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encore décrit plusieurs autres monumens égyptiens du

Morbihan.

Ce n'est là que le prélude d'un travail bien plus considérable que M. de Penhouet prépare sur les antiquités de la Bretagne. Une telle entreprise mériterait des encouragemens si elle était formée par un jeune homme; mais M.de Penhouet n'a pas besoin d'être encouragé, et la portion de son travail qu'il publie aujourd'hui prouve des recherches immenses et pénibles, une érudition juste et saine, et si le style mérite quelques reproches, ils ne sont pas graves et n'empêchent point de lire un ouvrage recommandable et qui intéresse, tout le monde, par les traits historiques trèscurieux qui y sont semés fort à propos, mais sans dif

fusion.

Il faut espérer que M. Penhouet nous fera bientôt jouir de la continuation de son travail.

J. B. B. RoQUEFORT.

SPECTACLES.

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VARIÉTÉS.

Théâtre du Vaudeville.-Première représentation du Nécessaire et du Superfiu, vaudeville en un acle, de MM. Dumersan et Dartois.

Les hommes ne se sont jamais entendus sur la valeur de ces deux mots, le nécessaire et le superflu: ce qui serait le superflu pour l'un, n'est même pas le nécessaire pour l'autre ; j'ai entendu dire à une courtisanne célèbre qu'elle ne pouvait pas vivre avec 500 fr. par jour, et je pensais en même tems que chacun des individus qui composent l'immense majorité de la société ne dépense pas par an plus que cette femme en vingt-quatre heures; mais ces réflexions sont trop sérieuses, elles nous mèneraient trop loin, hâtons-nous de revenir au vaudeville nouveau.

Arlequin est le plus pauvre habitant de Bagdad, il a cependant sauvé la vie au calife Araoun; mais par un caprice qu'on ne peut expliquer d'après le caractère connu de ce souverain, ce service est resté long tems sans récompense. Cependant un soir le calife s'introduit dans la cabane qu'habite son malheureux libérateur : il est accompagné de son fidèle Giafar; ils entendent les plaintes du pauvre Arlequin qui, dans son infortune, ne forme pas de

vœux indiscrets, il ne demande que le nécessaire; Arlequin ne possède même pas de quoi se procurer de la lumière. Profitant de l'obscurité, Araoun adresse la parole au malheureux, qui le prenant d'abord pour un voleur, lui atteste qu'il est tellement pauvre qu'il ne peut avoir l'honneur d'être volé par sa seigneurie. Tu te trompes, lui répond le calife, je suis ton bon génie, et me voilà prêt a exaucer tes souhaits; que désires-tu? Arlequin demande le nécessaire, une dagme par jour. Le prétendu génie lui remet une bourse pleine d'or. Arlequin, tout en remerciant le génie, lui fait observer que sa maison est prête à tomber de vétusté, et qu'il ne possède pas un seul meuble, et le génie complaisant lui promet de lui en donner une toute neuve et parfaitement meublée. Arlequin s'aperçoit enfin qu'en demandant le nécessaire, il a oublié l'indispensable. En effet, il n'a pas de femme, et le bon génie lui en promet une charmante: il sort pour effectuer sa promesse. Bientôt après, un certain Corsaire, voisin d'Arvient lui proposer d'acheter quelques esclaves; ce Corsaire est Giafard lui-même, le visir d'Araoun. Arlequin choisit Azélie, la plus jolie des esclaves; mais celleci peu contente d'appartenir à un homme qui ne possède que le nécessaire, se plaint de son triste sort. Arlequin qui ne peut supporter ses reproches, s'adresse à son bon génie, et lui prouve que le superflu lui devient nécessaire, et comme il est dans la nature de l'homme de n'être jamais content, et de désirer plus à mesure qu'il obtient davantage, plus le calife le comble de bien, et plus il en désire. Un palais, de vastes domaines ne lui suffisent plus, il veut encore acquérir une petite chaumière qui gâte la vue de ses jardins, et celui qui quelques heures auparavant ne possédait rien, ne peut souffrir cette légère contrariété. Alors le calife se fait connaître ; Arlequin gardera tout ce que le génie lui a donné ; mais pour sa punition, la chaumière qui ne sera pas abattue, lui rappellera sans cesse l'état obscur dont les bontés de son maître l'ont tiré.

