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été mentionnée au chapitre précédent, elle est ici mentionnée une seconde fois; de plus, tant après la première mention qu'après la seconde, des faits, comme oubliés, ont pris place 1; évidemment, le compilateur n'a pas eu le temps ou le goût de parachever le travail de marqueterie auquel il s'est livré2.

C) Le règne d'Alphonse III est raconté à deux reprises, comme chez le Moine de Silos. Le premier récit occupe les ch. 30-32 et dérive, abstraction faite de la proposition. initiale 3, des ch. 39-41 du chroniqueur précité. Depuis l'avènement d'Alphonse jusqu'à son ultime pèlerinage à Compostelle (ch. 39-46), le second récit reproduit celui de Sampiro, mais contient quelques-unes des interpolations de Pélage *; ensuite, et au mépris de la chronologie la plus élémentaire, ce second récit se continue (ch. 47) par la reproduction d'une note tirée des Annales Compostellani et relative à l'année 874 (lire 882); puis (ch. 48-58), par la transcription, plus ou moins littérale, des ch. 64-75 de la Chronique d'Albelda, concernant les événements de 881-8835. Un dernier emprunt (ch. 59) au Moine de Silos et au texte interpolé de Sampiro, et le règne d'Alphonse III s'achève.

Au demeurant, que nous apporte la Chronique léonaise en fait d'informations dont la provenance nous échappe ? Très peu de chose à coup sûr 6: elle signale l'interrègne qui

1. Après la première mention de la mort d'Ordoño est notée, d'après le Pseudo-Alphonse, ch. 26, la prise de Coria et de Talamanca ; après la seconde mention, sont citées, d'après le Chron. Albeldense, ch. 60, l'expédition des Normands de 859-860, et la tentative faite par les Arabes pour attaquer par mer le royaume des Asturies.

2. Cf. G. Cirot, dans Bulletin Hispanique, XIII, p. 407, n. 47.2. 3. Cette proposition est tirée de Sampiro, ch. 1.

4. Cf. G. Cirot, dans Bulletin Hispanique, XIII, p. 403, n. 39.1. 5. Noter qu'en plus de variantes de détail, la dernière phrase e、t modifiée. Cf. G. Cirot, loc. cit., p. 410, n. 58.1.

6. Nous ne tenons compte ni de certaines dates fautives (liv. II, ch. 9, 20), ni d'une mention relative à Charlemagne (liv. II, ch. 13), ni d'autres détails sans importance.

suivit la mort de Rodrigue1; elle donne le nom des enfants d'Alphonse Ier et attribue faussement à ce prince la paternité d'Aurelio, lequel serait un bâtard; elle indique le nombre des années écoulées depuis l'entrée des Wisigoths en Espagne jusqu'à la mort dudit Alphonse 3; elle fixe la date de mort du comte Rodrigue, retarde d'un mois la fin d'Ordoño Ier 5, dit quand mourut le comte Diego et furent repeuplés le monastère de Cardeña et le château de Graños 6.

III.

LUCAS DE TUY ET RODRIGUE DE Tolède.

Vers 1236, Lucas de Tuy terminait son Chronicon mundi 7 ; le 31 mars 1243, Rodrigue de Tolède achevait son De rebus

1. Chronique léonaise, liv. II, ch. 2 : « ...et sibi Pelagium principem << elegerunt era DCCLVI. Vacaverat (ms. voccaverat) enim per IIII. << annos regnum Gotorum ab era scilicet DCCLII. » Cf. ch. 1: « Mortuo ■ vero Roderico rege Gotorum vacavit terra regni Gotorum IIII. << annis. »

2. Chronique léonaise, liv. II, ch. 7 : « ex qua [Ermesinda] genuit « Froilanum, Wimeranem et Adosindam, et ex concubina Aurelium, • et Maurecatum ex serva. » Aurelio, d'après le Pseudo-Alphonse, ch. 17, était le neveu d'Alphonse Ier, étant fils de Fruela, frère de ce prince; voir le double tableau généalogique dressé par M. G. Cirot, dans Bulletin Hispanique, XIII, p. 394, note.

3. Chronique léonaise, liv. II, ch. 7 : « ex quo regnare ceperunt in Ys«pania Goti sunt anni CCCLII, menses III, dies V, reges XXXVI. » 4. Chronique léonaise, liv. II, ch. 24 : « et obiit era DCCCXI (sic) « III° nonas octobris. » Sur cette mention, et celle qui est citée plus bas à la note 6, elles procèdent évidemment d'un texte annalis

tique,

voir M. G. Cirot, dans Bulletin Hispanique, XXI, p. 101. 5. La Chronique léonaise, liv. II, ch. 28, dit : « sub die VI kalendas « iulii»; il faut lire : « iunii ». Cf. Chron. Albeldense, ch. 60.

