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vaut le diplôme des Vœux, l'une des supercheries les plus grossières qui soient.

Alphonse III. a) La fameuse « Croix de la Victoire >> porte une inscription que, pendant longtemps, on s'est ingénié à mal transcrire. Morales et Masdeu, par exemple, ont lu « XVII » au lieu de « X'II » et « era DCCCCXVI » (a. 878) au lieu de «< era DCCCCX'VI » (a. 908). Dès lors, si, en 878, Alphonse III comptait la dix-septième année de son règne, c'est qu'il avait été associé au pouvoir dès 861, soit cinq ans environ avant la mort de son père Ordoño Ier 2. Passons, puisque l'erreur des Morales et des Masdeu est aujourd'hui reconnue et corrigée 3.

b) Un diplôme de 862 (Cat., no 27), émané d'Alphonse luimême, nous montrerait ce prince régnant en Galice sous le contrôle de son père Ordoño II. Mais cet acte a été remanié, sinon fabriqué, et par conséquent ne peut servir 4.

c) Une charte de l'abbé Severo, du 15 mars 863, et deux chartes de Diego, comte de Castille, l'une du 15 mars 863, l'autre du 2 mai 864, mentionnent Alphonse III comme étant, à cette époque, le roi régnant. Mais il est clair que la date de ces actes a été mal transcrite sur le Cartulaire qui nous les a conservés 5

écrit : « Praesentes quoque erant Ordonius filius regis Ramiri et Gar«sias frater regis, qui ambo reges dicebantur. »>

1. Morales, Coronica, éd. Cano, VIII, p. 25; Masdeu, Hist. crítica de España, IX (1791), p. 54; cf. Hübner, Inscr. Hisp. Christ., p. 80, no 249, où l'on retrouve les mêmes lectures défectueuses.

2. Morales, op. cit., p. 27. Cf. Llorente, Noticias, III, p. 102, qui adoptait les lectures de Morales et Masdeu.

3. Voir, entre autres, Risco, Esp. Sagr., XXXVII, p. 221 et Vigil, Asturias monumental, p. 18.

4. Cf. Étude sur les actes des rois asturiens, pp. 66-67.

5. Ci-dessous, Appendice VII. Imprimant dans le Bol. de la R. Acad. de la Hist., XLV (1904), pp. 417-418, un acte provenant du Cartulairede Santo Toribio de Liébana, et ainsi daté : « Factus pac«tus sub die quod erit IIII kalendas ianuarias, era DCCCII, regnante

d) Une charte de l'évêque de Mondoñedo, Rosendo I, est ainsi datée : « Facta scriptura testamenti... nonas maii << era DCCCCV, regnante in Asturias principe Adefonso, anno << regni eius completo primo 1. » Si cette date était exacte, Alphonse III aurait accompli, au 7 mai 867, la première année de son règne ; il aurait donc été associé au trône avant le 7 mai 866 (son père Ordoño mourut le 27 de ce mois). Mais, pour ce document décisif, nous n'avons qu'une copie de cartulaire (Tumbo de Sobrado), et, dans ces conditions, il serait téméraire de se prononcer.

Ordoño II. — Avant de devenir roi de Leon (914), Ordoño II fut, peut-être, roi de Galice, ainsi que Sampiro et plusieurs diplômes semblent l'attester 3. Mais s'il régna en Galice après la mort de son père, avait-il gouverné cette province du vivant même d'Alphonse III ? Le Moine de Silos le déclare en termes formels, ce qui n'est pas une preuve 4, et deux

« Domino Allefonso in Asturias, » M. Ed. Jusué a corrigé : << era DCCCII » en: « era DCCC [C]II », parce que, dit-il, p. 420 : « en el <«< año 764 no reinaba ningún Alfonso en Asturias; además, hay en el << Cartulario señales bien visibles de haber sido por alguien borrada «< una C en la fecha. En el año 864 reinaba D. Alfonso III el Magno. Mais l'erreur de M. Jusué est manifeste, et l'acte qu'il publie est certainement mal daté, même après correction. Noter que le P. Tailhan croyait lui aussi qu'Alphonse III avait été associé au trône en 864; ci-dessus, p. 278.

