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typiques de B, l'omission de telles particularités de A 1. Ainsi s'explique également l'usage simultané de locutions et de tournures qui proviennent les unes de A, les autres de B, cette dernière rédaction ayant été, même au point de vue des formules, la plus fréquemment mise à profit.

Remarquons, d'autre part, que le Moine de Silos prend quelques libertés avec le modèle qu'il transpose. Pratiquant des coupures, il supprime les rois Fafila, Aurelio, Silo et Mauregato, biffe toutes les dates terminales, sauf celle de la mort d'Alphonse II 3, condense ou même rejette certains développements par exemple, il substitue une phrase banale à la longue liste des villes reconquises par Alphonse Ier 4 et il omet la campagne de 816, de même que tous les événements

1. Comme B, le Moine de Silos déclarera que Pélage avait été spataire de Rodrigue; qu'Oppas était archevêque de Tolède (et non de Séville); qu'Alkama avait reçu l'ordre de s'emparer de Pélage, le cas échéant; que le père d'Alphonse Ier était duc des Cantabres, et que ledit Alphonse épousa la fille de Pélage; que Fruela Ier rétablit le célibat ecclésiastique (comparer Silos, ch. 20, 21, 26, 27 et B, ch. 8, II et 16; cf. pour deux des passages allégués, Cirot, loc. cit., p. 390, ch. 7 et p. 391, ch. 11). De même, en conformité avec B, mais par opposition avec A, le Moine de Silos négligera de dire que le général Omar, tué par les troupes de Fruela, était fils de l'émir régnant ; que la reine Nuña fut esclave avant de devenir reine; que le château où se réfugia Mahmoûd avait nom Santa Cristina; qu'Aldroito et Piniolo furent successivement comtes du palais, etc., etc. (comparer Silos, ch. 27, 30, 34; B et A, ch. 16, 22, 24).

2. Cf. Blázquez, loc. cit., p. 191 et 196, lequel donne d'autres exemples de suppressions analogues.

3. Le Moine de Silos, ch. 30 (éd. Santos Coco, p. 27), place la mort de ce roi : «< era DCCCLXXXI » (a.843), au lieu de : « era DCCCLXXX » (a.842).

4. Moine de Silos, ch. 26 (éd. Santos Coco, p. 22) : « Quamplurimas « a barbaris oppressas civitates bellando cepit; ecclesias nefando « Mahometis nomine remoto, in nomine Christi consecrari fecit; «< episcopos unicuique preponere ; atque eas auro, argento lapidibusque << pretiosis ac sacre legis libris ornare devote studuit. » Cf. Blázquez, loc. cit., p. 195.

de la fin du règne d'Ordoño'. Non content d'opérer des compressions, il se livre aussi à des corrections partielles, transforme en un roi le prince Fruela, frère d'Alphonse Ier 2, place hardiment, pour des raisons logiques, la règne de Bermude Ier après celui d'Alphonse II, change des noms propres, use d'épithètes jusqu'alors inemployées 5, précise telles données chronologiques. Enfin, il ajoute au fond commun des rédac

1. Prise de Coria et de Talamanca, invasion normande de 859-860. 2. Moine de Silos, ch. 32 (éd. Santos Coco, p. 27) : « Qui duodecimo « regni sui anno, mensibus sex, diebus viginti peractis, debitum carnis « exsolvens... » Comparer le Catalogue du Codex de Meyá (ci-dessus, P. 14, note): « Froila frater eius [Adefonsi I] regnavit an. XII, « mens. VI, dies XX. » Une contamination s'est-elle produite ? C'est presque évident. En tout cas, il ne faut pas dire, comme M. A. Blázquez, loc. cit., p. 196, que notre auteur a « répété » aux ch. 27 et 32 le règne de Fruela: au ch. 27, il est question de Fruela Ier, fils d'Alphonse Ier; au ch. 32, il est question du prince Fruela, frère dudit Alphonse.

3. Le Moine de Silos épuise d'abord la descendance de Pélage et d'Alphonse Ier, laquelle finit avec Alphonse II; après quoi, il passe à la descendance de Fruela, frère d'Alphonse Ier, laquelle commence pour lui avec Bermude, le règne d'Aurelio ayant été supprimé. D'où la transposition indiquée, et qui est bien volontaire; cf. ch. 31 (éd. Santos Coco, p. 27): « Post cuius [Adefonsi II] felicem decessum, « Ranimirus Veremudi principis filius gubernandi regni sceptra suscepit. Sed quoniam Adefonsi Yspaniarum orthodoxi imperatoris genealogiam seriatim texere statui, eo unde originem duxit, stilum verto. » 4. Les Vascons, cités par le Pseudo-Alphonse au ch. 16, sont transformés ici, ch. 27, en Navarrais; l'église Santa Maria de Naranco (Pseudo-Alphonse, ch. 24) devient ici, ch. 34, San Miguel de Naranco.