La morale de cet ouvrage pourra paraître un peu sévère pour le théâtre de Vaudeville; mais les jolis couplets dont il est semé le rendent tout-à-fait propre à la scène où il a été représenté. Je pense qu'on ne saurait trop encourager les ouvrages qui se recommandent par une intention aussi morale, et où les auteurs ont su, comme dans celui-ci, cacher la lecon sous des fleurs.

Il est inutile de dire que le rôle d'Arlequin, le plus im

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portant de l'ouvrage, est rendu avec talent; il suffit de dire qu'il est joué par Laporte. Isambert est bien placé dans celui du calife.

B.

Sur quelques passages de la Correspondance du baron de GRIMM.

paru

MM. les Rédacteurs, des hommes de beaucoup de goût, de connaissances et d'esprit, ont rendu compte de la correspondance de M. Grimm. L'idée qu'ils en ont donnée est en général fort juste; mais il y avait tant d'observations à faire sur ce recueil piquant, qu'ils n'ont pas dû tout dire et qu'ils n'ont pas tout dit. Entr'autres choses passées sous silence, il est une hérésie littéraire du correspondant qui m'a mériter d'être relevée. Si vous le jugez comme moi, et qu'il vous convienne d'imprimer la lettre que j'ai l'honneur de vous adresser, je vous en serai obligé. J'ai cru devoir copier le texte de M. Grimm en tête de mes observations, pour ne pas les couper a tout moment par des guillemets selon l'usage reçu en pareil cas, et qui me semble incommode pour le lecteur. Les passages dont il s'agit commencent à la page 59 du premier volume du recueil de 1770 à 1788, et finissent après plusieurs interruptions à la page 57 du même volume. Les voici fidèlement extraits.

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Je me suis plus que jamais confirmé dans l'opinion que la vraie tragédie, celle qui n'existe point en France, ne » pourra être écrite qu'en prose, et ne s'accommodera jamais » du langage pompeux, arrondi et phrasier du vers alexan» drin. Il est impossible de donner à ce vers moins d'emphase, plus de force et de simplicité qu'il n'y en a dans l'ou"vrage de M. de Laharpe (Mélanie), et c'est ce vers qui tue "l'effet et qui empêche le poëte de m'arracher le cœur, de me déchirer les entrailles. Comment le pourrait-il, si, dans " le langage cérémonieux que ce vers entraîne, il ne peut jamais appeler le Curé, M. le Curé; si c'est toujours un pasteur dont la sollicitude, etc...... je soutiens que "toutes nos plus belles pièces sont le la poésie épique et qu'elles ne sont pas de la poésie dramatique; que ces " deux poésies sont essentiellement différentes; et que, puisque les Français n'ont point comme les Grecs, les Latins et les Italiens mordernes un vers dramatique, il faut qu'ils écrivent leurs tragédies en prose, ou qu'ils n'en aient jamais de vraies. Je lis avec autant de transport » que qui que ce soit les discours de Didon plaintive, dans

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le quatrième chant de l'Enéïde; mais je soutiens que » Didon sur le théâtre ne peut parler la langue divine de Virgile, et qu'il faut qu'elle parle celle de Metastasio.

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.........

Ah non lasciar mi, nò

Bell' idol mio, ete., etc.
Di chi mi fiderò

Se tu m'inganni.

