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logique, il faut donc supposer qu'Aîrb a utilisé des sources écrites, non seulement des pièces d'archives, comme on l'a dit, mais encore des documents narratifs, rédigés au lendemain des événements par d'obscurs historiographes vivant dans l'entourage des émirs 2.

Les remarques que nous suggère l'examen de la chronique d'Arîb — abrégée par Ibn Adhari aux années 291-320 s'appliqueraient également à la portion du Bayân qui va de 321 (933) à 366 (976) 3 ; mais elles s'appliquent aussi bien au groupe qui embrasse les années 139 (756)-290 (902), et où se rencontrent à peu près tous les passages que nous aurons

« les places des villes », etc. Il y aurait lieu de reprendre toutes les théories sur l'historiographie hispano-arabe que Dozy a brillamment exposées dans cette Introduction, où abondent les vues lumineuses, mais aussi les erreurs de doctrine.

1. Dozy, loc. cit., p. 63.

2. Il se peut que des notes annalistiques aient été prises antérieurement à l'avènement des Omeyyades (voir par exemple celles qu'on trouve dans l'Akhbâr madjmoûa, trad., p. 66; cf. Ibn Adhari, trad. Fagnan, II, p. 56). Ce qui n'est pas contestable, c'est que, à la cour, au xe siècle, on n'hésitait pas à consigner par écrit, sous des formes diverses, certains faits tout récents; cf. J. Ribera, dans son édition d'Aljoxaní, Historia de los jueces de Córdoba (Madrid, 1914, in-8°), p. vIII, n. 1; cf. aussi le long poème où Ibn Abd Rabbihi raconte année par année, de 300 à 322, les campagnes de son contemporain Abd er-Rahmân III (Ikd, II, pp. 364-378); cf. également les passages suivants d'Ibn Adhari : « On trouva une liste dressée de sa main « [d'Abd er-Rahmân III] et où il disait, par ordre chronologique : « Les jours de ma vie où j'ai joui d'une joie pure et sans trouble sont «tel jour de tel mois de telle année » (trad. Fagnan, II, pp. 383-384) ; « On a trouvé écrit de la main du khalife El-Mostançir [El-Hakam II]: « L'édification de la grande mosquée commencée le dimanche 4 djo• mâda II 351 (19 juill. 962), a été terminée en 355 (28 déc. 965); « il y a été dépensé 261.537 dinars et 1 1/2 dirhem » (ibid., pp. 397« 398); « On a trouvé écrite de la main de ce prince [El-Hakam II] « l'année de la mort de celui qui fut son kâdi et le kâdi de son père... » (ibid., p. 414).

3. Nous disons 366 (976), et non pas 387 (997), puisque, comme nous l'avons déjà noté, le récit prend un autre caractère à partir de l'avènement d'Hichâm II (1er octobre 976).

I

à employer. Sans doute, entre cette portion du Bayân et la chronique d'Arîb il y a des différences de degré : le récit est en général beaucoup plus bref, beaucoup moins chargé de faits et de dates; mais il n'y a pas de différence de nature, et, malgré des coupures probables et des remaniements certains, le caractère contemporain et officieux de la documentation se manifeste, ici encore, par divers indices très significatifs. De même que chez Arîb, nul souci de la composition, ni de la forme les faits se succèdent sans ordre ni gradation 3; comme chez Arîb, quoique avec moins de fréquence, sont données soit des dates exactes de jours ou de mois, soit des détails touchant les phases de certaines expéditions 5; comme chez Arîb, tantôt il est indiqué qu'en telle année le souverain n'entreprit aucune campagne 6, tantôt

1. En comparant l'ouvrage d'Ibn Adhari et celui d'Ibn el-Athîr, on croit s'apercevoir, ainsi que nous l'indiquerons plus bas, que tous deux ont abrégé un même document.

2. Dans son récit annalistique, Ibn Adhari devance parfois les événements; exemples: trad. Fagnan, II, a. 153, p. 87; a. 178, p. 102; a. 190, p. 116; a. 209, p. 134; a. 246, p. 159. D'autre part, il insère très souvent des morceaux en prose rimée; exemples: a. 146, p. 81 ; a. 149, pp. 84-85; a. 153, p. 87 ; a. 165, p. 90; a. 240, p. 155; a. 244; p. 157. Il insère également des vers; exemples: a. 189, p. 115; a. 225, Pp. 139-140; a. 239, p. 154; a. 273, pp. 190-191; a. 274, p. 196 ; a. 286, p. 230.

