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La Chronique dite d'Albelda ou de San Millan (Mommsen l'appelait, non sans raison, Epitome Ovetensis a. DCCCLXXXIII) est un abrégé d'histoire universelle dont il existe trois rédactions principales: celles du Tumbo negro de Santiago, de San Millan et du Codex Vigilanus, respectivement représentées par les éditions: 1o de Pellicer (1663); 2o de Berganza (1721) et Juan del Saz (1724) ; 3o de Ferreras (1727) et Florez (1756)1. En tant qu'abrégé d'histoire universelle, cette chronique mériterait une étude spéciale, mais ce n'est pas le lieu de l'entreprendre il suffira de rappeler qu'elle a été compilée dans : les Asturies, et probablement à Oviedo ; qu'elle fut écrite en 881, mais reprise ensuite et achevée en 883; qu'elle est anonyme et paraît devoir le rester 2 ; qu'abstraction faite de préliminaires disparates, elle se décompose en quatre grands chapitres, dont un, intitulé Ordo Gothorum Ovetensium Regum commence à Pélage et s'arrête à la dix-huitième année du règne d'Alphonse III. Ce chapitre seul sera examiné ici 3.

I.

En attendant l'édition que prépare M. Gómez-Moreno, consulter principalement Mommsen, Chronica minora, II (1894), pp. 370-375. Voir aussi Florez, Esp. Sagr., XIII, pp. 417-432; Tailhan, Bibliothèques, pp. 336-337; F. Fita, Sebastián, obispo de Arcávica y de Orense. Su crónica y la del rey Alfonso III, dans Bol. de la R. Acad. de la Hist., XLI (1902), pp. 324-344. Nous suivrons l'édition de Florez, op. cit., pp. 433-464 (2o éd., 1782, pp. 433-466), bien qu'elle ne remplace pas absolument les précédentes, notamment celle de Juan del Saz.

2. L'attribution au prêtre Dulcidio, proposée par Pellicer, et l'attribution à Roman, abbé de San Millan, proposée par Juan del Saz, ne résistent pas à la critique; cf. Florez, op. cit., pp. 419-422. Reprenant une hypothèse émise par Gams, Kirchengeschichte von Spanien, II, 2 (Regensburg, 1874, in-8o), p. 345, n. 2, le P. Fita, aux pp. 336 et suiv. de l'article précité, a voulu démontrer que l'auteur est Sebastian, évêque d'Orense; mais nul semblant de preuve n'est produit à l'appui de cette opinion.

3. Nous éliminons la liste des rois asturo-léonais, de Pélage à Ra

A) De l'avènement de Pélage à la mort d'Ordoño Ier (éd. Florez, ch. 50-60), l'auteur résume, sauf erreur d'optique, le Pseudo-Alphonse, en adopte habituellement l'ordre et la chronologie, en extrait même à plusieurs reprises des expressions et tournures typiques. Quoique décharné, surtout au début, ce résumé n'en est pas moins intéressant: car, si dépendant qu'il soit de son modèle, il n'en est pas un raccourci servile. A l'occasion, il s'en sépare, par exemple en ce qui concerne la durée des règnes d'Aurelio, Silo, Mauregato et Alphonse II 2; en maints endroits, il le complète, soit qu'il

2

mire III (éd. Florez, ch. 47-48), que contiennent deux recensions, celle de San Millan et celle du Vigilanus. Ramire III étant monté sur le trône en 967, il est clair que cette liste a été ajoutée, du moins en partie (cf. Tailhan, Bibliothèques, p. 337, n. 3). Opérant une coupure, déjà pratiquée par Ferreras, Florez, op. cit., p. 422 et p. 449, n. 5, considérait les mentions antérieures à Garcia Ier (910-914) comme appartenant à l'œuvre parachevée en 883, ce en quoi il se trompait. a) D'après le Catalogue, Pélage serait fils d'un certain Bermude et nepos du roi Rodrigue : l'Ordo ignore cette généalogie; b) d'après le Catalogue, Alphonse Ier aurait eu pour successeur son frère Fruela: l'Ordo indique que Fruela, successeur d'Alphonse Ier, était fils, et non frère de celui-ci ; c) le Catalogue omet les rois Silo, Mauregato et Bermude, que l'Ordo mentionne; d) le Catalogue qualifie l'usurpateur Nepociano de cognatus regis Adefonsi et le range parmi les rois asturiens rien de tel dans l'Ordo; e) d'après le Catalogue, Alphonse III se serait emparé d'Ebrellos et ce serait même son principal titre de gloire : « Adefonsus, qui allisit Ebrellos »; l'Ordo ignore cet événement. Pareilles discordances sont édifiantes. Au surplus, si l'on avait pris garde à une note de Juan del Saz, Chronica de España Emilianense (Madrid, 1724, in-16), p. 70, « ad N. 110 », on aurait vu que la liste en question était une addition, transcrite en marge d'un des manuscrits de San Millan (d'où elle a passé dans le Vigilanus). A remarquer que le Codex de Meyá, fol. 189 v, contenait une liste des rois asturo-léonais très voisine de celle qui nous occupe; voir les transcriptions de Palomares (Madrid, Bibliothèque de l'Académie de l'Histoire, Est. 26, gr. 1a, D. no 9, fol. 37 v-38 r) et de Llobet y Mas (ibid., Est. 21, gr. 3a, no 28, fol. 200 v).