1. Ci-dessus, p. 265, n. 5.

2. Telle est, notamment, l'opinion de Noguera, loc. cit., p. 445, qui plaçait le début du règne d'Alphonse III le 6 mai 866.

3. Sampiro, ch. 17: « Garseano mortuo, frater ejus Ordonius ex << partibus Galleciae veniens, adeptus est regnum. » Cf. les diplômes du 20 avril et 22 avril 911, 30 mai et 2 juin 1912, dans López Ferreiro, Hist. de la iglesia de Santiago, II, app. nos XXX-XXXI, pp. 64-68 et XXXIII-XXXIV, pp. 72-76. Voir aussi Morales, Coronica, éd. Cano, VIII, pp. 110-111, qui cite, outre les diplômes de 911 et du 2 juin 912, un acte du 27 juin 912 pour San Martin de Santiago.

4. Moine de Silos, ch. 42 (éd. Santos Coco, p. 36) : « Quem profecto « Ordonium insignem militem, Adefonsus pater magnus et gloriosus rex vivens, Galleciensium provincie prefecerat. » Le Moine de Silos

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diplômes, émanés d'Ordoño lui-même, tendent à confirmer les dires de la chronique utilisée par le Moine de Silos.

Le premier de ces actes concerne le monastère galicien de San Esteban de Rivas de Sil, et a été publié par Yepes à la date du 12 octobre 909. Mais si l'on se reporte à la copie figurée qui se trouve à l'Archivo Histórico Nacional 2, on constate que la date est, non pas «< era DCCCCXXXXVII » (a. 909), ainsi qu'on lit dans Yepes, mais «< era DCCCCVIIII », soit a. 871, en sorte que l'erreur est patente: souvenons-nous en effet qu'Alphonse III, père d'Ordoño II, était encore un adolescent lorsqu'il monta sur le trône le 27 mai 866. Au surplus, Florez a depuis longtemps montré que cet acte d'Ordoño II doit être placé, non en 909, mais en 921 3.

Le second diplôme d'Ordoño, prétendu roi de Galice, concerne le monastère galicien de San Pedro de Montes et serait du 27 avril 898 4. Ce diplôme est souscrit par plusieurs prélats qui vécurent sous le règne d'Ordoño II, savoir: Recaredo, évêque de Lugo de 875 à 922; Sabarico [II], évêque de Mondoñedo de 907 environ à 922 ; Frunimio [II], évêque de Leon de 915 à 928; Anserico, évêque de Vizeu vers 915, Her

raconte même que, du vivant de son père, Ordoño fit une incursion en Andalousie et arriva jusqu'aux portes de Séville. Cf. Rodrigue de Tolède, De rebus Hispaniae, IV, 21 et Lucas de Tuy, pp. 80-81. M. López Ferreiro, dans Galicia histórica, pp. 728-729, accepte tout le récit du Moine de Silos.

1. Yepes, Coronica, IV, escr. XXXI, fol. 450 r et v.

2. Fonds de Rivas de Sil, 1 R.

3. Florez, Esp. Sagr., XVII, pp. 17-18. L'acte renferme l'indication chronologique suivante, sur laquelle s'est basé Florez pour établir la date de 921: « Modo tamen in septimo anno regni nostri... » On remarquera cependant que l'acte est souscrit par Sisnando, évêque de Compostelle, lequel mourut en 920 (López Ferreiro, Hist. de la iglesia de Santiago, II, p. 252 et p. 276). Quant à la souscription de l'évêque de Mondoñedo Rosendo, c'est sans nul doute une confirmation postérieure attribuable à saint Rosendo (928-942).

