poëte, et ce n'est point sous des cheveux blancs que l'on adresse à l'amour l'apostrophe suivante : Ah! sois béni! celeste élan de l'ame, Ton charme heureux embellit le bonheur.... Ce n'est point dans l'hiver de ses ans que l'on s'écrie: Dieu tout puissant! que ce jour a de charmes, Où l'on connait le plaisir et les larmes. Qu'en pensent mes lecteurs? Croiront-ils à des assertions qui ne sont peut-être qu'une fraude poétique, ou à des sentimens qui paraissent la décéler? Supposons la balance égale. Dans le premier cas, le poëme des Troubadours ne serait pour nous que le legs d'un poëte qui s'est livré trop tard à son talent; dans le second, nous y verrions les prémices d'un talent naissant qui donne les plus belles espérances. Obligés de choisir entre ces deux hypothèses, je crois que nos lecteurs ne balanceront pas plus que nous, qu'ils adopteront la plus consolante et engageront notre jeune vieillard à se lancer hardiment dans la carrière où il vient de débuter. Il a vaincu dans son premier tournois, comme son héros. Qu'il entreprenne une lutte plus longue, et je crois qu'on peut lui promettre des lauriers non moins brillans et plus heureux. Les notes qui accompagnent ce poëme sont peu nombreuses et intéressantes. Elles annoncent dans l'auteur une instruction très-variée. On remarquera des vers d'Etienne Deschamps, poëte du treizième siècle. Ils sont tout aussi corrects sous le rapport de la versification que ceux de Clotilde, et ne leur cèdent guère en agrément. Il serait curieux de savoir si notre auteur n'y a point exercé sa lime. Je ne m'arrêterai point à quelques taches que l'on pourra remarquer dans cet ouvrage. Il sera aisé de les faire disparaître dans une seconde édition. On pourra aussi songer alors à en rendre l'impression plus correcte. J'ai corrigé deux fautes dans mes citations; là ou j'ai écrit : Depuis vingt ans le sceptre est dans ma main, Un homme vient qui se lève et le donne. L'imprimé porte: la donne. Ou j'écris : Et j'aime encor sans espérer de plaire, on lit: Et j'aime encore, ce qui rompt la mesure du vers. Ces fautes sont légères, sans doute, mais elles devaient être remarquées dans un ouvrage publié chez M. Firmin Didot. C. V. Lettre aux Rédacteurs du Mercure de France, sur la critique du nouveau roman de Mme DE GENLIS, par M. AD.... DE S......N ( N° du 8 mai), et la défense de cet ouvrage par M. L. A. M. BOURGEAT ( N° du 12 juin.) MESSIEURS, M. Ad.... de S......n, dans le Mercure du 8 mai, a attaqué avec les armes de la critique Mademoiselle de la Fayette et Madame de Genlis à qui elle doit de reparaître sur la scène du monde. Le 12 juin suivant, M. Bourgeat, chevalier des belles, est venu dans la même lice rompre une lance en leur honneur. Les deux champions ont fait preuve d'adresse à manier leurs armes : Mais à qui est demeuré l'avantage du combat? Le tenant s'est retiré le premier; sa retraite cependant n'a point eu l'air d'une fuite; sa courtoisie même envers le défenseur des dames semblait dire qu'il ne se sentait point blessé de ses coups (Mercure du 19 juin). D'un autre côté, celui-ci resté ferme sur l'arçon, est sans doute satisfait de la carrière qu'il a fournie, et pense avoir tout au moins faussé en plusieurs endroits les armes de son adversaire. Je ne sais si les juges du camp ont prononcé en attendant leur jugement, simple spectateur, je vous demande, Messieurs, la permission de vous dire franchement mon avis. Pour parler sans figures, je n'avais point encore vu le roman de MTM de Genlis quand il fut attaqué et défenda dans le Mercure par les deux écrivains que je ne connais que par les articles dont ils enrichissent ce journal. Leur discussion dut m'inspirer l'envie d'en examiner l'objet, et je me suis mis à lire Mademoiselle de la Fayette, oubliant ce qu'on en avait dit et me laissant aller à mes propres sensations. Je dois avouer qu'elles furent plus d'une fois en faveur du roman, et que cet ouvrage entraîne souvent par un charme, séduit par un prestige dont son auteur a le secret; en un mot, j'y ai trouvé, selon l'expression heureuse de M. de S......n, tout ce qu'il faut pour faire excuser l'enthousiasme de ses admirateurs; revenant ensuite à me rendre compte de mes idées, reprenant les raisons des deux parties et les comparant à ce que j'avais senti et pensé, il m'a semblé que la défense avait été bien moins heureuse que l'attaque, et j'en ai mieux compris que la politesse seule et une certaine délicatesse avaient engagé M. de S......n à ne point soutenir sa propre opinion. Ma position neutre ne m'obligeant point à la même déférence, je crois pouvoir dire à M. Bourgeat, avec les égards dont il a donné l'exemple envers son adversaire, que nonobstant sa réfutation les remarques de celui-ci subsistent, et qu'il n'a point détruit, du moins à mon avis, l'impression qu'a dû faire sur les esprits impartiaux la critique de M. de S......n; c'est ce que je vais essayer de prouver en suivant les observations de M. Bourgeat, en exposant de mon mieux en quoi je ne les trouve pas fondées; et peut-être que cette réfutation de sa réfutation ne sera pas non plus déplacée dans le journal même qui la contient. En parlant du roman historique, M. de S......n dit que l'échafaudage de puissance et de gloire dont s'y trouve nécessairement environné l'amour des rois, des grands de la terre, à moins d'attrait pour lui que l'amour qui se cache dans un rang plus modeste : M. Bourgeat, pour prouver la fausseté de cette pensée, pré end qu'il en faut conclure, dans la manière de voir de M. de