Imágenes de página
PDF
ePub

le voit par le vote d'un subside que les États du BasLimousin accordèrent au mois d'août 1435 pour payer les frais de la résistance opposée au routier. Le vicomte de Ventadour fut l'un des combattants porté sur l'état de répartition. Les deux places principales de son domaine, Ussel et Meymac, avaient été assiégées pendant deux mois. Il tint bon dans Ussel, et Meymac sut également se préserver; mais la contrée ne laissa pas que de beaucoup souffrir.

que

[ocr errors]

Pourquoi cette course en Limousin? Aucun document n'en donne l'explication; mais les pièces abondent pour établir les deux parties haute et basse du pays étaient dans le plus grand trouble. Les Anglais, maîtres depuis des années de Domme et de Mareuil, deux places formidables du Périgord, s'étaient avancés de là dans le Limousin, où ils détenaient plusieurs châteaux. La province n'était pas en situation de leur résister, ayant pour gouverneur un prince du toujours absent, Charles d'Anjou, qui avait mis un lieutenant à sa place, et celui-ci ne parvenant point à réunir dans un effort commun les grands seigneurs de la contrée, qui ne songeaient chacun qu'à la défense particulière de ses terres. C'est pourquoi on manda de l'ouest les contingents qui s'y trouvaient à la disposition du seigneur de Pons et du sénéchal de Poitou. Or ces auxiliaires, soldats et capitaines, étaient des routiers

1 Ci-après, Pièces justificatives, no xxxvii.

sang

2 Répartition d'une aide de 5000 livres et d'un supplément de 4800, accordés par les États du Haut-Limousin en septembre 1435 (Bibl. nat., Manuscrits français, no 23902, à la date).

de la veille, imparfaitement convertis au service des troupes régulières. Le sénéchal de Poitou, Jean de la Roche, était surtout noté pour ses exploits de condottiere. Il avait été naguère aux gages du sire de la Trémoille, et rien ne prouve qu'il ne continuait pas à travailler pour ce maître, quoique celui-ci fût tombé en disgrâce. Ses troupes en effet ne délivrèrent le Limousin que pour se substituer aux Anglais, comme si elles avaient eu mission de discréditer par leurs excès le gouvernement de ce Charles d'Anjou, qui était, comme on l'a vu, l'ennemi personnel du ministre déchu. Dans cette supposition, Rodrigue de Villandrando aurait joué, à l'extrémité opposée du Limousin, le même rôle que le sénéchal de Poitou1. Il y a quelque chose de plus certain c'est qu'un aventurier des montagnes du Velay, nommé Jean Delaporte, après avoir servi sous Rodrigue, obtint un commandement sous Jean de la Roche; que cet homme prit le château de Saint-Exupéry, qui était l'une des places occupées par les Anglais, et que, lorsqu'il y fut, il s'y établit si solidement que le vicomte de Turenne, propriétaire de ce château, ne put l'en faire sortir qu'au prix d'une grosse allocation votée encore par les États 2. C'est ainsi qu'amis et ennemis

1 Son hostilité contre tous les défenseurs officiels du pays est incontestable. Dans l'état de répartition cité précédemment on lit cet article : « Au capitaine de Peyrat, pour lui aider à paier sa rançon aux gens de Rodrigues qui l'ont tenu longtemps prisonnier, a esté ordonné x 1. t.»

2 Quittance de Pierre de Beaufort, vicomte de Turenne, du 4 nov. 1435, pour la somme de 3000. livres à lui allouée par les États du BasLimousin, assemblés à Userche au mois d'août précédent, « pour avoir et recouvrer en nostre main (c'est lui qui parle) le chasteau de Saint-Exuperi estant audit païs détenu par Jehan de la Porte, pour aucun debtez

[graphic]
[graphic]

d'aller guerroyer les Anglais en Guienne. Cela cadrerait très-bien avec la situation de 1455, parce qu'après la délivrance du Limousin on eut à le défendre encore contre l'ennemi qui gardait toutes ses positions limitrophes. Mais comme la suite du récit du P. SaintAmable prouve que l'expédition de Guienne qu'il a eue en vue est celle dont il sera question ci-après à l'an 1458, il vaut mieux conclure que son récit est fondé sur un anachronisme manifeste.

Tenons-nous-en donc à cette très-grande probabilité qu'après le ravage du vicomté de Ventadour, le HautLimousin eut son tour de donner asile à des hôtes malfaisants, de voir rançonner ses habitants, et le pillage de ses campagnes s'accomplir jusque sous les murs des plus grosses villes.

Limoges cependant ne se résigna pas à contempler dans la sécurité qu'elle devait à ses fortifications le ravage de sa banlieue. Lorsqu'elle fut informée de l'approche du capitaine, elle lui envoya dire qu'il eût à prendre le large. Celui-ci, blessé d'une semblable injonction, ordonna au contraire de faire tout le mal possible aux abords de la ville; après quoi il affecta de passer avec ses équipages sous les yeux des habi

tants.

Très imprudemment il s'engagea, lui ou l'un de ses lieutenants, entre la Vienne et les coteaux, quand tous

1 Au mois de décembre 1436, le Limousin contribuait encore « pro evacuatione et deliberatione montis Dome, in manibus inimicorum antiquorum existentis. Bibl., nat., Ms., fr., n° 22420, pièces 46 et 47. Cr. Vaissete, Histoire de Languedoc, t. IV, p. 483. La place de Domme ne fut reconquise qu'à la fin de l'année 1438. Ms. français, n° 20417.

les chemins et passages en avant du faubourg avaient été barricadés. Partout se présentèrent des enchevêtrements de grosses voitures chargées de blocs de pierre. Les routiers, n'étant pas assez de bras pour débarrasser la voie, reconnurent bientôt qu'il fallait revenir sur leurs pas ou prendre leur chemin par la traverse, au milieu des vignes dont la côte est couverte autour de Limoges. Ils s'arrêtèrent à ce dernier parti qui était le pire. Leurs charrettes s'empêtrèrent dans les vignes sans pouvoir avancer, et les hommes, occupés autour des roues et des chevaux, ne présentèrent plus bientôt que des groupes en désordre. Alors les paysans, qui s'étaient réfugiés dans Limoges, sortirent accompagnés de la milice communale. Ils eurent bientôt enveloppé les hommes et les voitures. Leur nombre les rendit maîtres de tout sans coup férir, et ils n'eurent qu'à faire sauter les toiles des charrettes pour reprendre chacun, soit ses propres effets, soit l'équivalent de ce qu'il avait perdu. Les routiers interdits, non seulement se laissèrent enlever leur butin, mais consentirent encore à lâcher les prisonniers qu'ils emmenaient avec eux.

Ce récit d'un auteur qui ne brille pas par l'exactitude n'est pas sans laisser du doute dans l'esprit. On se demande si toutes les circonstances qui étaient consignées au manuscrit ont été exactement interprétées. L'imprudence du chemin pris à travers les vignes paraît surtout injustifiable. Laissons-en la responsabilité au P. SaintAmable. Il ajoute une chose que l'on croira plus aisément. C'est que les routiers, au sortir de ces four

« AnteriorContinuar »