4. Yepes, Coronica, II, escr. XIV, fol. 10 r-12 r, et Sandoval, Fundaciones de San Benito, § San Pedro de Montes, fol. 20 v-22 r.

moigio, évêque de Tuy de 915 à 925 environ. Il semblerait donc légitime de reporter l'acte vers 915-922.

Mais une difficulté surgit aussitôt : le diplôme daté de 898 est également souscrit par l'évêque d'Astorga, Ranulfo. Or, la vie de cet évêque, qui est cité pour la première fois en 881 2, ne saurait être prolongée, semble-t-il, jusqu'au début du règne effectif d'Ordoño II 3. Dès lors, les souscriptions énumérées ci-dessus, loin d'être contemporaines de la rédaction, deviendraient des confirmations postérieures, au même titre que la signature de l'évêque d'Astorga Gimeno, que l'on remarque au bas du même document 4.

Reste à savoir toutefois ce que vaut la mention de l'évêque Ranulfo. Non seulement ce dernier souscrit l'acte, mais encore il est censé parler en son nom dans la partie comprise entre le préambule et le dispositif. On lit, en effet, après les phrases banales du préambule : « Unde pro huius timoris Domini << largitate ac pro vestrae venerationis honore, iuxta decreta. « Catholicae et apostolicae disciplinae et iuxta sacrorum ca<< nonum institutionem... instituimus decretum, qualiter locum «< ipsum venerabilem ecclesiae vestrae quamvis Domino du

1. Voir Esp. Sagr., XL, pp. 122-133 (Recaredo); XVIII, pp. 70-74 (Sabarico II), XXXIV, pp. 222-236 (Frunimio II); XIV, p. 319 (Anserico); XXII, pp. 41-49 (Hermoigio). A noter aussi la souscription de Fredosindo, évêque de Salamanque, que Florez, Esp. Sagr., XIV, p. 280, place résolument en 898, d'après le diplôme pour San Pedro de Montes. Noter également la souscription de Natal, un évêque d'Oca (ou d'Orense), qui a singulièrement embarrassé Florez, op. cit., XXVI, pp. 95-96.

2. Chron. Albeldense, ch. xi. Sur cet évêque, voir Florez, Esp. Sagr., XVI, pp. 127-129.

3. Les évêques Genadio et Fortis (ou inversement) apparaissent vers cette époque. Voir Florez, Esp. Sagr., XVI, pp. 129-147 et 148150, bien que l'auteur n'ait pu réussir à fixer avec précision la chronologie des évêques du début du xe siècle.

4. Deux évêques d'Astorga auraient porté le nom de Gimeno : l'un serait de 992-1000, l'autre de 1003-1025. Cf. Florez, Esp. Sagr., XVI, pp. 161-162 et 164-166.

« dum sanctificatum, per manus beati Fructuosi edificatum, primo confessione monachorum, postea vero multis tempo« ribus manebat desertum; modo tamen nostris iussionibus << eundem locum nos Ranulphus, episcopus Astoricensis sedis, << ordinavimus pro consecrationis officio abbatem nomine « Genadium, dedimusque ei regulam observationis sanctae «< vitae cunctaque illi monastica instrumenta. » Cette incise une fois terminée, l'acte royal reprend d'ailleurs comme suit : « Praecipimus ego Ordonius rex et Giloyra regina, offe<< rimus ob honorem nominis Christi, sanctorum Apostolo<< rum Petri et Pauli, sive et eiusdem sanctae Crucis, haeredi<< tatem nostram propriain, » etc.

Pareille rédaction, à la fois incohérente et diplomatiquement inadmissible, est l'indice manifeste d'un remaniement. Dans ces conditions, osera-t-on faire usage de ce diplôme pour formuler une doctrine ?

Maints auteurs, depuis Morales, ont déclaré que la Galice était l'apanage de l'héritier désigné; après ce qui vient d'être dit, il serait superflu de réfuter cette opinion.

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REVUE HISPANIQUE.

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