6. Chronique léonaise, liv. II, ch. 47: « et interfectus est in Cor« nuta, era DCCCCXIII (sic), II kalendas februarii. In eodem anno ⚫et in eadem era monasterium Caradigne et castellum de Grannos • populantur. » Au sujet du vocable Cornuta, M. G. Cirot, dans Bulletin Hispanique, XXI, p. 94, n. 1, écrit : « Je pense qu'il faut lire • Corunia et qu'il s'agit de Coruña del Conde, »

7. Texte dans Schott, Hispaniae illustratae, IV (Francofurti,

REVUE HISPANIQUE.

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Hispaniae. Il serait fastidieux de disséquer ces deux compilations, d'en isoler, chapitre par chapitre et phrase par phrase, les éléments constitutifs. C'est là d'ailleurs une tâche qui incombe aux éditeurs futurs. Toutefois, certaines observations générales doivent être présentées 2.

Lucas de Tuy travaille, dans une certaine mesure, comme l'auteur anonyme de la Chronique léonaise; ainsi que celui-ci, il fait des extraits, et ces extraits, ordinairement très fidèles, il les juxtapose, en évitant cependant gaucheries et maladresses. C'est au Moine de Silos qu'il a le plus souvent recours, et il en transcrit de nombreux passages, avec ou sans modifications suivant les cas 3. Mais, soucieux d'être aussi complet que possible, il cherche à combler les lacunes de son guide, et, dans ce but, il copie des morceaux plus ou moins longs qui proviennent soit de la rédaction B du Pseudo-Alphonse *,

1608, in-fol.), pp. 1-116. La partie relative aux rois asturiens occupe le début du livre IV, pp. 71-80.

1. Nous citerons d'après l'édition de Schott, op. cit., II (1603), pp. 25-148. Pour les rois asturiens, voir pp. 69-80.

2. Ces deux chroniques n'ont été jusqu'à présent l'objet d'aucune étude satisfaisante. Pour mémoire, nous mentionnerons le bref opuscule de V. de la Fuente, Elogio del Arzobispo D. Rodrigo Jimenez de Rada y juicio crítico de sus escritos históricos. Discurso. Madrid, 1862, in-8°, 103 pp., et les travaux préparatoires de M. Julio Puyol y Alonso, Antecedentes para una nueva edición de la Crónica de Don Lucas de Tuy, dans Bol. de la R. Acad. de la Hist., LXIX (1916), pp. 21-32; cf. ibid., LXXI (1917), pp. 438-444.

3. Lucas de Tuy, P. 7I, 1. 2I-24, 42-5I, 54-57, 58-60 ; p. 72, 1.I-Io, 18-33, 35-46; p. 72, 1. 52-p. 73, l. 4 ; p. 73. 1. 6-8, 15-19, 30-33, 44-54 ; p. 74, 1. 29-30, 36-38, 44-47; P. 74, l. 54-P. 75, l. 9; p. 75, l. 11-14 ; p. 75, l. 53-p. 76, l. 10; p. 76, l. 15-16, 18-27; p. 77, l. 21-25, 25-34, 52-53, 56-59; p. 78, l. 4, 6-7, 10-19, 36-40; p. 78, l. 52-p. 79, l. 1 ; p. 79, 1. 7, 15-16, 20-22; p. 80, 1. 5-17.

4. L'utilisation de la rédaction B commence p. 55, au règne de Wamba. Dans la portion du Chronicon mundi qui nous intéresse, voir par exemple, p. 71, l. 26-42, 52-53 ; p. 73, l. 8-9, 14-15, etc. La question se poserait de savoir si Lucas de Tuy a utilisé la rédaction B directement, ou à travers la transcription de la Chronique léonaise.

soit de la rédaction pélagienne 1, soit du texte traditionnel 2, soit du Chronicon Albeldense 3. Arrivé au règne d'Alphonse III, c'est naturellement Sampiro qui lui procure l'appoint nécessaire et lui permet de grossir la courte relation de l'Anonyme de 924, contenue dans l'œuvre du Moine de Silos 4.

Tandis que Lucas de Tuy exploite principalement ce dernier auteur, Rodrigue, de Pélage à Ordoño Ier, utilise surtout l'œuvre du Pseudo-Alphonse; il s'attache à elle, en respecte l'ordonnance, et la paraphrase juste assez pour que la copie ne soit pas littérale, ce en quoi ses procédés diffèrent de ceux de Lucas' de Tuy et se rapprochent de ceux du Moine de Silos. Au reste, très éclectique, il ne suit pas exclusivement telle version du Pseudo-Alphonse; sans doute, il accorde à B ses préférences 5, mais il se sert également de la rédaction A6,

Nous laissons à M. G. Cirot le soin de résoudre ce problème, ainsi que d'établir, d'une façon plus générale, si Lucas de Tuy et Rodrigue de Tolède ont vraiment connu et employé ladite Chronique.

