victoire est plus importante dans ses résultats que celle de Charles Martel qui préserva la France du joug de l'islamisme. «< Sans »elle, dit M. Marchangy, la France eut infailliblement >> perdu son nom, sa religion, ses lois et ses mœurs. >> Toutes ses cités seraient peut être maintenant remplies » de mosquées, de sérails, de bazars et de minarets. » Il est certain que cette grande bataille livrée entre Tours et Poitiers l'an 32, et sur laquelle les historiens contemporains ne donnent aucun détail, mit pour jamais un terme à la grandeur des Arabes, et sauva de leur domination, non-seulement la France, mais encore l'Europe et la chrétienté. L'auteur de la Gaule poétique voit aussi dans la victoire de Charles-Martel le sujet d'un beau poëme épique. Il en trace le plan, en compose la fable, il invente des épisodes, rédige des harangues, suit et développe l'action principale qu'il fait marcher depuis le

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commencement jusqu'à la fin. L'imagination sage, mais brillante, qu'il montre dans la conception de l'ensemble et le talent qu'on remarque dans l'exécution de quelques détails, pourrait faire désirer que l'auteur exécutât luimême le plan qu'il propose, dût-il le faire dans sa prose poétique, plus favorable peut-être à l'épopée française que la pompe monotone de nos grands vers.

Il importait, dans un ouvrage destiné aux poëtes et aux artistes, de peindre fidèlement les mœurs et les coutumes. C'est le devoir de l'historien, notandi sunt tibi mores. Hérodote et Xénophon peignirent les mœurs antiques, et Tacite composa le savant traité de Moribus Germanorum. M. Marchangy termine sa première époque ou son dixième récit, comme il terminera chacune des dynasties de la France, par des détails historiques qui supposent de grandes recherches et qu'on lit avec beaucoup d'intérêt. Nous citerons les traits suivans: « Les » Français s'exerçaient de bonne heure au métier des >> armes; l'embonpoint était considéré comme une preuve » d'oisiveté; on condamnait à l'amende celui qui ne pou» vait pas entourer une ceinture que les magistrats es>> sayaient annuellement à la jeunesse. La chasse et la » pêche, après avoir diverti nos pères, les nourrissaient >> abondamment; tandis qu'ils étaient rangés autour du » foyer allumé au milieu de leur vaste salle, ils se plai»saient à voir la flamme pétillante rôtir et colorer des >> chevreuils et des sangliers entiers, dont on servait les >>hures au son de la trompette. - Les funérailles avaient » un caractère antique et solennel. On n'inhumait pas >> encore dans l'enceinte des villes; les tombeaux, autour » desquels on plantait des rosiers, étaient gardés par des » sentinelles comme les trésors de la patrie. Ceux qui » suivaient le convoi avaient les cheveux épars et cou» verts de cendre. Le noble était enseveli avec ses épe» rons d'or, son épervier et ses armes. L'usage de ren» fermer avec le défunt ce qu'il avait de plus cher, fut » long-tems observé chez nos ancêtres; ces peuples, » comme ceux d'origine gothique et scytique, croyaient » qu'à sa résurrection celui qui décédait retrouvait près » de lui ces objets fidèles. Les Francs, dans les pré

»miers siècles de la monarchie, se réunissaient chaque » année le premier du mois de mars. C'était l'élite des >> guerriers qui méritaient par leur courage l'honneur » d'entourer le roi, de s'asseoir à sa table, de combattre » au premier rang. Ce fut l'origine des distinctions et de » la noblesse parmi nous. On voyait (à ces assemblées) » les grands se saluer en s'arrachant un cheveu qu'ils se » présentaient. On y voyait des citoyens sceller une >> adoption en se faisant toucher la barbe ; pour cimenter » un pacte d'union, ils se coupaient une veine du front >> et laissaient couler leur sang dans une coupe, où ils le » buvaient mêlé avec l'hydromel; ils renonçaient à une >> alliance en rompant une paille dont ils jetaient les mor» ceaux. C'était un pénible sacrifice pour les Francs » que celui de leur chevelure. Un jeune guerrier pris » par l'ennemi conjura celui qui devait le décapiter de » ne point laisser tremper ses cheveux dans son sang, et » de ne point permettre à un esclave de les toucher. » C'était dans ces réunions annuelles qu'on proclamait » les rois en les élevant sur le parois. Tandis qu'on déli»bérait, certains officiers coupaient un morceau de. >> l'habit de ceux qui troublaient le silence. Il n'y avait >> alors qu'une seule horloge en France, celle que le roi >> Théodoric fit faire au célèbre Boëce pour Gondebaud » de Bourgogne. Frédégonde, qui, comme on l'a yu, » était la terreur des rois voisins, disait à Chilpéric: je » me suis aperçu qu'on a volé plusieurs jambons dans nos » celliers. Pendant le repas (des rois), les bardes et » les poëtes nommés fatistes, chantaient des hymnes sur » le courage, l'honneur et la vertu. Un héraut ouvrait » les portes du palais et jetait au peuple de la monnaie » d'or à pleines coupes, en criant: voilà les largesses du » grand monarque! Les historiens parlent d'un banquet » de nos pères où trente mille plats furent servis, et d'un >> autre où l'on fit rôtir soixante mille boeufs, etc., etc.»>