DE

Faudra-t-il donc jeter Racine et Voltaire au fen? » non, il faut les admirer et les lire éternellement mars il ne faut pas croire qu'à la représentation leurs trees » puissent avoir la vérité frappante, ou produire l'impres »sion terrible des tragédies de Sophocle et d'Euripide. jeu d'enfant percera par quelque coin. Vous verrez, il est vrai, les chefs-d'œuvre des plus beaux génies de la » France; mais vous remarquerez aussi la fausseté de l'instrument....... ...................., et pour trancher le mot sur le plus bel » ouvrage du théâtre français, sur Mahomet, croyez-vous qu'un homme de goût, dans l'acception rigide de ce mot, » puisse entendre sans peine des Arabes, c'est-à-dire une » troupe de brigands......, parler une langue pleine d’har» monie, de grâce et de charmes?...... Que nous sommes encore peu avancés dans la carrière du génie! et nous » avons l'ineptie de penser que tout est fait!......... Notre gloire passera, si jamais les générations d'enfans sont remplacées par des générations d'hommes........ Quand » vous lisez Mélanie, n'oubliez pas que vous tenez une » héroïde; passez-lui la faiblesse et le faux de ce genre, et Vous ne serez pas mécontent. »

"

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Ainsi donc, selon M. Grimm, la vraie tragédie n'existerait point en France; on ne pourrait jamais l'écrire qu'en prose; nos plus belles pièces seraient des morceaux épiques dans le goût de Virgile, bien au-dessous pour l'effet des pièces d'Euripide et de Sophocle; et cela, à propos de Mahomet tragédie où des Arabes parleraient trop bien français; et de Mélanie qui serait un bel ouvrage dramatique, mais qui deviendrait superbe si elle était classée parmi les héroïdes, parce que l'héroïde est un genre faux et que Mélanie est un poëme plein de vérité dans le genre faux. Voilà, si je ne me trompe, tout le suc littéraire de ces différens paragraphes soigneusement exprimé. Maintenant analysons-le. Je prierai d'abord M. Grimm de consi dérer qu'en bonne littérature, on n'admet pas le genre

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faux, proprement dit. L'héroïde même, dont on a fait trop souvent un champ de déclamations froides et ampoulées, n'est pas essentiellement le domaine de l'emphase et des bagatelles sonores; c'est un petit drame dont toute l'action est jetée dans l'avant-scène, et où les personnages sont placés dans une situation malheureuse, qui leur permet pourtant de donner un libre cours à leurs douleurs. Le difficile est de rencontrer un sujet pathétique, des pensées énergiques et profondes, des sentimens vrais, et d'embellir tout cela d'une poésie harmonieuse et variée; mais ce problême une fois résolu, il en résulte un petit chefd'œuvre qui, pour être d'un genre secondaire ou mixte (si l'on veut), a pourtant son mérite; en un mot, on obtient une excellente héroïde. Telle est dans sa presque totalité la célèbre épître de Pope, que Colardeau a si heureusement imitée parmi nous; et, n'en déplaise à M. Grimm, telle n'est point Mélanie. Cette pièce n'est pas une héroïde et elle ne serait pas meilleure pour être nommée ainsi. Du reste, il ne faut pas faire le procès de la Melpomène française à propos des fautes de M. de Laharpe; pas plus qu'il ne faut s'en prendre aux mines de plomb, du blanc dont M. Grimm fardait son visage. Un grand critique, un écrivain correct, élégant, d'un goût exquis, est encore bien éloigné d'être un grand poëte dramatique. M. de Laharpe le prouve dans presque toutes ses pièces, et sur-tout dans cette fameuse Mélanie, où l'on voit une jeune fille au comble du malheur exhaler en vers pompeux l'article manichéens du dictionnaire de Bayle. ·

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«< N'êtes-vous pas pourtant au rang de ces mortels

Qui ne prêchent jamais que des devoirs cruels?

» Dieu toujours irrité, l'homme toujours coupable,

}

» La nature en souffrance et le ciel en courroux... etc. (1)

L'auteur de Mahomet lui-même n'est pas une autorité réfragable. Sans doute il est plus permis de s'abuser sur les défants d'un génie de cette trempe que sur ceux de M. de Laharpe encore faut-il pourtant les reconnaître quand on se mêle de professer, et ne pas imputer les torts du poëte au théâtre, à la poésie, au goût de sa nation.

(1) Voyez la grande scène de Mélanie avec le curé.

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