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1. Cf. Revue Hispanique, XLVI (1919). PP. 342-351.

2. D'après le Pseudo-Alphonse, Aurelio régna six ans et mourut dans la septième année du règne (ch. 17); Silo, neuf ans, « et decimo

mentionne des événements inconnus du Pseudo-Alphonse, soit qu'il précise certains détails, cite tels noms de personne ou de lieu, et consigne telles dates nouvelles. Il nous apprend ainsi que Witiza avait chassé Pélage de Tolède; que Silo fit de Pravia sa capitale; que, sous Bermude, un combat fut livré, en Bureba, aux Musulmans; qu'Alphonse II se vit déposer dans la onzième année du règne ; que, sous Ordoño, les Arabes attaquèrent par mer la Galice. De même, sans cet abrégé sommaire, mais cependant précieux, on ignorerait que Fruela tua son frère Vimarano ob invidiam regni ; que Silo vécut en paix avec les Arabes ob causam matris ; que le défenseur de la Galice contre les Normands, en 859-860, s'appelait le comte Pedro ; que Fruela finit ses jours à Cangas et Ramire à Liño; que Ramire mourut le 1er février 850 et Ordoño le 26 mai 866, etc.

B) A partir de l'avènement d'Alphonse III (ch. 61), l'auteur n'opère plus, semble-t-il, que sur des souvenirs personnels. Tout d'abord, il énumère un assez grand nombre de faits usurpation du comte Fruela, révolte des Vascons, attaque de Leon par El-Mondhir, défaite des Arabes dans le Bierzo, prise de Deza, Atienza et Coïmbre, repeuplement de la Galice et du Nord du Portugal, incursion des Chrétiens jusqu'aux environs de Mérida. Mais si l'information est plus abondante, l'allure du récit reste la même ; les faits continuent d'être rapportés, pour la plupart, en termes très brefs, comme s'ils remontaient à une époque déjà lointaine et, sauf la tentative du comte Fruela, survenue, nous dit-on, in primo... regni anno, aucun de ces faits n'est daté, même par approximation, leur enchaînement étant marqué par des

« vitam finivit » (ch. 18); Mauregato, six ans (ch. 19), et Alphonse II, cinquante-deux ans (ch. 22). Les chiffres donnés par le Chron. Albeldense sont pour Aurelio, sept ans (ch. 54); pour Silo, neuf (ch. 55) ; pour Mauregato, cinq (ch. 56); pour Alphonse II, cinquante et un (ch. 58).

formules vagues, telles que illius tempore praeterito jamque multo, ipsisque diebus, ou ejus tempore. Il en résulte que, après comme avant 866, nous avons devant nous une sorte d'aide-mémoire, où s'accumulent des notes rapides, heurtées, sans lien entre elles, et qui se succèdent dans un ordre dont la raison nous échappe.

