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» s'arrêta sur l'herbe qui bordait une fontaine; tandis » qu'il y rêvait appuyé sur sa lance, le faucon sur le » point et les lévriers en laisse, une jeune fille s'ap>> procha pour puiser de l'eau : le roi lève les yeux et les >> arrête sur cette fleur des champs : jamais rien de plus » beau n'avait paru devant lui. Epris de tant de charmes, » il suit la simple Théodegilde sous la chaumière de » son père, qui n'était qu'un pauvre chevrier, et là, » sans se faire connaître, il lui parle de son amour; » mais Théodegilde, chaste et vertueuse, ne voulut » l'entendre qu'aux autels de l'hymen. Quelque obscure » que fût la naissance de cette bergère, Caribert, en » la voyant si belle, la crut digne d'être reine, et bientôt » il l'épousa. >>

A ce tableau gracieux et digne de l'Albane, succèdent, dans le septième récit, les affreux portraits de Frédégonde et de Brunehaut. « La trop belle Frédé » gonde, femme ambitieuse et fière, adroite et dissi» mulée; elle avait la volonté d'un tyran, l'esprit d'un » rhéteur, le courage d'un homme, et toutes les grâces » de son sexe......... Cette femme audacieuse prétend com» mander à la destinée; plus le danger s'accroît, plus » elle s'élève, le dominant toujours d'un front tranquille; l'expérience qu'elle a du crime la rend con» fiante dans ses desseins; elle marche droit au but » qu'elle envisage; il semble à son orgueil que le mal» heur doit servir d'avenue à sa prospérité. » Il Il y a ici les couleurs historiques, mais c'est un peintre habile qui peut ainsi les employer, Le portrait de Brunehaut, sans être aussi fortement tracé, n'est ni moins fidèle, ni moins ressemblant. Brunehaut, « aussi belle que

Frédégonde, avait comme elle une énergie peu com » mune à son sexe. Si plus tard elle l'égala en cruauté, » le malheur qui bouleversa toute sa destinée paraît en » être cause. Entourée d'ennemis qu'elle abhorrait, sa » haîne la rendit barbare, et ne pouvant s'arrêter sur » la pente du crime, elle en franchit tous les degrés, » cédant à l'impulsion d'une implacable fatalité. »

M. Marchangy trouve le sujet d'une belle tragédie dans les funestes amours de Mérovée et de Brunehaut.

Il trace le plan du drame acte par acte, scène par scène, et il esquisse même des scènes entières. Je citerai de celle qui est indiquée au premier acte entre Chilperic et Brunehaut, ce que dit cette reine: «Ombre de Sige» bert, déclare ici quel bras a conduit les poignards » qui t'ont fait ces blessures! Ombre de Galsvinde » tendre sœur, toi que l'hymen a conduite au trépas, » nomme la main qui fit un linceul du voile nuptial dont » se couvrit ton front le jour funèbre où tu devins » épouse! Nomme la. main qui changea les riches col»liers que j'ajoutai à ta parure, en ces nœuds redoublés » qui meurtrissent ton col sanglant (1)! O Sigebert! » Golsvinde! dites un mot, faites un signe et quel» qu'un ici va frémir.... Mais pourquoi craignez-vous » de révéler des forfaits qui n'étonneraient point ce » séjour.... Ombres trop généreuses, pourquoi res» pectez-vous encore des liens que le crime a brisés? » Ah! plus d'égards, plus de pitié! Si les tombeaux » vous ont appris le secret de la mort, confiez-le à ma » vengeance, et bientôt vous verrez aux enfers celui » que vous ne voulez pas nommer; mais alors il faudra » bien apprendre au juge qui mesure les supplices sur, » les forfaits, que c'est Chilpéric qui fit assassiner son » épouse et son frère. » La réponse de Chilpéric est dans les mœurs du tems et dans le caractère de ce prince.