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L'auteur termine cette première époque de la Gaule poétique par quelques savantes réflexions sur l'état des lettres sous les Mérovingiens. Dans le quatrième siècle, la Gaule compta parmi ses historiens Eutrope; parmi ses orateurs, Eumène et Gennade; parmi ses rhéteurs,

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Empère, parmi ses poëtes, Ausone. Lactance et saint Jérôme fréquentèrent les écoles célèbres de Bordeaux, de Trèves, d'Autun, de Marseille et de Toulouse. C'est dans la Gaule que naquirent au quatrième siècle saint Martin, saint Hilaire et saint Ambroise. Bientôt on vit paraître Sulpice-Sévère, saint Paulin de Nôle, saint Prosper, Claudien, Salvien et Sidoine Apollinaire. Le quatrième siècle vit naître saint Césaire, Fortunat et Grégoire de Tours. « Le flambeau des lettres jeta ses dernières clartés dans le fond des cloîtres, qui furent quelque » tems le dépôt des connaissances; mais l'ignorance pé» nétra jusqu'en leur dernier asyle. De grands monas» tères n'eurent plus qu'un missel pour toute bibliothèque, » et le moine illétré, pour copier une légende ou un >> cantique, ratura le parchemin et l'écorce de papyrus » où Tacite et Tite-Live avaient tracé leurs œuvres im» mortelles; enfin toute la science des Gaules se resserra » bientôt autour du lutrin, où ses plus grands efforts » tendaient à pouvoir lire et chanter les psaumes. »

Tout l'ouvrage de M. Marchangy est appuyé sur un grand nombre d'autorités; les faits ont tous leur garantie. On trouve à la fin de chaque volume des preuves et des remarques qui attestent l'infatigable activité de l'auteur, la variété et l'étendue de ses connaissances, et le soin qu'il prend, suivant le précepte d'Horace, de mêler toujours l'utile à l'agréable.

La Gaule poétique peut devenir un monument national. Quelques taches légères déparent le style de l'auteur; elles tiennent peut-être à un système, mais elles ne paraissent appartenir à aucune école, et quand M. Marchangy le voudra, son style ne laissera rien à désirer.

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LES VERS DORÉS DE PYTHAGORE, expliqués et traduits pour la première fois en vers eumolpiques français, précédés d'un Discours sur l'essence et la forme de la poésie, etc.; par FABRE D'OLIVET. - In-8°. — A Paris, chez Treutell et Würtz, libraires, rue de Lille, n° 17.

La doctrine des Pythagoriciens, exposée dans les vers de Lysis, est ici le sujet de beaucoup de recherches, non pas grammaticales ou de simple érudition, mais savantes ou relatives à des questions essentielles sur la sagesse des anciens. Avant d'expliquer, selon le titre même du livre, ces vers, dits vers dorés de Pythagore, M. d'Olivet en donne une traduction particulière, ce qui lui fournit l'occasion, ou si l'on veut le prétexte, d'exposer ses idées sur l'essence même de la poésie et sur les différentes formes qu'elle reçoit, lorsque l'inspiration s'éloignant de son origine a cessé d'être première et descend de degrés en degrés. Il serait facile de s'arrêter à la distinction un peu subtile de la poésie eumolpique, morale ou rationnelle, théosophique ou philosophique; de la poésie allégorique et passionnée ou épique; de la poésie romantique; de la poésie agissante ou dramatique mais pourquoi choisir habituellement le côté des choses auquel l'ironie peut toujours s'attacher; ne doit-on pas craindre de substituer à la justesse de l'esprit une stérile dépréciation des objets de la pensée humaine?

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L'auteur voudrait forcer notre idiôme prosaïque à recevoir quelque trace de l'ancienne poésie intellectuelle; et sa traduction des vers dorés est un essai de ce qu'on pourrait tenter pour reproduire parmi nous l'eumolpée d'Orphée ou de l'Indien Vyasa. Les vers que M. d'Olivet désigne sous le nom d'eumolpiques, different des vers blancs par le mélange régulier des terminaisons masculines ou féminines. Cette innovation, quelque heureuse qu'elle pût paraître, n'aurait vraisemblablement aucun résultat. Lorsque dans la prose proprement dite on ne voyait rien que d'informe et de trivial, on a dû préférer pour les sujets religieux et pour les chants poétiques,

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