5. Alphonse Ier est qualifié de catholicus (ch. 26 et 32) et Alphonse II de castus (ch. 28 et 32). Noter que, dans la préface de son Liber Chronicorum (Mommsen, Chronica minora, II, pp. 262-263), Pélage d'Oviedo, contemporain du Moine de Silos, applique l'épithète de catholicus aux rois Wamba, Pélage et Alphonse II; celle de castus à Alphonse II. 6. D'après le Moine de Silos, ch. 34 et 38, Ramire Ier régna pendant sept ans, huit mois et dix-huit jours; Ordoño Ier, pendant seize ans, trois mois et un jour. Les indications de mois et de jours manquent chez le Pseudo-Alphonse, ch. 24 et 26; par contre, on les retrouve, à quelques variantes près, dans le catalogue du Codex de Meyá (loc. cit.) Post Ranimirus regnavit an. VI, mens. VIIII, dies XVIIII. Ordonius filius eius regnavit an. XVI, mens. III, diem I. »

I

tions A et B 1o la mention du châtiment infligé au comte Julien et aux fils de Witiza, en représailles de la défaite de Covadonga (ch. 25); 2o le récit d'une translation de reliques, apportées de Tolède dans les Asturies (ch. 28) 1 ; 3o la légende pieuse des anges orfèvres (ch. 29), lesquels auraient fabriqué une croix d'or demeurée célèbre. Bref, suivant les cas, il abrège, modifie ou complète à sa convenance l'œuvre de son devancier 2.

B) Après avoir largement utilisé le Pseudo-Alphonse et avant de transcrire littéralement la chronique de Sampiro, le Moine de Silos traite des rois Alphonse III (866-910), Garcia Ier (910-914) et Ordoño II (914-924) 3. Ces pages

1. Il s'agit du reliquaire d'Oviedo, dont l'évêque Pélage a, de son côté, fait l'historique (Esp. Sagr., XXXVII, pp. 352-358). Cette addition, relative aux reliques d'Oviedo, en a entraîné une autre. On trouve en effet, au même ch. 28 (éd. Santos Coco, p. 24), la phrase suivante, qui n'a pas son équivalent chez le Pseudo-Alphonse : « Fecit « quoque sancte Leocadie basilicam forniceo opere cumulatam, super << quam fieret domus ubi celsiori loco archa sancta a fidelibus ado<< raretur. »

2. A remarquer, en passant, une des préoccupations de l'auteur. Vivant à une époque où l'influence française était très grande en Espagne, le Moine de Silos, tout comme Pélage d'Oviedo, a voulu montrer qu'il possédait quelques notions d'histoire de France; d'où aux ch. 18-19 (éd. Santos Coco, pp. 16-17), un récit de l'expédition de Charlemagne en Espagne ; d'où également, au ch. 36 (éd. Santos Coco, p. 30), une allusion aux annales franques : « Verum qui quorundam << Francorum regum mansiones describere pergunt, animadvertant quia << pro nataliciis et paschalibus cibis, quos per diversa loca eos consum«psisse asserunt » ; d'où encore, au ch. 37 (éd. Santos Coco, p. 31), l'énumération de trois rois francs : « ...nisi Carolus qui iam senio «< conficiebatur et postea Ludovicus eius filius necnon et Lutarius « eius nepos », le Moine de Silos ayant d'ailleurs confondu Louis IV d'Outremer, père de Lothaire, avec Louis II le Bègue, fils de Charles le Chauve.

3. Moine de Silos, ch. 39-47 (Esp. Sagr., XVII, pp. 292-297 ; éd. Santos Coco, pp. 33-41), le même texte se retrouvant dans la Chronique léonaise, liv. II, ch. 30-38 (Bulletin Hispanique, XIII, pp. 400

représentent, à coup sûr, de façon plus ou moins fidèle, une chronique perdue, dont il est impossible de déterminer la provenance, mais dont on peut fixer assez exactement la valeur.

Le chapitre qui concerne Alphonse III est d'une grande brièveté 2: l'avènement, l'éducation, le mariage et la mort du prince, une double victoire sur les Arabes, la construction de quelques édifices religieux ou civils, le don d'une croix à l'église cathédrale d'Oviedo, le transfert des restes du souverain, d'Astorga à Oviedo, voilà ce que l'auteur a noté 3. Malgré sa sécheresse, le chapitre en question a cependant un réel intérêt si on le compare aux relations correspondantes de la Chronique d'Albelda ou de Sampiro, on constate qu'il ne dérive pas d'elles, au moins directement, et fournit à certains égards des indications qui contredisent les autres témoignages ; il nous révèle donc une tradition indépen

1. Pour M. A. Blázquez, loc. cit., pp. 192-193, ce fragment ne serait autre que la fin de la Chronique dite d'Alphonse III, laquelle se serait étendue jusqu'en 924, tandis que la Chronique de Sampiro, loin de s'arrêter en 982, se serait poursuivie jusqu'en 1020. Jusqu'à preuve du contraire, on s'en tiendra aux divisions adoptées par l'usage et la tradition manuscrite.

