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beaucoup de mal, ne dût un jour leur coûter fort cher à tous deux; mais elle était beaucoup moins complète qu'elle ne paraissait ; elle n'avait lieu qu'avec une foule de restrictions et de modifications qui la rendaient seules possible et peuvent seules l'expliquer.

II. Entrons maintenant dans le sein de la société ecclésiastique même, et voyons ce que devint, du vi au viir siècle, son organisation intérieure, spécialement cette prépondérance de l'épiscopat qui en était, au ve siècle, le caractère dominant.

L'organisation du clergé, Messieurs, était complète à cette époque, et à peu près telle, du moins. dans ses formes essentielles, qu'elle est restée jusqu'aux temps modernes. Je puis donc la mettre sous vos yeux dans son ensemble; vous en suivrez mieux les variations.

Le clergé comprenait deux ordres, les ordres mineurs et les ordres majeurs. Les premiers étaient au nombre de quatre les acolytes, les portiers, les exorcistes et les lecteurs. On appelait ordres majeurs les sous-diacres, les diacres et les prêtres. L'inégalité était profonde : les quatre ordres mineurs n'étaient guère conservés que de nom, et par respect pour les anciennes traditions; quoiqu'on les complât dans le clergé, à vrai dire, ils n'en faisaient pas partie; on ne leur imposait point, on ne leur recommandait même pas le célibat; ils étaient considérés comme des serviteurs plutôt que comme des membres du clergé. Lors done qu'on parle du clergé et du gouvernement ecclésiastique

à cette époque, c'est uniquement des ordres majeurs qu'il s'agit.

Même dans les ordres majeurs, l'influence des deux premiers, des sous - diacres et des diacres, était faible; les diacres s'occupaient plutôt de l'administration des biens de l'Église et de la distribution de ses aumônes que du gouvernement religieux proprement dit. C'est dans l'ordre des prêtres, à vrai dire, que ce gouvernement était renfermé; ni les ordres mineurs, ni les deux autres ordres majeurs, n'y participaient réellement.

siècle

Le corps des prêtres subit, dans les six premiers siècles, de nombreuses et importantes vicissitudes. L'évêque doit en être considéré, à mon avis, comme l'élément primitif et fondamental; non que les mêmes fonctions, les mêmes droits aient toujours été indiqués par ce mot; l'épiscopat du différait grandement de celui du vio; il n'en est pas moins le point de départ de l'organisation ecclésiastique. L'évêque était, dans l'origine, l'inspecteur, le chef de la congrégation religieuse de chaque ville. L'Église chrétienne est née dans les villes; les évêques ont été ses premiers magistrats.

Quand le christianisme se répandit dans les campagnes, l'évêque municipal ne suffit plus. Alors parurent les chorévêques ou évêques des campagnes, évêques mobiles, ambulants, episcopi vagi, considérés, tantôt comme les délégués, tantôt comme les égaux, les rivaux même des évêques de villes, et que ceux-ci s'efforcèrent d'abord de soumettre à leur pouvoir, ensuite d'abolir.

Ils y réussirent les campagnes une fois chrétiennes, les chorévêques à leur tour ne suffirent plus il fallait une institution plus fixe, plus régulière, moins contestée par les magistrats les plus influents de l'Église, c'est-à-dire par les évêques des cités. Alors se formèrent les paroisses; chaque agglomération chrétienne un peu considérable devint une paroisse et eut pour chef religieux un prêtre, subordonné naturel de l'évêque de la cité voisine, de qui il recevait et tenait tous ses pouvoirs; car il paraît que, dans l'origine, les prêtres de paroisse n'agissaient absolument que comme représentants, comme délégués des évêques, et non en vertu de leur propre droit.

La réunion de toutes les paroisses agglomérées autour d'une ville, dans une circonscription longtemps vague et variable, forma le diocèse.

Au bout d'un certain temps, et pour porter dans les relations du clergé diocésain plus de régularité et d'ensemble, on forma de plusieurs paroisses une petite association connue sous le nom de chapitre rural, et à la tête du chapitre rural fut mis un archiprêtre. Plus tard, on réunit plusieurs chapitres ruraux dans une nouvelle circonscription, appelée district, et qui fut dirigée par un archidiacre. Cette dernière institution naissait à peine à l'époque dont nous traitons on trouve, il est vrai, longtemps auparavant, les archidiacres dans les diocèses; mais il n'y en a qu'un, et il ne préside point à une circonscription territoriale; établi dans la ville épiscopale, à côté de l'évêque : il le remplace, soit dans

l'exercice de sa juridiction, soit pour la visite du diocèse. Ce fut seulement à la fin du vi°, ou même au commencement du viIIe siècle, qu'on vit dans le même diocèse plusieurs archi diacres, résidant loin de l'évêque, et placés chacun à la tête d'un district. On rencontre encore dans la Gaule franque, à cette époque, quelques chorévêques; mais le nom et la charge ne tardèrent pas à disparaître.

L'organisation diocésaine fut alors complète et définitive. L'évêque, vous le voyez, en avait été la source, comme il en était resté le centre. Il avait beaucoup changé lui-même; mais c'était autour de lui et sous son influence que s'étaient opérés presque tous les autres changements.

Tous les diocèses compris dans la province civile formaient la province ecclésiastique, sous la direction du métropolitain ou archevêque, c'est-à-dire de l'évêque de la métropole provinciale. La qualité de métropolitain n'a été que l'expression de ce fait. La métropole civile était d'ordinaire plus riche, plus peuplée que les autres villes de la province; son évêque eut plus d'influence; on se réunit autour de lui dans les occasions importantes; sa résidence devint le chef-lieu du concile provincial; il le convoqua, il en fut le président. Il était de plus chargé de confirmer et de sacrer les évêques nouvellement élus dans la province; de recevoir les accusations intentées contre les évêques, et les appels de leurs décisions, et de les porter, après en avoir fait un premier examen, au concile provincial, qui avait seul droit de les juger véritablement. Les métropo

litains s'efforçaient sans cesse d'envahir ce droit, et de s'en faire un pouvoir personnel. Ils y réussirent assez souvent : mais, à vrai dire, et dans toutes les grandes circonstances, c'était au concile provincial qu'il appartenait; les métropolitains n'étaient chargés que d'en surveiller l'exécution.

Dans certains États enfin, surtout en Orient l'organisation de l'Église s'étendit au delà des métropolitains. De même qu'on avait constitué les paroisses en diocèse, et les diocèses en province, on entreprit de constituer les provinces en églises nationales, sous la direction d'un patriarche. L'entreprise réussit en Syrie, en Palestine, en Égypte, dans l'Empire d'Orient; il y eut un patriarche à Antioche, à Jérusalem, à Alexandrie, à Constantinople; il fut, à l'égard des métropolitains, ce qu'étaient les métropolitains à l'égard des évêques; et l'organisation ecclésiastique correspondit, sur tous les degrés de la hiérarchie, à l'organisation politique.

La même tentative eut lieu en Occident, nonseulement de la part des évêques de Rome, qui travaillèrent de très-bonne heure à devenir les patriarches de l'Occident tout entier, mais indépendamment de leurs prétentions, et même contre eux. Il n'y a presque aucun des États formés après l'invasion, qui n'ait essayé, du vi au vir siècle, de se constituer en église nationale, et de se donner un patriarche. En Espagne, le métropolitain de Tclède; en Angleterre, celui de Cantorbéry; dans la Gaule franque, les archevêques d'Arles, de Vienne,

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