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Ce sujet contient l'indication de fort belles scènes qui produiraient au théâtre un grand effet ; mais je voudrais que le dénouement se terminât par les imprécations de Brunehaut contre Frédégonde, sans le secours soudain d'une de ces machines qu'on ne peut applaudir qu'à l'opéra. « Tandis que cette reine, dit M. Marchangy, >> appelle ainsi la vengeance, on entend de nouveau le » bruit du tonnerre. Une nuit soudaine couvre le palais. » On voit Brunehaut à la lueur du météore exciter le >> courroux céleste, et hâter l'effet de ses terribles pro» messes. » Mais s'il serait facile à un auteur, qui vou

(1) Golsvinde fut trouvée étranglée dans son lit. (Voyez Grégoire de Tours.)

drait travailler sur un plan tout fait, de négliger les détails d'éxécution qui lui paraîtraient faibles ou inutiles, il lui serait difficile de s'approprier les beautés qu'on lui propose d'employer. Les changer, ce serait souvent les gâter; les prendre, ce serait s'exposer à la honte qui suit le plagiaire. On peut dépouiller un auteur obscur dans un livre oublié. Nous avons vu ce genre de larcin porté au dernier degré du scandale. Ce ne sont plus quelques épis qu'on glane dans un champ infécond, mais des moissons presque toutes entières qu'on y dérobe, à la faveur de la nuit qui le couvre. C'est au grand jour qu'il faudrait prendre les richesses de la Gaule Poétique, et aucun auteur n'osera se les approprier.

Le huitième récit a pour titre : Clotaire et Dagobert. Il est encore rempli des crimes de Frédégonde et des malheurs de Brunehaut. On sait que l'évêque Prétextat fut égorgé sur les marches de l'autel par les siccaires de Frédégonde. On l'emporta mourant dans ses foyers. L'affreuse reine se mêlant à la foule consternée, osa demander au pontife quel bras avait commis ce meurtre sacrilége: «Athalie, répondit-il, ne reconnais-tu pas à » ma blessure la main qui tué les rois ! » M. Mar changy trouve, avec raison, dans ce trait historique, le sujet d'un beau tableau. Il continue lui-même de peindre à grands traits Frédégonde et sa rivale, lors qu'elles se disputent la victoire dans les champs de Leucofao. «Les deux reines s'aperçurent au milieu du >> combat, toutes deux la couronne sur la tête et haran, >> gant leurs soldats de la voix et du geste. Frédégonde >> tenait encore son Clotaire, telle qu'on la vit à la ba >> taille de Droissy: Brunehaut portait dans ses bras >> Théodebert et Thierry. La victoire se donna à Frédé » gonde. Peu de tems après, cette femme, qui répandit >> le sang d'une famille entière de rois, échappant aux >> remords, aux châtimens pour ici-bas, trouva Dieu patient jusqu'au bout, et mourut paisiblement dans » son lit.» L'auteur retrace ainsi la fin de Brunehaut: « Le sort qui si long-tems s'était amusé de cette infor>> tunée, voulut en finir avec elle.... Clotaire ordonne » qu'on amène Brunehaut au milieu de son camp. Placé

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» sur un trône, il se constitue l'accusateur de cette reine, » et lui reproche la mort de dix rois, comprenant dans » ce nombre ceux que Frédégonde et lui-même avaient >> fait assassiner.... Un murmure sourd se fait entendre » au loin, une pâleur mortelle couvre les traits de la » souveraine détrônée. La soldatesque insolente, qui >> avait ordre d'en agir ainsi, prononce qu'elle a mérité >> la mort. C'est le seul exemple que donne l'histoire » d'une femme jugée militairement... Elle est promenée » sur un chameau dans les rangs de l'armée. Les longues >> risées et les clameurs la suivirent dans cette marche >> douloureuse. Bientôt ses cheveux, que pendant si »long-tems avait couronnés le diadème, servent de >> liens pour l'attacher au coursier qui l'emporte en se >> cabrant à travers les pierres et les ronces. L'animal fougueux, dont le sang et les lambeaux marquent la >> trace, s'arrête enfin au bout de son horrible carrière, >> et y laisse quelque chose d'immobile et de défiguré » qui avait été la grande Brunehaut. »>

