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ou rebâti, l'église de Compostelle et le monastère de Sahagun, édifié la forteresse de Gozon et offert au Saint-Sauveur d'Oviedo une croix magnifiquement ouvragée, nous n'y contredirons pas; qu'il ait rendu l'âme après une semaine de maladie, le 20 décembre 910, à minuit, cela est fort possible; que ses restes, d'abord inhumés à Astorga, aient ensuite été transférés à Oviedo, concédons-le encore. Mais n'allons pas au delà.

L'Anonyme de 924 (ch. 39) semble croire qu'Alphonse III succéda à son père Ordoño sans éprouver la moindre opposition rien n'est moins vrai, et le Chronicon Albeldense (ch. 61) nous montre au contraire le jeune prince fuyant en Castille devant l'usurpateur Fruela. D'après notre texte (ch. 40), Alphonse III extermina sur les bords du Duero une armée venue de Tolède, retourna à Leon, puis, la même année, se porta au devant d'une autre armée qui était entrée en Castille, et mit en déroute cette nouvelle bande d'envahisseurs : ainsi se trouve défigurée, au point d'être presque méconnaissable, soit la première campagne d'El-Mondhir, soit l'expédition de 878 1. L'Anonyme déclare (ch. 40) que la reine Chi

<< propter nomen Domini, tutoribus qui pueritiam eiusdem usque ad prefinitum tempus a patre observabant ignorantibus, pauperibus devote erogare consueverat. >>

1. Il est difficile de se prononcer de façon certaine. A) Pour Sampiro, ch. 1, le mariage du roi aurait suivi sa victoire sur El-Mondhir; l'Anonyme de 924 ne nomme pas El-Mondhir, mais lui aussi rapporte, immédiatement après une défaite musulmane, le mariage du prince : il pourrait donc faire allusion à l'expédition susdite. B) D'après le Chron. Albeldense, ch. 63, l'armée d'invasion, en 878, comprenait des troupes tolédanes; d'après l'Anonyme de 924, c'est de Tolède que venait l'armée mise en déroute sur le Duero; dès lors, n'a-t-il pas voulu raconter l'expédition de 878 ? Un détail, à l'appui de cette dernière hypothèse : le Chron. Albeldense date la deuxième expédition d'El-Mondhir de l'ère DCCCCXVI; or l'Anonyme veut qu'Alphonse III ait, dans une première rencontre, massacré CCCCXVI Musulmans.

mène descendait des rois wisigoths, et il s'exprime de telle sorte qu'on pourrait la croire originaire de la Tierra de Campos mais Chimène était navarraise, ce qui exclut toute possibilité d'ascendance wisigothique. Notre auteur assure (ch. 40) que le roi se maria à l'âge de 21 ans et qu'il eut six fils et trois filles de ces deux renseignements, le second semble douteux, et le premier est faux, si les faits de guerre cidessus mentionnés se rapportent à l'année 878 3.

Les inexactitudes que nous avons relevées sont-elles imputables au Moine de Silos ou à son modèle ? D'ordinaire le Moine de Silos n'altère pas gravement les textes dont il fait usage ou il les copie sans y rien changer, ou il se contente d'en remanier la forme 4. Est-ce donc que la chronique utilisée ici était de basse époque et partant de médiocre aloi? On lit, au ch. 41 : « Fecit [rex] namque super corpus beati << Iacobi Compostelle ecclesiam... que postea a barbaris des«tructa est », et tout de suite après « : Nichilominus super << athletas Christi Facundum scilicet et Primitivum basilicam... <«< construxit hanc etiam Mauri eo tempore quo Iacobensem, «< hostiliter invaserunt et destruxerunt 5. » C'est vers 988 que les Musulmans ravagèrent le monastère de Sahagun, et

1. Moine de Silos, ch. 40 (éd. Santos Coco, p. 35): « Inde victor «< in Campos Gotorum reversus, duxit uxorem ex regali Gotice gentis << natione nomine Xemenam. »>

2. Nous ne connaissons pas les filles d'Alphonse III, et nous ne lui connaissons avec certitude que cinq fils. Voir ci-dessous, Appendice II.

3. Étant mort en 910, « quinquagenarius additis octo» (Moine

de Silos, ch. 41; éd. Santos Coco, p. 36), Alphonse III était donc né en 852 et avait par conséquent vingt-six ans en 878.

