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les sources, au moins, les plus importantes d'entre elles', c'eût été risquer d'utiliser, à côté de témoignages essentiels, des témoignages médiocres ou franchement mauvais; c'eût été encombrer, une fois de plus, l'histoire asturienne de faits con trouvés ou par trop douteux; c'eût été, enfin, méconnaître l'unique moyen de renouveler, dans la mesure du possible, une matière sur laquelle on ne saurait guère apporter d'inédit.

Quant à l'exposé des faits, il ne nous appartient pas d'en noter les caractéristiques 2. Tout au plus nous sera-t-il permis d'en marquer l'orientation et les tendances, en reproduisant ces quelques paroles de Fustel de Coulanges 3 : « Il y a << deux sortes d'esprits: ceux qui sont enclins à croire et « ceux qui penchent toujours vers le doute. Il y a aussi deux « écoles d'érudits : ceux qui pensent que tout a été dit et qu'à << moins de trouver des documents nouveaux, il n'y a plus « qu'à se tenir aux derniers travaux des modernes; et il y a

toutes, les guides généraux de R. Ballester y Castell, Las fuentes narrativas de la historia de España durante la edad media. Palma de Mallorca, 1908, in-8°; F. Pons Boigues, Ensayo bio-bibliográfico sobre los historiadores y geógrafos arábigo-españoles. Madrid, 1898, in-4°, et C. Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur. Weimar, puis Berlin, 1898-1902, 2 vol. in-8°.

I. Il va sans dire que nous laissons de côté les fausses chroniques, notamment les élucubrations de Faustino de Borbon (Cartas para ilustrar la historia de la España árabe. Madrid, 1796, in-4o); la Chronique d'Alphonse, abbé de Sahagun (mentionnée par Pellicer, Berganza, Escalona, etc.); le Chronicon Ovetense (texte dans Ferreras, Historia de España, XVI, 1727, app., pp. 59-66), qu'a vainement tenté de réhabiliter Juan Menéndez Pidal, dans Revista de Archivos, X (1904), p. 285; la Chronique de Diego Martin Idiaquez (texte et critique dans M. C. Vigil, Colección histórico-diplomática del Ayuntamiento de Oviedo. Oviedo, 1889, gr. in-4o, pp. 289-291), etc.

2. Une simple remarque: si ce travail avait paru à sa date, soit vers 1911 (cf. Revue Hispanique, XXIII, 1910, p. 238, n. 7), peut-être aurait-il semblé, sur certains points, plus original.

3. Fustel de Coulanges, Questions historiques (Paris, 1893, in-8°),

P. 403.

« ceux que les plus beaux travaux de l'érudition moderne «< ne satisfont pas pleinement, qui doutent de la parole du « maître, chez qui la conviction n'entre pas aisément et qui << d'instinct croient qu'il y a toujours à chercher. »

PREMIÈRE PARTIE

LES SOURCES

CHAPITRE PREMIER

LES SOURCES NARRATIVES LATINES DES IX-XIE SIÈCLES

Aussi rares que brefs, les plus anciens textes narratifs que l'on possède sont : 1o la Chronique dite d'Alphonse III ou de Sébastien de Salamanque ; 2o la Chronique dite d'Albelda ou de San Millan ; 3° la Chronique attribuée à Sampiro; 4o quelques annales; 5o une vie de saint. Sauf erreur, il faut renoncer à effectuer, dans ce domaine, de fructueuses découvertes, certaines chroniques paraissant à tout jamais. perdues, et d'autres n'ayant existé que par hypothèse 2.

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Englobant l'histoire des derniers rois wisigoths, de Wamba à Rodrigue (672-711), et celle des rois asturiens, de Pélage

1. Par exemple, l'Epitome temporum qu'avait écrit l'auteur de la Continuatio hispana a. 754.

2. Par exemple, la source d'où dériveraient partiellement la Chronique dite d'Alphonse III et le Chronicon Albeldense; par exemple aussi, les sources écrites que Sampiro aurait peut-être utilisées, d'après Amador de los Ríos, Historia crítica de la literatura española, II (Madrid, 1862, in-8), p. 150, texte et note 2.

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à Ordoño Ier (718-866), la Chronique dite d'Alphonse III s'est conservée sous quatre formes différentes: 1o la rédaction primitive (A), composée dans les Asturies, et probablement à Oviedo même, aux environs de l'année 877, par un auteur qu'on ne saurait identifier avec certitude; 2o une refonte (B), antérieure au XIe siècle, et que caractérisent, outre diverses interpolations, de très nombreuses variantes de forme; 3o une version de A, interpolée au XIIe siècle (C) par Pélage, évêque d'Oviedo, et insérée par lui dans son Liber Chronicorum; 4o une version de B, interpolée au XIIe siècle également (D) par le compilateur anonyme de la Chronique léonaise. De ces quatre textes, il n'en est qu'un — le premier qui puisse nous intéresser ici 2.

