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de style dont elle est pleine, que M. L. Dufour a écrit tout le voyage dans les quatre principales îles, et il a laissé à dessein des fautes, pour mieux donner le change à ceux qui connaissent un peu M. Bory. Si cela est vrai, M. Dufour n'est pas très-modeste de prôner amsi son propre ouvrage.

Quant au morceau inséré dans le Journal des Débats il est signé par M. Jondot qui, je pense, n'a point lu l'ouvrage dont il a laissé paraître l'examen sous son nom, car on trouve dans ce journal : Le volcan de l'Isle-de-France gronde encore de tems en tems, etc. M. Bory n'a point dit dans son ouvrage qu'il y a un volcan à l'Isle-de-France; le rédacteur de cet examen a commis plusieurs erreurs de ce genre. Je terminerai en observant que MM. les rédacteurs et les coopérateurs des journaux, étant juges-nés des productions littéraires, ils devraient être, si non sévères, au moins justes.

J. VINCENT, de la Société des sciences et arts du département des Deux-Sèvres, de la Société d'émulation de l'Isle-de-France, et associé correspondant de l'Académie de Batavia.

Port Nord-Ouest, Isle-de-France, le rer août 1806.

De l'Impartialité dans les Ecrits, etc.

LE sujet académique désigné pour le concours prochain par la seconde classe de l'Institut, paraît être du choix le plus heureux; et il serait à désirer que l'on pût toujours sans sortir des limites littéraires, en proposer ainsi qui tînssent à des considérations morales de quelqu'importance. L'on ne saurait dire d'ailleurs que l'état présent des choses rende superflu l'examen des principes sans lesquels la critique ne peut être ni légitime, ni utile.

L'impartialité est une des conditions essentielles de la véritable critique, une des parties premières qui la constituent.

Le moins équitable des hommes peut devenir juste quand il est sans passion. Cependant cette droiture, peu méritoire alors, est encore imparfaite. Ceux en qui l'on ne trouve que cette impartialité accidentelle suivent des habitudes ou des systèmes en tous genres ; ils conservent des préventions vagues dont ils ont pris d'abord si pen de soin de se garantir, qu'elles se sont établies naturellement dans leur esprit, et qu'elles y règnent à leur inscu.

Mais l'homme vraiment impartial, le seul qui mérite ce titre, est celui qui dès long-tems a pris l'inviolable résolution de soumettre à la justice ses penchans les plus légitimes, de s'éloigner en quelque sorte des choses sur lesquelles ils faut porter un jugement, et de ne point régler les opérations de l'esprit par les insinuations du cœur.

Les anciens voulaient que les Dieux seuls prononcassent entre les mortels; en effet, pour toutes les fonctions de l'intelligence où des intérêts étrangers aux nôtres peuvent être compromis, il faudrait que nous fussions nous-mêmes étrangers sur la terre, et il est indispensable que du moins nous nous considérions comme tels. Il est universellement reconnu que ce devoir ne peut être négligé sans crime, toutes les fois qu'il s'agit de l'honneur ou de la vie des hommes; mais dans les décisions dont les suites peuvent ou égarer l'opinion publique, ou affliger des individus, ou seulement opposer quelque obstacle aux progrès des vérités utiles, ce même devoir n'est pas moins sacré dans le principe, quoique les résultats en aient alors une importance moins directe, moins évidente.

:

Si des intentions pures suffisaient aux autres, comme elles suffisent trop souvent pour nous rassurer nous-mêmes, tout homme intègre serait un juge irrécusable; mais l'impartialité qui demande moins de lumières que l'équité prise dans une acception étendue, en exige pourtant beaucoup. Il faut être doué d'un coup-d'oeil pénétrant et sûr cet avantage pen commun donne seul des titres à examiner les opinions diverses, à prononcer sur des questions trop légèrement résolues, à louer ou à critiquer et les vues que d'autres annoncent, et les ouvrages qu'ils publient. Ce n'est pas tout, nulle sagacité ne mettrait à l'abri des erreurs ; il faut pour les prévenir, pour les éviter du moins autant qu'il est en soi, beaucoup de patience et des recherches assidues. L'impartialité n'est pas entière, si elle n'est pas scrupuleuse.