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M. Marchangy s'étonne, avec raison, de l'espèce d'indifférence que la poésie et les arts ont jusqu'ici montrée pour ces premières époques de notre histoire nationale. «Tous ces événemens, dit-il, sont odieux >> sans doute; cependant, par quelle prévention les >> trouve-t-on si peu susceptibles de poésie et d'intérêt, >> tandis qu'on s'empare avidement de faits plus odieux » encore lorsque l'antiquité les présente ? Les rivalités et >> les haînes héréditaires des Pélopides et des enfans » d'Edipe ne sont, comme les règnes des successeurs » de Clovis, qu'une longue suite de fureurs et de mas» sacres.... N'a-t-on pas vu chez nous, comme chez les >> Grecs, une nouvelle Clytemnestre, un autre Egyste >> trouvant dans l'adultère la nécessité d'un autre crime? » N'a-t-on pas vu chez nous, comme chez les Grecs, » des familles royales dévouées aux furies, et pleines » de piéges et de complots, ne montrer aux contem» porains, muets de terreur, que des morts suspectes et » des successions ensanglantées? Que manque-t-il donc » à nos héros tragiques ? Les héritiers des champs neus» triens, de l'occitanie, et des murs de la déesse Isis

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(Parisii), étaient aussi puissans que les possesseurs » du bourg d'Argos et de la ville de Thèbes. Les noms » de Frédégonde, de Clotaire, de Mérovée, de Clovis, » de Clodomir, sont aussi beaux que ceux d'Etéocle, » de Polynice, d'Atrée et de Thieste.... On peut enfin » ajouter que les règnes de Chilpéric et de Brunehaut » ont une teinte sombre et quelque chose de gigan>> tesque qui convient à la trempe de certains génies.... >> Combien, par exemple, l'époque de nos annales, qui » n'est ici que rapidement esquissée, ne serait-elle pas >> effrayante aux yeux des races futures si elle avait pour >> historien un Tacite ou un Bossuet; pour poëte un » Milton, un Shakespeare, ou plutôt encore ce Dante » Alighieri, qui ne trouva sur la terre aucun sujet digne » de lui, et qui n'eût pas eu besoin d'aller jusqu'aux >> enfers s'il se fût emparé de ces règnes si fertiles en for» faits et en supplices. » Ces réflexions sont vraies, mais peut-être auraient-elles eu l'air d'un paradoxe si M. Marchangy n'avait eu le bonheur d'en, prouver la justesse par son ouvrage même.

Le règne de Dagobert, fils et successeur de Clotaire, offre des tableaux d'un genre moins terrible. Ce prince fit bâtir l'abbaye de Saint-Denis, qui devint « célèbre » par la munificence de nos rois et plus encore par leur » néant. » Cette époque fut fameuse par la fondation de nombreux monastères : « L'amour de la retraite et de la » solitude s'empara d'un très-grand nombre de chrétiens. » On eut dit que la barbarie et les horreurs dont fut » souillé l'univers durant les siècles précédens, avaient >> jeté leur cœur dans cette profonde mélancolie inconnue » à l'antiquité, mais qui fut souvent une maladie et quel >> quefois un sentiment pour les peuples modernes. >> Les monastères se remplirent « de ces mortels sensibles » qui trouvent difficilement à compléter leur existence » dans le fracas du monde. »

Charles-Martel est le sujet du neuvième récit. M. Marchangy peint d'abord les rois fainéans, et parmi eux, ce Thierry, « qui descendait du trône, y remontait, en » redescendait et y remontait encore avec une égale in» difference. » Il peint les maires du palais, et parmi

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