Rédigée à l'imitation de l'Historia Gothorum d'Isidore de Séville 3, c'est-à-dire divisée par règnes et présentant une suite de biographies royales, l'œuvre du Pseudo-Alphonse est,

1. Voir Crónica de Alfonso III. Edición preparada por Z. García Villada. Madrid, 1918, in-8. Cf. M. Gómez-Moreno, dans Bol. de la R. Acad. de la Hist., LXXIII (1918), pp. 54-58; G. Cirot, dans Bulletin Hispanique, XXI (1919), pp. 1-8; voir aussi Revue des Bibliothèques, XXIX (1919), pp. 129-136 et nos Remarques sur la Chronique dite d'Alphonse III, dans Revue Hispanique, XLVI (1919), PP. 323381. L'édition du P. García Villada et les articles cités annulent les travaux antérieurs.

2. Sauf avis contraire, nos citations se réfèrent toutes au texte A, et à l'édition García Villada.

3. Cf. Tailhan, Bibliothèques espagnoles du haut moyen âge, dans Ch. Cahier, Nouveaux mélanges d'archéologie, IV (Paris, 1877, gr. in-4o), P. 336 « Il est... de toute évidence qu'Alphonse III a composé l'his«toire des rois ses prédécesseurs, à l'imitation de la chronique des « Wisigoths que nous a laissée saint Isidore de Séville. » L'imitation est flagrante et se manifeste même dans le détail du style. Exemples. Isidore (éd. Mommsen, Chronica minora, II, p. 267 et suiv.), ch. 15: « Alaricus... nomine quidem Christianus, sed professione haereticus » ; Pseudo-Alphonse, ch. 25: « Muza quidam nomine, natione Gothus, «sed ritu Mamentiano. » - Isidore, ch. 58: « Wittericus regnum, quod « vivente illo invaserat, vindicat annis VII »; Pseudo-Alphonse, ch. 19: « Maurecatus autem regnum quod callide invasit, per sex annos vin

ainsi que son modèle, d'une lamentable pauvreté. Qu'il s'agisse des derniers rois wisigoths ou de rois asturiens de second plan; qu'il s'agisse même des rois asturiens les plus célèbres, ou les plus rapprochés de lui, le chroniqueur ne consigne jamais qu'un tout petit nombre de faits. Pélage a fondé la monarchie asturienne et régné pendant dix-neuf ans: un seul événement est rapporté, soit la bataille de Covadonga et la défaite consécutive de Munuza (ch. 8-11). Alphonse Ter a reculé de façon inespérée les frontières du nouveau royaume et consolidé son existence: pêle-mêle et comme à la hâte sont énumérés, d'une part, les villes ou bourgades reconquises (ch. 13), d'autre part, les territoires repeuplés (ch. 14); mais, en dehors de ces mentions sommaires, il n'y a rien, hormis une relation de miracle (ch. 15). - Alphonse II a gardé le pouvoir pendant cinquante-deux ans et, durant ce demi-siècle, l'état asturien a traversé une crise très grave: d'après la Chronique (ch. 21-22), Alphonse II aurait simplement repoussé une invasion arabe en 794, bâti des églises et des palais, battu deux autres armées musulmanes et maté le rebelle Mahmoûd de Mérida. Le Pseudo-Alphonse est, sans nul doute, contemporain d'Ordoño Ier : le repeuplement de quelques villes, une révolte des Vascons, la défaite de Moûsa, la prise de Coria et Talamanca, l'incursion normande de 859-860, voilà, à quelques allusions près, les seuls renseignements qui nous soient transmis (ch. 25-26).

De même qu'Isidore de Séville, le Pseudo-Alphonse, non content de relater très peu de faits, ne consacre d'habitude à chacun d'eux que quelques mots. Des récits tant soit peu circonstanciés (pénitence forcée du roi Wamba, soulèvement

« dicavit. » - Isidore, ch. 62: « Suinthila gratia divina regni suscepit « sceptra »; Pseudo-Alphonse, ch. 13 : « Qui [Adefonsus I] cum gratia « divina regni suscepit sceptra. » Il ne faut donc pas dire avec le P. García Villada, op. cit., p. 39, que le Pseudo-Alphonse avait de l'Historia Gothorum un « conocimiento... muy superficial ».

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