L.... voulait être juste, mais cette intention est restée sans fruit. Non seulement il se trompe tous les jours, parce qu'il manque d'instruction et de profondeur; mais on sent aussi qu'il ne s'attache qu'avec découragement à cette justice qu'il avait eu dessein de suivre. Comme il n'est pas sûr de trouver en lui-même tous les moyens de l'observer exactement, il se laisse aller à négliger des soins dont les succès Jui semblent trop donteux.

M..... ne donne pas de plus parfaits exemples. Les oceu

pations auxquelles il se livre exigent spécialement une grande impartialité : l'étendue de ses connaissances, sa pénétration et ses intentions droites l'autorisaient à s'en charger; cependant il les remplit d'une manière peu satisfaisante, et il est trop timide pour être vraiment juste. Ce n'est pas qu'il n'aperçoive tout le vice des raisonnemens qu'il voudrait combattre, ou qu'il ne sente toute la justesse d'une idée nouvelle dont l'auteur aurait besoin d'être soutenu parce qu'on s'obstine à mettre ses opinions au nombre des paradoxes: mais il n'ose s'avancer trop loin; sa dialectique est faible, il le sait, et il ne veut pas provoquer une discussion dans laquelle il désespère de rendre certain aux yeux de tous, ce dont il reconnait personnellement l'évidence. Incapable de faire triompher la verite, il ne la défendra pas même avec le degré de chaleur qu il pourrait y mettre s'il avait l'espoir d'obtenir ainsi quelques résultats d'utilité publique, ou de s'en faire honneur à lui-même en prouvant qu'il combat en effet pour la vérité.

Il est moins excusable encore N.... qui pouvait facilement devenir un critique impartial. Assez mal vu de tous les partis, et dégagé d'avance des liens embarrassans de l'amitié, sans doute il n'a besoin d'en imposer en faveur de personne; mais il lui est arrivé de faire un malheureux calcul (cette froide prudence remplace chez les gens de ce caractère tous les penchans qu'ils ne peuvent sentir), il a donc vu que l'impartialité dans les objets essentiels ne fait guère que des mécontens parmi les hommes, parce qu'ils veulent presque tous que l'on soit partial avec eux. Un très-petit nombre de tranquilles approbateurs ne lui suffisant pas, il ne s'attachera désormais qu'à juger de l'arrangement des mots sans apprécier le fond des choses. Il aura moins de passions à heurter, moins d'intérêts à ménager, et il est plus sûr d'être compris ou goûté généralement. En effet, si dans tous les grands pays l'on trouve dix mille personnes qui aient fait une longue étude des règles grammaticales et des agrémens du style, cent tout au plus savent raisonner avec justesse, et il est possible que ce soit trop encore pour les besoins publics.

En affectant d'être justes dans les occasions difficiles et de prononcer d'une manière qui n'ait rien de suspect au milieu des tentations les plus certaines, on tombera quelquefois dans le vice opposé. Cette nuance d'iniquité volontaire appartient au charlatanisme, et est nécessairement repréhensible. Je sais que dans un livre publié dernière

ment, l'on a dit au sujet de J.-J. : « Le charlatanisme est un » moyen comme un autre; dans chaque état il en faut un peu, rien n'affranchit de cette obligation. Ces principes là ne sont pas sévères : c'est une forte distraction dans un auteur distingué. Il faudrait, quand on parle sérieusement, songer toujours aux convenances. Où en serions-nous si les fausses excuses de la politique s'introduisaient jusques dans les relations de la vie privée? Ce n'est point que je décide cette question: si des grands desseins ont pu légitimer autrefois quelques moyens d'étonner la multitude. Pythagore en avait besoin peut-être mais à quoi cela. eut-il pu conduire un Genevois du dix-huitième siècle? Quand la simplicité, la bonhomie et la franchise ne font plus partie de la manière d'être, la sincérité, la probité même deviennent problématiques, et la défiance qui obsède les cœurs ne tarde pas à ne leur laisser d'asyle que dans les replis ténébreux de la duplicité.