4. Cf. Dozy, Recherches, 3o éd., I, p. 84; Tailhan, Bibliothèques, p. 338. Pour mémoire, signalons que M. A. Blázquez, loc. cit., p. 196, est d'un avis diamétralement opposé.

5. Ed. Santos Coco, p. 35.

6. Cf. la charte d'Ordoño, abbé d'Eslonza, en date du 25 novembre 988, publiée par le P. Fita, dans Bol. de la R. Acad. de la Hist., XXXI (1897), pp. 473-475. Selon Escalona, Historia del real monasterio

c'est à l'été de 997 que les troupes d'El-Mançoûr saccagèrent la ville de Compostelle, au cours d'une expédition célèbre 1. En conséquence, si les deux passages transcrits ne sont pas interpolés, et rien ne prouve qu'ils le soient, la chronique perdue datait, au plus tôt, de l'extrême fin du xe siècle. Peut-être même avait-elle été rédigée plus tard encore, à un moment où le souvenir des incursions de 988 et 997 s'était déjà fortement atténué, puisque ces deux campagnes, que sépare un intervalle de plus de dix ans, sont ici confondues.

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Le texte que M. G. Cirot a dénommé ainsi et publié, commence avec la Chronique d'Isidore de Séville et finit à la mort d'Alphonse VI (1109) 2. Dans la portion qui nous intéresse 3, l'auteur ne s'est mis en frais ni d'imagination, ni de style; il a simplement rassemblé les textes narratifs antérieurs,

de Sahagun, pp. 49-51, les termes employés dans cette charte (soit : << et dum Sarrazeni pergunt ad Domnos Sanctos ut destruerent eum, << sicut et destruxerunt ») seraient fortement exagérés. Escalona admet cependant que les troupes d'El-Mançoûr purent, en cette année 988, causer «< algun daño » au monastère de Sahagun.

1. Dozy, Histoire des Musulmans d'Espagne (Leyde, 1861, 4 vol. in-8°), III, pp. 228-235. D'après Dozy, c'est même « la plus célèbre » de toutes les campagnes d'El-Mançoûr.

2. G. Cirot, Une chronique léonaise inédite, dans Bulletin Hispanique, XI (1909), pp. 259-282 et La Chronique léonaise (mss. A 189 et G 1 de la R. Academia de la Historia), ibid., XIII (1911), Pp. 133-156 et 381-439. Cf., du même auteur, La Chronique léonaise et la chronique dite de Silos, ibid., XVI (1914), pp. 15-34; La Chronique léonaise et les chroniques de Sébastien et de Silos, ibid., XVIII (1916), pp. 1-25; La Chronique léonaise et les chroniques de Pélage et de Silos, ibid., XVIII (1916), pp. 141-154; La Chronique léonaise et les petites Annales de Castille, ibid., XXI (1919), pp. 93-102. Consulter aussi García Villada, Crónica de Alfonso III, pp. 139-149.

3. Elle correspond au liv. II, ch. 2-32 et 39-59 (Bulletin Hispanique, XIII, pp. 387-401 et 403-410).

puis les a découpés en fragments d'inégale étendue ; ces fragments, il les a ensuite accolés, sans les modifier sensiblement d'habitude, en tout cas, sans s'inquiéter ni des redites, ni des inconséquences qui devaient fatalement résulter de tels procédés d'assemblage. Il a donc composé un centon, riche de variantes de pure forme, presque entièrement dépourvu de renseignements nouveaux, mais instructif quand même, car il nous montre: 1o quelles étaient les sources dont pouvait disposer un érudit du XIIe siècle ; 2o que ces sources n'étaient autres, à très peu de chose près, que celles dont on dispose actuellement.

