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sentiment désagréable, tel que celui qui naîtrait à la vue d'un malheureux expirant sur la roue, ou d'un homme attaché à la potence, dont le bourreau hâte les derniers ins

tans.

Les grands poëtes tragiques ont toujours écarté les scènes d'horreur qui font frissonner sans attendrir. Un cœur sanglaut inspire le dégoût ou l'effroi, et ce n'est pas à ces deux sensations pénibles que sont dus les pleurs que tous les yeux répandent sur la mort de Zaïre ou de Gusman, sur les malheurs d'Edipe, d'Andromaque, de Phèdre et de Zopire. Si Voltaire avait traité le sujet de Gabrielle de Vergy il aurait mis en récit ce que du Belloy met en action, et il aurait éveillé la sensibilité, tandis que du Belloy irrite les nerfs. Le grand homme connaissait trop bien son art pour offrir des objets dégoûtans aux spectateurs, et il s'est gardé de transporter la Grêve sur le théâtre.

Le dernier acte de Gabrielle aurait été applaudi sans doute chez les Romains, où l'on représentait au naturel l'histoire d'Orphée que des tigres dressés à jouer le rôle des Ménades, mettaient en pièces; où des lions dévoraient des esclaves pour amuser le peuple roi; où les dames romaines, à ce qu'il paraît, peu sujettes aux maux de nerfs, faisaient leurs délices des combats de gladiateurs, et criaient à ceux des malheureux qui demandaient la vie, reçois le coup mortel et tombe avec grâce: il le serait encore sur les bords de la Tamise par ces apathiques insulaires qui sont aussi froids que les brouillards au sein desquels ils vivent et s'ennuient; mais la sensibilité des Français et sur-tout des Françaises n'a pas besoin de semblables excitans. Je sais bien que les plus grands crimes peuvent fournir à un poëte des sujets éminemment tragiques, mais s'il a du goût, il ne représentera pas un assassin buvant le sang de sa victime ou déchirant son cadavre; dès que le coup fatal sera porté, il écartera de nos yeux l'infortuné qui l'a reçu,, ou le tyran dont il a puni les forfaits. Il se gardera bien surtout de faire de son principal personnage un ogre qui veut tout dévorer, il tâchera, au contraire, de le rendre intéressant comme Oreste, Brutus, Orosmane, Vendôme, Zamore ou Othello; s'il veut peindre un ambitieux, il lui donnera dans le crime même cette force de caractère qui étonne, et Polifonte ou Catilina lui serviront de modèle ; nous montre-t-il un scélérat? des remords tels que ceux de Néron, de Mahomet, de Charles IX, vengeront l'humanité et 'a vertu outragées, ou bien il laissera voir à travers le voile

des tems la vengeance qui se prépare, comme dans Agamemnon. Il faut que les grands scélérats qu'on met sur la scène aient dans leurs crimes une certaine grandeur qui impose à l'imagination et fixe la curiosité, autrement on ne produit que des monstres semblables à Fayet.

Voulez-vous mettre un parricide devant mes yeux? gar dez-vous bien de me faire voir un homme qui enfonce froidement son poignard dans le sein de l'auteur de ses jours, je serais révolté. Mais choisissez un infortuné qu'une fatalité aveugle et irrésistible entraîne à l'assassinat de son père, ou un jeune fanatique dont un imposteur arme la main au nom du ciel, alors je verserai des larmes sur leur crime involontaire.

Intéressez-moi à Cain fratricide, en lui donnant des remords, et si son forfait est l'œuvre de l'ange des ténèbres qui dirige lui-même la fatale massue, je plains le coupable

én détestant son crime.

Pharasmane tue un de ses fils sans le connaître, et il conserve encore des droits à ma pitié, Phedre incestueuse, Gertrude adultère, Horace couvert du sang de sa sœur, Oreste et Ninias de celui de leurs mères, excitent le plus vif intérêt parce qu'ils sont placés dans des situations qui diminuent l'atrocité de leurs crimes. Voilà comment le génie met sur la scène des actions dont le nom seul fait frémir d'horreur.

Du Belloy n'a pas suivi cette marche indiquée par la na ture, aussi son Fayel n'est-il qu'un tyran jaloux et forcené qui se venge à la manière des tigres, en sacrifiant trois innocens à son aveugle rage, et qui se rend enfin justice lors qu'il s'immole lui-même. Si une pareille tragédie a obtenu un grand succès à la reprise, il fant l'attribuer aux évdnouissemens de quelques dames aux nerfs délicats, qui n'ont pas manqué une seule représentation, et à la curio sité de ceux que ces évanouissemens amusent, et qui remplissent le parterre et les loges pour jouir d'un spectacle d'un nouveau genre. Que personne ne se trouve mal à la prochaine représentation de Gabrielle, et je suis persuadé qu'il n'y aura pas plus de monde à la suivante qu'à une pièce de Molière.

L. A. M. BoURGEAT.

POLITIQUE.

Les nouvelles d'Amérique, en date du 8 juillet, font connaître que Ia guerre se soutient en Canada avec des avantages alternatifs pour les deux partis.