S......n, qu'une pastorale serait préférable à une tragédie; puis détruisant aisément cette frivole e nséquence, il établit sans qu'on puisse le lui nier, que chaque condition dans l'ordre social a ses formes propres et particulières, que touse situation prise dans la nature des choses a son charme et son intérêt, qu'on peut par conséquent s'intéresser aux simples amours de Daphnis et de Chloé, sans être insensible aux malheurs de Didon, s'attendrir sur le sort de Paul et de Virgin'e et frémir sur celui d'Othello et d'Eldemone, qu'en un mot pour nier que les amours des grands de la terre soient touchans', il faut oublier le Cid, Britannicus, Adélaïde, Zaïre, etc. Toutes observations assurément très-vraies, mais à qui il manque une petite condition pour être concluantes, celle d'être justes. M. de S......n n'a point dit, ne dira probablement jamais, que tout honnête homme qui a le malheur de ne pas aimer le roman historique doive être condamné à ne trouver rien de beau, rien de touchant dans la tragédie ou le poeme épique.-Mais c'est une conséquencé de son principe! Oui, comme si l'on concluait que pour ne pas aimer telle ou telle petite beauté fade ou minaudière, il n'est plus de femme qui puisse vous rendre sensible. Avec cette logique, que quelque malheureux amateur sortant moitié etourdi, moitié endormi, d'un opéra moderne, s'avise de préférer Blaise et Babet ou le Devin du Village au tintamare barroque, aux lamentables psalmodies qu'on vient de lui donner pour de la musique, et les dilettanti lui prouveront que puisqu'il n'aime par leur harmonie, c'est qu'il préfère sans doute des vaudevilles ou des pontsneufs aux accords de Guck, de Piccini, de Sacchini, de Cimarosa, de Paësiello, de Mozart, etc. Rétablissons la question: M. de S......n cherche de quelle espèce de mérite est susceptible le roman dit historique. Que M. Bourgeat relise le passage entier, et il verra que le critique est prêt à approuver toute composition romanesque qui lui offrira une action, un intérêt, où la curiosité soit vivement excitée, etc. Mais auparavant il a remarqué que la partie historique dans ces sortes d'ouvrages n'était qu'un accessoire indépendant du développement des caractères, des passions, des situations, quelquefois même une espèce de charlatanisme à l'aide duquel sans un grand effort d'imagination on donne du relief à des personnages ou à des événemens qui n'en auraient point du tout s'ils étaient de pure invention. C'est ici qu'il ajoute comme complément et confirmation de son idée principale que cetle pompe, cet étalage de grandeur et de majesté, ne saurait lui imposer; conséquence de toute justesse, s'il est vrai, comme il le suppose, que les personnages et les événemens d'un roman historique, c'est-à-dire, les caractères et les situations n'ont par eux-mêmes rien de brillant, rien de solide, et paraîtraient pauvres et misérables s'ils étaient de pure invention, si la scène ne se passait pas dans des palais tout peuplés de souvenirs, si les acteurs ne s'affublaient pas de noms de rois, de princes, de seigneurs, de ministres revê tus d'avance à nos yeux par l'histoire d'une sorte de considération qui dérobe au lecteur superficiel la faiblesse du rôle qu'on va leur faire jouer. Voilà le véritable raisonnement de M. de S......n, voilà sa doctrine littéraire sur le roman historique, et les écueils que ce genre offre à qui veut le traiter. M. Bourgeat l'a-t-il réfutée? Franchement, non; car il n'a pas même abordé la question; il a pris un développement accessoire pour le fonds de la pensée, une conséquence pour un principe; il a tiré d'un cas particulier des inductions générales; et prouvant d'ailleurs très-bien ce qu'on ne lui avait pas nié, il a, comme on dit, tenu de fort bons propos, tout-à-fait hors de propos. Poursuivons: M. de S......n ayant établi que le prestige des noms des acteurs, du lieu de la scène, etc., ne devait, ne pouvait pas suppléer l'intérêt qui n'existerait pas dans le fond même, et la conduite des événemens a voulu soumettre le roman dont Me de la Fayette est l'héroïne, à l'épreuve de cette critique. Il a enlevé la dorure, le clinquant, la broderie, pour ne laisser voir que le canevas et le dessin; en un mot, il a raconté l'histoire même dans toutes ses circonstances, mais sans noms, comme si les faits s'étaient passés entre particuliers obscurs, ou tout au plus dans le vieux et simple manoir de quelque noble campagnard. Qu'a présenté cette espèce de réduction analytique de ce roman à sa plus simple expression? Rien, à ce qu'il paraît, qui ait flatté M. Bourgeat lui-même, car il se récrie contre cette parodie; et disant qu'il est aisé de rendre ridicules les choses les plus sublimes en les parodiant, il demande quel jugement on porterait ou de Zaire, si pour former son opinion sur cette pièce on allait l'étudier dans les Enfans perdus et retrouvés ; ou d'Iphigénie, si on ne la connaissait que par une représentation des Rêveries renouvelées des Grecs; ou enfin de la Veuve du Malabar (un peu étonnée de se trouver en si bonne compagnie ), si l'on cherchait ses traits dans la caricature de la Veuve de Cancale. En vérité, je ne sais plus que penser de mon vieux professeur de logique qui me force encore ici de n'être de pas l'avis d'un homme dont je suis d'ailleurs forcé de reconnaître l'esprit. Mais M. Bourgeat, qui a toute raison contre les parodistes en général, ne me paraît point l'avoir contre M. de S......n qui n'a point parodié le roman de MTM de Genlis, qui n'en a pas rendu une seule situation ridicule, |