A) De l'avènement de Pélage à la mort de Ramire Ier (liv. II, ch. 2-23), c'est la rédaction B du Pseudo-Alphonse qui sert de base à l'exposé de la Chronique léonaise 1. Cette rédaction B a été transcrite d'après un manuscrit très voisin de ceux qui nous sont parvenus; toutefois, quelques mots ont été supprimés, quelques passages ont apparemment subi des retouches 3, certaines leçons enfin rappellent davan

1. García Villada, op. cit., pp. 140-141. M. G. Cirot avait connu trop tard notre édition pour pouvoir en faire état (cf. loc. cit., p. 439) ; d'où il résulte: 1o qu'une bonne partie de ce qu'il considère comme original aurait dû être imprimé en italique, d'après le système adopté par l'éditeur; 2o que certaines mentions, considérées comme provenant soit du Chron. Albeldense (Chronique léonaise, liv. II, ch. 10 et 11), soit du Moine de Silos (ibid., ch. 4, 5, 6, 7, 9, 11, 19, 20, 22 et 23), proviennent en réalité de la rédaction B du Pseudo-Alphonse.

2. Comparer, par exemple, B, ch. 12 et 15 et Chronique léonaise, liv. II, ch. 8 et 1o.

3. Voir Chronique léonaise, liv. II, ch. 9, au début : « Aldefonsus, << Petri Cantabriensis ducis filius, supradicti Pelagii gener, ab universo « populo electus. » Ce passage n'est pas original, comme le pense le P. García Villada, d'après M. G. Cirot; c'est un mélange du PseudoAlphonse, réd, B, ch. 11 (ou du Moine de Silos, ch. 26) et ch. 13. Voir aussi le passage concernant la ville de Clunia, citée sans commentaire par B, ch. 13, et dont la Chronique léonaise, liv. II, ch. 9, dit : « Cluniam, de qua Orosius ad Augustinum scribit in Cronica. » Comparer également le début du ch, 18 de B et du ch. 14 de la Chronique léonaise, le texte de cette dernière donnant d'ailleurs un sens meilleur, etc.

tage celles de la rédaction A 1.

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Comme sources accessoires,

le compilateur emploie le Chronicon Albeldense (voir liv. II, ch. 11 et 17), le Moine de Silos (voir liv. II, ch. 6 et 13), peutêtre même Pélage d'Oviedo 2.

B) Le récit du règne d'Ordoño Ier (liv. II, ch. 24-29), coïncide à peu près intégralement avec celui que donne le Moine de Silos 3; toutefois le texte de ce dernier est, en maints endroits, haché de phrases prises ailleurs. Ce mélange d'éléments divers est surtout sensible au début (ch. 24): là voisinent, accouplés tant bien que mal, des phrases ou des lambeaux de phrases qui viennent en droite ligne du PseudoAlphonse, du Moine de Silos et des Annales Compostellani 4. On remarquera d'autre part, que si les ch. 26 et 27 présentent une réelle cohérence, en dépit de leur constitution intime 5, il n'en va pas de même du ch. 29: bien que la mort d'Ordoño ait

1. Cf. notamment, au ch. 18, les mots : « quia audacter ingressi << sunt, audatius et deleta sunt ; uno namque tempore, » qui se retrouvent chez le Pseudo-Alphonse, réd. A, ch. 22, et non pas dans la rédaction B.

2. Contrairement à l'opinion de M. G. Cirot (Bulletin Hispanique, XVIII, p. 21) et du P. García Villada (op. cit., p. 141), nous serions assez porté à supposer que le compilateur a connu la rédaction du Pseudo-Alphonse interpolée par Pélage (réd. C). De toutes manières, il appelle, lui aussi, Bertinalda, la femme supposée d'Alphonse II (Chronique léonaise, II, ch. 20), et donne, toujours comme la rédaction C, le nom de la femme d'Ordoño Ier, ainsi que le nom des enfants de ce dernier roi (ibid., ch. 24).

3. Voir García Villada, op. cit., pp. 145-149.

4. La mention : « Populavit Rudericus comes Amayam mandato « Ordonii regis » n'est nullement du crû du compilateur, comme le pense le P. García Villada, op. cit., p. 145. Mais, d'autre part, il n'est guère vraisemblable que ce soient les Annales Compostellani qui aient emprunté cette mention (et deux autres encore) à la Chronique léonaise, ainsi que le suppose M. G. Cirot, Bulletin Hispanique, XXI, P. 94 et p. 95.

5. Les ch. 25 et 28 sont entièrement copiés dans le Moine de Silos, ch. 35 et 38; les ch. 26 et 27 renferment quelques brefs extraits du Pseudo-Alphonse et du Chron. Albeldense.

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