2. Moine de Silos, ch. 39-41 (éd. Santos Coco, pp. 33-36); Chronique léonaise, liv. II, ch. 30-32.

3. L'auteur a-t-il connu d'autres faits qu'il aurait volontairement omis, à l'exemple du Pseudo-Alphonse ? Nous lisons, au ch. 40 (éd. Santos Coco, p. 34) : « Sed inter regni negotia, que ab eo legitime « gesta permaxima sunt, et inter frequentia bella, que a primo tiro«cinii sui anno strenue exercuit... >>

4. Toutefois, sur un point, la succession des faits est présentée dans le même ordre que chez Sampiro. L'Anonyme de 924 nous le nommerons ainsi, faute d'une appellation plus satisfaisante place, au ch. 40, le mariage d'Alphonse III après une victoire remportée sur les Arabes; comparer Sampiro, éd. Florez, ch. 1.

5. Le Moine de Silos, par exemple, dit au ch. 39 (éd. Santos Coco, P. 33), qu'Alphonse III était l'unique fils du roi Ordoño : « Erat enim « Adefonsus unicus domni Ordonii regis filius. » Or, dans la recension que nous a conservée le Moine de Silos (ch. 49; éd. Santos Coco, p. 42),

dante de celles que nous connaissions déjà, ce qui, du reste, ne prouve pas qu'il soit très sûr 1.

Que dès l'enfance Alphonse III ait été instruit de ses devoirs de roi et se soit montré pieux et charitable 2; qu'il ait bâti,

Sampiro cite au moins un frère d'Alphonse, soit Fruela; et, dans la recension pélagienne (éd. Florez, ch. 3), nous voyons apparaître, outre Fruela, Nuño, Bermude et Odoario. Nous donnerons plus loin d'autres exemples de divergences.

1. Pélage d'Oviedo a peut-être connu cette tradition; quoi qu'il en soit, nous observons, entre les écrits de Pélage et le texte étudié ici, quelques coïncidences. Au ch. 41 du Moine de Silos (éd. Santos Coco, p. 35), on lit : « Fecit namque super corpus beati Iacobi Com« postelle ecclesiam »; les mêmes termes se retrouvent au ch. 2 de la recension pélagienne de Sampiro : « Tunc in Gallaecia Compostellae « super corpus beati Jacobi Apostoli ecclesiam... » Les deux documents (ch. 41 et ch. 2) mentionnent la construction du château fort de Gozon. — L'Anonyme de 924 indique à quelles fins ledit château de Gozon avait été bâti : « ...ad defensionem ecclesie sancti Salvatoris « Ovetensis oppidum Gauzon miro et forti opere in maritimis partibus « Asturie fabricavit : timebat enim quod navigio locum sanctum « hostes attingerent» (éd. Santos Coco, p. 35). Or, dans un diplôme du 20 janvier 905, qu'a interpolé ou refait Pélage d'Oviedo (cf. Revue Hispanique, XLVI, 1919, p. 53), Alphonse III concéderait à l'église d'Oviedo le château fort, édifié par lui à Oviedo même «< ad tuitionem « munitionis thesauri aulae hujus sanctae ecclesiae... caventes, quod << absit, dum navalis gentilitas piratico solent exercitu properare, << ne videatur aliquid deperire » (Esp. Sagr., XXXVII, pp. 329330). Enfin, Pélage d'Oviedo, apud Sampiro, ch. 15, et l'Anonyme de 924, ch. 41, s'accordent à noter le transfert des restes d'Alphonse III, d'Astorga à Oviedo.

2. Les chroniqueurs ne nous renseignent pas d'habitude sur l'éducation des princes (remarquer toutefois le passage du Chron. Albeldense, ch. 67, qui montre Alphonse III confiant « ad creandum » son fils Ordoño à un roitelet musulman). Les mêmes chroniqueurs ne s'attardent guère davantage à nous faire connaître les qualités morales des souverains. Ici, par exception, nous apprenons, ch. 39 (éd. Santos Coco, pp. 33-34), qu'Ordoño Ier avait préparé son fils au gouvernement du royaume : « Quem patricius pater ad omnem regendi regni utili«tatem studiose educaverat », et nous voyons même, un peu plus loin, comment le jeune prince s'appliquait à soulager les infortunes : Ceterum ab infantia sua magnus puer Adefonsus timere Deum et • amare didicerat ; et quidquid in domo patris super se habebat,

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