3. Exemples: ibid., a. 210, pp. 134-135; a. 218, pp. 136-137; a. 241, pp. 155-156; a. 250, p. 160; a. 264, p. 169; a. 267, pp. 170172; a. 273, pp. 189-191 ; a. 274, PP. 192-196; a. 276, pp. 200-201 ; a. 277, pp. 201-202; a. 280, pp. 203-204 ; a. 282, pp. 204-205 ; a. 285, p. 229; a. 287, p. 230; a. 288, p. 231.

4. Ibid., pp. 75, 91, 113, 125, 141, 143-144, 154, 162, 165, 195, 202, 231, etc.

5. Ibid., a. 179, pp. 102-104; a. 251, pp. 160-163; a. 262, pp. 167169; a. 274, pp. 191-192; a. 283, pp. 227-228.

6. Ibid., p. 75: « En 140 (25 mai 757), Abd er-Rahmân se tint « tranquille à Cordoue et ne fit aucune expédition »; p. 87: « En « 154 (24 décembre 770), Abd er-Rahmân se tint tranquille à Cordoue « et n'entreprit aucune expédition »; p. 122: « En 201 (30 juillet « 816), il n'y eut aucune expédition ni mouvement d'importance » ;

sont notés des disettes, des inondations, des phénomènes météorologiques ou sismiques 3, des constructions ou réparations d'édifices ; tantôt encore sont mentionnées soit la naissance ou la mort de personnages célèbres ou simplement connus, soit la nomination de tel personnage à tel emploi ❝. Ajoutons que, comme chez Arîb, Cordoue est le centre géographique et politique de tout l'exposé; c'est de Cordoue que part le souverain pour combattre ses adversaires; c'est à Cordoue qu'il revient une fois ses ennemis vaincus; c'est à Cordoue qu'ont été observés telles inondations, tel tremblement de terre; c'est à Cordoue qu'ont été effectuées la plupart des constructions relatées. Ajoutons enfin que, ici comme chez Arîb, ce sont les faits et gestes des Omeyyades qui constituent seuls la trame du récit, tous événements défavorables à la cause de la maison régnante étant délibérément passés sous silence, ou habilement voilés 7.

Composée à l'imitation du grand ouvrage de Tabari, dont elle est à la fois un abrégé, un complément et une suite;

p. 160: « Cette année-là [250, 13 février 864] il ne fut pas entrepris de campagne; on se contenta des résultats de l'année précédente << et on laissa les troupes se reposer. »

1. Ibid., a. 199, p. 119; a. 207, p. 133; a. 232, p. 144; a. 253, p. 163 ; a. 260, p. 167 ; a. 274, pp. 195-196 ; a. 285, p. 229.

2. Ibid., a. 161, p. 88; a. 182, p. 112; a. 235, PP. 145-146 ; a. 288, P. 231.

3. Ibid., a. 218, pp. 136-137 (éclipse); a. 224, p. 139 (étoiles filantes); a. 267, pp. 171-172 (tremblement de terre raconté d'après Râzi). 4. Ibid., a. 170, p. 92 ; a. 210, p. 134 ; a. 218, p. 137 ; a. 241, p. 156 ; a. 250, p. 160; a. 280, p. 204 (comparer Arîb, ibid., a. 306, p. 289). 5. Ibid., a. 139, p. 75 ; a. 196, p. 119; a. 234, p. 145; a. 277, p. 201. 6. Ibid., a. 218, p. 137.

7. Peut-être Ibn Adhari a-t-il utilisé Arîb pour les années 139290, comme il l'a utilisé pour les années 291-320; mais ce n'est là

formée de pièces et de morceaux patiemment glanés, bien choisis, mais ne portant en général aucune indication de provenance; rédigée sous forme d'annales, mais avec le souci de concilier parfois l'ordre chronologique et l'ordre logique, la Chronique universelle d'Ibn el-Athîr ne renferme pas une histoire complète de l'Espagne arabe 1. D'une part, elle se contente de tracer un tableau rapide de la conquête et de l'époque des gouverneurs; d'autre part, dès la fin du Ixe siècle, et jusqu'en 1197, elle ne fournit plus que des mentions éparses et relativement rares; en revanche, elle donne des renseignements nombreux et continus sur la période comprise entre l'avènement d'Abd er-Rahmân Ier (756) et la mort de Mohammed (886); on peut même dire que là son exposé marche de pair avec celui du Bayân, qu'il rappelle quant à l'allure, et même quant au fond 2.