On apprend que l'escadre anglaise qui avait remonté la rivière de James est redescendue dans la rade de Hampton. Le président, M. Maddisson, a été malade au point que l'on craignait pour sa vie ; mais il est actuellement hors de danger.

a

Tous les papiers officiels d'Allemagne continuent à garder un silence absolu sur les négociations de Prague. Le Moniteur n'a également rien publié qui ait un caractère officiel depuis la note qui annonce que la fête de S. M. dû être célébrée le 10 août dans toute l'armée. Déjà l'on sait qu'à Wurzbourg, à Erfurth, à Francfort, à Hambourg, l'armée et les habitans réunis ont rivalisé de zèlé pour exprimer les sentimens qu'inspire le jour mémorable de l'anniversaire de S. M. A Hambourg, M. le maréchal prince d'Eckmulh, avait réuni plus de 40,000 hommes à un banquet préparé sur les remparts. Au sortir de table les régimens ont défilé aux cris de vive l'Empereur. A la tablé de M. le maréchal, les santés les plus chères aux Français ont été portées par les officiers français, le danois réunis. Voici le toast du prince : « A S. M. le roi de Danemarck, tous les Français lui portent le sentiment dont l'Em» pereur est animé : les troupes françaises et dauoises riva liseront de discipline et de courage pour le service de leurs souverains respectifs. "

Au moment où cette belle journée excitait un enthou siasme général, le bruit se répandait qu'un courrier arrivé de Dresde avait apporté la nouvelle de la conclusion d'un traité offensif et défensif entre la France et le Danemarck. Cette nouvelle, et le grand spectacle dont les habitans de Hambourg venaient d'être témoins, avaient fait chez eux l'impression la plus vive.

Les autres nouvelles particulières du quartier-général, du territoire de la Confédération et de Bavière, annoncen des mouvemens de troupes. Suivant des lettres de Leipsic

la garde impériale se serait mise en mouvement pour une destination ultérieure, ainsi que le corps du duc de Padoue. L'armée saxonne est superbe, elle est aux ordres du géné ral Regnier l'armée bavaroise a été subitement grossie des corps de légion mobile qui par un mouvement généreux on voulu entrer en ligne, et ont obtenu l'honneur d'accompagner les bataillons de guerre. Le duc de Reggio commande vers Wittemberg un corps nombreux et magnifique. Le roi de Naples a passé à Munich se rendant au quartiergénéral de l'Empereur. Le prince vice-roi s'est porté de Milan à Véronne, et de Véronne à Udine. Le duc d'Otrante a pris possession de son gouvernement des Provinces-Illyriennes. Sur toute l'étendue du territoire occupé par l'armée française, la récolte a été d'une abondance extraordinaire, et le service des vivres est assuré avec une facilité égale à l'intelligence qui préside à sa direction. Les Français ont fait la plus grande partie de leurs approvisionnemens dans la partie de la Silésie qu'ils occupent.

A la date du 14, l'Empereur était à Dresde et continuait à jouir de la plus parfaite santé.

Le jour de la fête de saint Napoléon a été célébré à Paris le 15 août avec une grande solennité. Un tems très-beau l'a favorisé dans toutes ses dispositions. Une population immeuse de la capitale et des environs y a pris une part très-active jusqu'à une heure très-avancée dans la nuit.

On annonce comme très-prochain le départ de S. M. l'Impératrice Reine e Régente pour Cherbourg. Cette an guste souveraine va s'y rendre spectatrice d'une de ses opérations qui appartiennent éminemment à la gloire d'un siècle, et qui seront comptées parmi les plus étonnantes et les plus utiles du règue de l'Empereur. Déjà l'affluence est extrême à Cherbourg, on y accourt de tous les départemens, et du sein de la capitale de nombreuses et riches caravanes partent tous les jours pour se rendre dans ce port, dont l'œil jaloux de l'Angleterre a suivi l'agrandissement avec une extrême inquiétude, et d'où elle pourra voir les escadres françaises réunies menacer en sûreté ses côtes méridionales.

ERRATA pour le dernier No.

Page 312, ligne 23, fillettes, lisez : caillettes.

S.....

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MERCURE

DE FRANCE.

N° DCXXXII. Sumedi 28 Août 1813.

POÉSIE.

ENFER DU DANTE.

TRADUCTION DU CHANT CINQUIÈME.

(Le Dante arrive avec Virgile dans le deuxième cercle de l'Enfer, où sont punies les ames que l'amour a perdues. Il y rencontre Françoise de Rimini et Paul, son amant.)

Cosi discesi del cerchio primaio

Giù nel secondo, che men luogo cinghia,
E tanto più dolor, che pugne a guaio.

L'ENCEINTE où nous conduit ce sentier ténébreux
Offre, avec moins d'espace, un séjour plus affreux :
D'éternelles douleurs gémissent dans l'abîme.

Sur un siége de fer, examinant son crime,
L'inflexible Minos connaît bientôt le sort
Du pécheur qui descend aux régions de mort.
Le coupable qu'atteint la céleste justice,
Confesse le forfait digne de son supplice.
Sur le front de son juge il lit son châtiment;
Des replis de sa queue il suit le mouvement;

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