1. Cf. les mentions de sépulture d'Alphonse Ier, Fruela, Silo et Mauregato; cf. aussi, p. 73, 1. 42-43, la mention du transfert à Oviedo de l'évêché de Lugo des Asturies; p. 74, l. 27-28, l'indication des fils de Bermude Ier; p. 74, l. 38-44, les détails concernant le reliquaire d'Oviedo; p. 77, l. 39-40, l'énumération des enfants nés du mariage d'Ordoño Ier avec la reine Nuña.

2. Cf. par exemple, p. 72, 1. 14-16, la comparaison de l'Église avec la lune qui décroît et croît de nouveau (voir G. Cirot, dans Bulletin Hispanique, XIII, p. 388, n. 4.2); p. 74, 1. 24, l'emploi des mots : << reminiscens ordinem diaconi supra se olim impositum. »

3. Comparer surtout, p. 74, 1. 31-36 et Chron. Albeldense, ch. 58; P. 77, 1. 20-21 et Chron. Albeldense, ch. 59.

4. Selon M. G. Cirot, loc. cit., p. 400, n. 30.3, Lucas de Tuy, aux Pp. 78-79 (règne d'Alphonse III), « fond et résume tant bien que mal « le contenu des paragraphes 30-32, 39-40, 42-46 et 59 » de la Chronique léonaise.

5. Il suffit de rapprocher les deux textes pour constater cette préférence donnée par Rodrigue de Tolède à la rédaction B.

6. Voici quelques exemples d'emprunts. Rodrigue de Tolède, IV, 5: « Iste [Fafila] dignum memoria nil egit »; Pseudo-Alphonse, éd. A, ch. 12: « nihil historiae dignum egit. » Rodrigue, IV, 5:

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de la rédaction interpolée par Pélage, voire du Moine de Silos, ou du Chronicon Albeldense 3. A compter de l'avènement d'Alphonse III, c'est sur Sampiro, revu par Pélage, qu'il fonde son exposé, le texte retouché de Sampiro étant d'ailleurs partiellement bouleversé, abrégé par endroits et surtout accru d'emprunts caractéristiques faits à l'Anonyme de 924 transcrit par le Moine de Silos 3.

« qui [Adefonsus I] ...plurima bella gessit, et civitates multas occu<< patas ab eis christianae potentiae redonavit » ; A, ch. 13 : « praelia « gessit, atque plurimas civitates ab eis olim oppressas cepit. » — Rodrigue, IV, 12 : « Caste, sobrie, immaculate ac pie regni gubernacula « dirigendo, amabilis Deo et hominibus [Adefonsus II] » ; A ch. 22: « Caste, sobrie, inmaculate, pie ac gloriose regni gubernacula gerens, « amabilis Deo et hominibus. » Remarquer, d'autre part, que, avec A, ch. 8, Rodrigue, IV, 1, fait d'Oppas un archevêque de Séville, et non de Tolède.

1. Voir, notamment IV, 3: De translatione arcae et reliquiarum et sacrorum librorum in Asturias. Voir aussi les autres passages signalés à propos de Lucas de Tuy.

2. Confronter par exemple Rodrigue de Tolède, IV, 4 et Moine de Silos, ch. 25 (exécution du comte Julien et des fils de Witiza; cf. sur ce point Chronique léonaise, II, ch. 6); Rodrigue, IV, 5 et Silos, ch. 26 (restauration des sièges épiscopaux à l'époque d'Alphonse Ier); Rodrigue, IV, 6 et Silos, ch. 27 (prohibition du mariage des prêtres prononcée par Fruela) : des expressions fort voisines se retrouvent des deux côtés. Voir également, pour la légende des anges orfèvres, Rodrigue, IV, 9 et Silos, ch. 29.

3. Exemples. Rodrigue de Tolède, IV, 1: « Hic Pelagius (ut est « dictum) fugiens a facie Vitizae qui eum voluerat excaecare » ; Chron. Albeldense, ch. 50: « Iste [Pelagius] a Vitizane rege de Toleto expul« sus. » Rodrigue, IV, 7: « et in Pravia ad regni solium [Silo] « sublevatur »; Chron. Albeld., ch. 55: « Iste dum regnum accepit « in Pravia solium firmavit. » Comparer aussi Rodrigue, IV, 8 et Chron. Albeld., ch. 58 (déposition d'Alphonse II; cf. sur ce point Chronique léonaise, II, ch. 17).

4. Voir notamment aux ch. 17-18 les deux lettres du pape Jean et l'abrégé des actes du concile d'Oviedo.

5. Comme le Moine de Silos, ch. 40-41, Rodrigue de Tolède, IV, 15, mentionne la victoire remportée par Alphonse III sur les bords du Duero, et IV, 16, la construction de l'église de Compostelle, du monastère de Sahagun et du château de Gozon.

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