Aux années 756-886, les récits du Kâmil sont loin d'être entièrement nouveaux. En réalité, plus de la moitié des événements que consigne Ibn el-Athîr se retrouvent chez Ibn Adhari, et non seulement les mêmes faits sont ordinairement rapportés de part et d'autre, mais encore des similitudes de détail, dont quelques-unes frappantes, apparaissent des deux côtés à la fois certains récits sont identiques 3; certaines

qu'une hypothèse, et cette hypothèse échappe, croyons-nous, à tout contrôle, en l'état présent de la documentation.

1. Sur les sources d'Ibn el-Athîr, voir la dissertation inaugurale de C. Brockelmann, Das Verhältnis von Ibn-el-Atîrs Kâmil fit-ta'rih zu Tabaris Ahbâr errusul wal mulûk (Strasbourg, 1890, in-8°, 58 pp.), notamment pp. 55-56, où l'auteur s'occupe des mentions relatives à l'Espagne (comparer Ibn el-Athîr, trad. Fagnan, Annales, pp. 5-6).

2. Ici, comme dans le Bayân, il serait facile de signaler, à côté de remaniements, des traces d'anciens documents annalistiques: mentions multiples sous une même année, dates précises, famines, inondations, phénomènes physiques, constructions, morts de personnages notoires, etc.

3. Comparer Ibn el-Athîr, trad. Fagnan, Annales, a. 181, p. 160 et Ibn Adhari, Bayân, trad. Fagnan, II, p. 111; Annales, a. 182,

circonstances que note le Bayân sont également notées par le Kâmil; certaines évaluations numériques sont communes aux deux textes 2; certaines mentions, que leur imprécision même caractérise, figurent tant chez Ibn el-Athîr que chez Ibn Adhari 3; certaines retouches, apportées aux témoignages utilisés, s'observent dans l'une et l'autre compilation; certaines lacunes de la série annalistique sont exactement pareilles 5. Aussi, en confrontant ces ouvrages, éprouvonsnous l'impression que, par des voies différentes, mais parallèles, tous deux procèdent d'un même original, qu'auraient condensé deux abréviateurs distincts.

Toutefois, quoique les ressemblances soient fréquentes, il

p. 162 et Bayân, II, p. 112; Annales, a. 219, p. 208 et Bayân, II, P. 137.

1. Comparer, par exemple, Ibn el-Athîr, trad. Fagnan, Annales, a. 140, pp. 102-103 et Ibn Adhari, Bayân, trad. Fagnan, II, a. 141, p. 76; Annales, a. 147, p. 107 et Bayân, II, a. 147, p. 84; Annales, a. 151, p. 118 et Bayân, II, a. 152, p. 86; Annales, a. 161, p. 125 et Bayân, II, a. 161, p. 88; Annales, a. 175, PP. 142-143 et Bayân, II, a. 175, p. 100, etc., etc.

2. D'après le Kâmil et le Bayân, Yoûsof, quand il se révolta en 140 ou 141 contre Abd er-Rahmân Ier, réunit une armée de 20.000 hommes; Tolède fut assiégée en 173 pendant « deux mois et quelques jours » ; Soleymân, lors de son exil, reçut de son frère Hichâm, une somme de 60.000 dinars; 700 nobles de Tolède furent tués lors de la révolte de 181, etc., etc.

3. Comparer Ibn el-Athîr, trad. Fagnan, Annales, a. 180, pp. 154155 et Ibn Adhari, Bayân, trad. Fagnan, II, a. 180, pp. 110-111; Annales, a. 194, PP. 174-175 et Bayân, II, a. 194, pp. 117-118.

4. Comme Ibn Adhari, Ibn el-Athîr déclare, à l'année 178, que Ronda et ses environs « restèrent sept ans sans habitants » à la suite des troubles qui se produisirent en cette année (Ibn el-Athîr, trad. Fagnan, Annales, p. 151; Ibn Adhari, Bayân, trad. Fagnan, II, p. 102). Voir aussi ce que disent les deux auteurs au sujet des guerres survenues entre Yéménites et Modarites (Annales, a. 210, p. 201; Bayân, II, a. 209, p. 134), ou au sujet de l'âge auquel mourut le roi de Navarre Fortun-Garcia (Annales, a. 246, p. 236; Bayân, II, a, 246, p. 159).

5. Ni le Kâmil ni le Bayân ne consignent d'événements aux années 145, 192, 195, 204, 205, 215, 233.

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