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L'impartialité la plus parfaite n'exige point que le cœur soit indifférent, mais que la tête soit libre; elle ne nous prescrit pas d'oublier nos propres intérêts, de méconnaître ceux de notre famille ou du corps dont nous faisons partie, mais elle veut que les affections laissent à l'entendement toute l'indépendance naturelle. Sans cette indépendance, nos pensées avilies ne diffèrent plus des opérations de l'instinct, de cette industrie servile dont il peut résulter dans la brute des prodiges d'adresse, mais jamais la noble volonté d'être juste, expression terrestre du vrai, don sublime fait à l'homme seul dans les êtres connus. Ainsi l'impartialité n'est autre chose que l'équité maintenue au milieu des suggestions de tout genre, et tout ce qui est louable en nous est compris dans le seul mot justice. La justice bien. observée, bien sentie, est l'unique loi par elle l'homme est achevé; sans elle, il ne reste à la place de cet être intelligent et magnanime qu'une sorte. d'animal assez actif et assez ingénieux pour devenir plus malfaisant que tout

autre.

C'est un effet indirect, mais infaillible, de la partialité de corrompre le cœur en perpétuant le désordre de l'esprit (1). La morale, dont la vérité est toujours le seul fon

(1) Veut-on quelque exemple des absurdités qu'elle peut suggérer aux bons écrivains, aux grands orateurs? en voici un qui n'exige pas de commentaires: il suffit de transcrire. « Sayez-vous bien çe

dement solide, n'a presque pas d'autre soutien qu'elle dans les tems où les mœurs convenues s'affaiblissent. Une grande partialité dans un livre célèbre et sur des objets importans serait une sorte de calamité publique. Que d'esprits superficiels auront promptement désappris à penser juste dans un livre séduisant qui parut il y a plusieurs années, et dont les ornemens poétiques à un degré très-remarquable servent à couvrir la faiblesse de tout ce qu'on croit y trouver de sérieux et de raisonné (2). Toutefois les erreurs sont moins dangereuses aujourd'hui; le siècle présent est peu susceptible en tout sens de séduction et d'enthousiasme. La partialité se montrait davantage chez les anciens, elle y était plus aveugle et plus voisine du fana

tisme.

S'il était un peuple spirituel, prompt, avantageux et vain, qui eût trop d'incertitude dans les affections et de mobilité dans les idées pour être enthousiaste de son pays,

que c'est qu'ua incrédule ? C'est un homme sans foi, sans mœurs, sans caractère, sans probité ;... un homme... qui n'a point d'autre règle que ses désirs emportés... Enfant dénaturé... Epoux infidèle.... Maître cruel.... Ami perfide.... De quoi n'êtes-vous point capables, vous qui n'attendez plus rien après cette vie.... Quels monstres êtes-vous donc de vous mettre dans l'esprit des sentimens si bas!... Vous seriez-vous jamais avisés d'être incrédules, si vous eussiez cru pouvoir accorder la foi avec vos désordres..... Si la foi eût souffert et autorisé les passions, jamais il n'y aurait eu d'incrédules sur la terre et une grande preuve de cela, c'est que quand vos passions vous laissent quelque calme, vos doutes dimi

nuent....• •»

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MASSILLON. Sermon pour le lundi de la troisième semaine du carême.

(2) On condamne dans les auteurs modernes beaucoup d'expressions qui ne se trouvent pas dans Boileau, dans Rollin. Cependant d'autres idées demandent d'autres termes. Je ne veux point justifier, par exemple: Célibataire des mondes; mais si l'on ne peut pas dire : l'abîme de soi-même, il faut renoncer a écrire. L'auteur du livre dont il s'agit ici, et deux ou trois autres, soit après lui, soit aussi avant lui, paraissent avoir jugé, avec raison, que la prose élevée pourrait admettre la hardiesse des couleurs poétiques; mais il faut se borner sans doute à celles qui peignent réellement, et qui ont moins d'éclat que d'utilité.

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