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nommérent eux-mêmes abbés : une porte leur était ouverte pour ce nouvel empiétement; beaucoup de moines étaient devenus évêques, et en général évêques du diocèse où était situé leur monastère; ils y avaient donc conservé des relations, des partisans ; et la charge d'abbé venant à vaquer, il leur fut plus facile de s'en emparer. Évêques ainsi et abbés à la fois, ils se livraient sans contrainte à tous les abus. L'oppression et la dilapidation des monastères allaient toujours croissant; les moines cherchèrent un nouveau protecteur; ils s'adressèrent au pape. Le pouvoir de la papauté s'était affermi et étendu ; elle saisissait volontiers les occasions de l'étendre encore; elle intervint comme la royauté était intervenue, dans les mêmes limites, au moins pendant longtemps, sans porter atteinte à la juridiction spirituelle des évêques, sans leur retrancher aucun droit, uniquement pour réprimer leurs violences sur les biens, les personnes, et pour maintenir les règles monastiques. Les priviléges accordés par les papes, à certains monastères de la Gaule franque, jusqu'au commencement du viir siècle, ne vont pas plus loin; ils ne les dégagent point de la juridiction épiscopale pour les transférer sous la juridiction papale. Le monastère de Fulde fut le premier au sujet duquel eut lieu cette translation, et elle s'opéra de l'aveu de l'évêque du diocèse, saint Boniface, qui plaça lui-même le monastère sous l'autorité directe du Saint-Siége. On ne rencontre jusque là aucun exemple semblable, et les papes et les rois n'interviennent que pour faire ren

trer les évêques dans les limites de leurs justes droits.

Telles furent, Messieurs, les vicissitudes par lesquelles passèrent, durant cet intervalle, les associations monastiques dans leurs rapports avec le clergé. Leur état primitif est l'indépendance; elles en perdent quelque chose du moment où elles sollicitent et reçoivent du clergé quelques priviléges. Ces priviléges excitent leur ambition les moines veulent entrer dans la corporation ecclésiastique; ils y entrent, et se trouvent dès lors, comme les prêtres, soumis à l'autorité mal définie et mal limitée des évêques. Les évêques abusent; les monastères résistent à la faveur des débris de leur indépendance primitive, ils obtiennent des garanties, des chartes. Ces chartes sont peu respectées ; ils ont recours à l'autorité civile, à la royauté, qui confirme les chartes et les prend sous sa protection. La protection royale ne suffit pas; les moines s'adressent à la papauté, qui intervient à un autre titre, mais sans un succès plus décisif. C'est dans cet état de lutte entre la protection des rois et des papes et la tyrannie des évêques, que nous laissons les monastères au milieu du vin siècle. Sous la race des Carlovingiens, ils eurent à subir des secousses encore plus fatales, et dont ils ne se relevèrent que par de bien plus grands efforts. Nous en parlerons à cette époque. Dans celle qui nous occupe, l'analogie de l'histoire des monastères avec celle des communes, qui éclata deux siècles plus tard, est le fait important à remarquer.

Nous voilà, Messieurs, au terme de l'histoire de la civilisation sociale du vi° siècle au milieu du vIII. Nous avons parcouru les révolutions de la société civile et de la société religieuse, considérées l'une et l'autre dans leurs divers éléments. Nous avons encore à étudier, durant la même époque, l'histoire de la civilisation purement intellectuelle, morale, les idées qui ont préoccupé les hommes, les ouvrages qu'elles ont produits, en un mot l'histoire philosophique et littéraire de la France; nous y entrerons samedi prochain.

FIN DU PREMIER VOLUME.

TABLE ANALYTIQUE

DES MATIÈRES

CONTENUES DANS CE VOLUME.

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PREMIÈRE LEÇON.

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Pages.

II LEÇON.

Nécessité de lire une histoire de France générale avant d'étudier
celle de la civilisation. - De l'ouvrage de M. de Sismondi. -Pour-
quoi il faut étudier l'état politique avant l'état moral, la société
avant l'homme. De l'état social de la Gaule au ve siècle. — Des
monuments originaux et des ouvrages modernes qui le font con-

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