C) Avec l'année 877 (ch. 62, in fine), une transformation complète se produit. L'auteur cesse d'écrire une chronique à la fois hâtive et touffue adoptant l'ordre chronologique, il se met à composer des annales, et à raconter posément, à la manière d'un témoin bien renseigné et soucieux d'exactitude, un petit nombre de faits1. Il se bornera donc à mentionner, sous l'année 877, la capture du général Hichâm ben Abd el-Azîz et le rachat ultérieur de ce prisonnier de marque ; sous l'année 878 (ch. 63), l'expédition d'El-Mondhir contre Astorga et Leon; sous l'année 881 (ch. 64), une chevauchée d'Alphonse III en Lusitanie. Mais il se garde d'oublier les

1. Ces annales sont annoncées par les mots : « Parvoque proce« dente tempore, era DCCCCXV » ; d'où il résulterait que tous les faits mentionnés auparavant sont antérieurs à l'année 877. Cependant, une difficulté se présente. D'abord, l'édition de Juan del Saz, ch. 122, p. 44, porte, au lieu de procedente, la variante precedenti; ensuite, tandis que le Chron. Albeldense cite au ch. 61 la conquête et le repeuplement de Coïmbre : « Conibriam, ab inimicis possessam, eremavit, « et Gallaecis postea populavit », nous lisons, à l'année 878, dans la courte annale portugaise appelée Chronicon Laurbanense: « Era « DCCCCXVI. prendita est Conimbria ad Ermegildo comite » (Port. Mon. Hist. Script., I, p. 20). Donc, la portion du Chron. Albeldense rédigée sous forme de chronique se poursuivrait, semble-t-il, au moins jusqu'en 878, la partie rédigée sous forme d'annales commençant en 877. Pour expliquer ce chevauchement, s'il existe, admettra-t-on que l'auteur nous ne pensons pas qu'il faille dire le continuateur a fait un brusque retour en arrière et repris le récit un peu avant la date extrême à laquelle il l'avait mené ? Cela est possible, mais n'est pas rigoureusement sûr d'une part la variante precedenti n'est pas nécessairement la bonne ; d'autre part, la date que donne le Chron. Laurbanense a pu être mal transcrite.

détails caractéristiques, il donne des précisions comme il n'en avait jusqu'alors jamais donné 1. La sécheresse à laquelle il nous avait habitués a disparu; elle a même si bien disparu que le récit de ces trois années 877, 878 et 881 tient à lui seul plus de place que celui de toutes les révoltes, invasions musulmanes ou conquêtes chrétiennes des années 866-876.

Il semble que le rédacteur ait posé la plume en 881 2. A cet endroit la tradition manuscrite s'accorde en effet à insérer une formule de conclusion (ch. 65)3, laquelle, dans une famille de manuscrits, est elle-même suivie d'une liste en vers des évêques de l'époque, et d'un éloge, également versifié, du prince régnant 4.

1. Ainsi, il indique les conditions auxquelles Hichâm parvint à se libérer; la composition de l'une des armées qui, en 878, attaquèrent les Chrétiens; l'itinéraire que le roi suivit en 881 pour atteindre la Sierra Morena.

2. Cf. Florez, op. cit., pp. 423 et 429-431.

4.

3. « Ab hoc principe omnia templa Domini restaurantur, et civi« tas in Oveto cum regiis aulis aedificatur; statque scientia clarus, « vultu et habitu staturaque placidus. Inflectatque Dominus ejus « semper animum, ut pie regat populum, ut post longum principatus «< imperium de regno terrae ad regnum transeat caeli. » Comparer les formules de conclusion, d'ailleurs beaucoup plus brèves, qui marquent le terme de l'Ordo Gentis Gothorum (ch. 46), des paragraphes consacrés aux Arabes (ch. 83) et de l'Explanatio Gentis Gothorum (ch. 86). Chron. Albeldense, éd. Florez, ch. xI. Ces deux morceaux liste des évêques et éloge d'Alphonse III étaient rejetés dans les pièces liminaires par les manuscrits de San Millan; cf. éd. Berganza, Antigüedades de España (Madrid, 1719-21, 2 vol. in-fol.), II, ch. 118, p. 550, et Juan del Saz, op. cit., ch. 10, p. 14. En revanche, les manuscrits du recueil inexactement dénommé Tumbo negro de Santiago les insèrent à la place ci-dessus indiquée, et qui est, sans nul doute, leur vraie place; cf. Florez, op. cit., p. 429 et Tailhan, Bibliothèques, P. 337, n. 3. Le P. Fita, loc. cit., p. 341, n'accepte, à cet égard, ni les indications que donnaient les manuscrits de San Millan, ni celles que donnent les divers exemplaires du Tumbo negro. Pour lui, la formule Ab hoc principe, la liste des évêques et l'éloge du roi doivent être franchement déplacés et reportés tout à la fin de l'Ordo Gothorum Ovetensium Regum. Cette opinion repose sur une hypothèse qu'infir

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REVUE HISPANIQUE.

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