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Asturiens sortis de la grotte culbutent les Arabes, c'est Dieu qui le veut ainsi ; quand les fuyards cherchent un refuge en Liébana, c'est le Seigneur qui provoque l'éboulement de la montagne qui va les écraser 2. Bref, c'est Dieu qui, d'un bout à l'autre, donne l'avantage aux Chrétiens, et la libération des Asturies n'est qu'un effet de la bienveillance divine 3.

Dans cette atmosphère de légende épique, se meuvent, outre Pélage, Alkama, le général de l'armée musulmane, l'évêque Oppas, conseiller d'Alkama, et Munuza le gouverneur de Gijon.

On s'est parfois demandé si le Pseudo-Alphonse n'avait pas commis des erreurs ou des confusions au sujet de tels de ces personnages: Alkama ne serait-il pas un sosie de l'émir Es-Samh, qui mourut devant Toulouse en 7214? Munuza

On a, bien entendu, expliqué le fait, ce qui, du reste, n'était pas difficile; cf. Caveda, Examen crítico, p. 84 et comparer Somoza, Gijón, II, pp. 441-442.

1. Pseudo-Alphonse, ch. 10: « Et quia Dominus non dinumerat « hastas, sed cui vult porrigit palmam », etc. (ci-dessus, p. 122, n. 1). 2. Pseudo-Alphonse, ch. 10: « Sed nec ipsi Domini evaserunt vin« dictam », et, un peu plus loin : « sic evidenter iudicio Domini actum «est» (ci-dessus, p. 123, n. 1). En terminant le récit de cet épisode, le Pseudo-Alphonse, dont la candeur est érudite, ajoute : « Non istud << miraculum inane aut fabulosum putetis, sed recordamini quia qui « in Rubro mari Egyptios Israelem persequentes demersit, ipse hos « Arabes, ecclesiam Domini persequentes, immensa montis mole « oppressit. » Voir, à propos de ce passage, Caveda, Examen crítico, p. 83, lequel note les efforts tentés par l'auteur pour qu'on ait foi en son récit.

3. Les Asturiens ne s'y trompent pas, du moins chez le PseudoAlphonse, ch. 11 : « et omnes in commune gratias referunt, dicentes : « Sit nomen Domini benedictum qui confortat in se credentes et ad << nihilum deducit improbas gentes. »

4. C'est ce que pensent Caveda, Examen crítico, pp. 60-61 et Somoza, Gijón, II, p. 453. A signaler, au sujet d'Alkama, une singulière erreur de Caveda, op. cit., pp. 61 et 76. Cet auteur reproduit d'après Casiri, Bibliotheca arabico-hispana Escurialensis, II (Matriti, 1770, in-fol.), P. 33, un passage d'Ibn el-Abbar, relatif à un certain

n'aurait-il pas pour prototype le Berbère Munuz, qui s'allia avec Eudes, duc d'Aquitaine, se révolta contre le gouverneur de l'Espagne Abd er-Rahmân Ghâfiki et périt de mort violente en Cerdagne vers l'année 731? Que le Pseudo-Alphonse ait commis des confusions ou erreurs à ce point grossières, cela n'importerait que si la preuve matérielle de son ignorance pouvait être administrée; mais il n'en est pas ainsi 2. En revanche, et sans accuser notre auteur de semblables méprises, ce qu'il faut observer, ce sont les préoccupations qu'il affiche un peu naïvement lorsqu'il parle d'Alkama, Munuza et Oppas : Alkama aurait envahi l'Espagne en com

« Alhassineus Ben Aldagiani ben Abdalla Alocaili », tout comme s'il concernait Alkama. Sur cette erreur de Caveda (et qu'avait déjà commise Noguera, Ensayo cronológico, p. 417), voir Saavedra, Pelayo, P. 14, n. I.

1. Cette identification est admise par Dozy, Hist. des Musulmans d'Espagne, III, p. 23, n. 2; F. Fernández y González, Mudéjares de Castilla (Madrid, 1866, gr. in-8o), p. 250, n. 1; Lafuente y Alcántara, Ajbar Machmuâ, pp. 228-229; Tailhan, Anonyme de Cordoue, p. 39, n. 1. Le P. Tailhan suppose même : 1o que le Munuz tué en Cerdagne n'est autre que le Munuza du Pseudo-Alphonse; 2o que ce personnage, « en récompense de ses services » lors de la conquête, « reçut pour lui << et ses Maures la ville de Gijon et son territoire » ; 3° qu'«< en compensation de la perte de ses possessions asturiennes », il fut nommé, après Covadonga, gouverneur de la Cerdagne. D'autres auteurs ont identifié Munuza, soit avec Othmân ben Aboû Nisa, gouverneur de l'Espagne de 728 à 729 (Caveda, Examen crítico, pp. 61-64), soit même avec Moûsa, un Moûsa transformé à vrai dire (Somoza, Gijón, II, pp. 493-496). Tout cela est fantasmagorie; sur le Munuz de Cerdagne, voir F. Codera, Estudios críticos de historia árabe española (Col. de estudios árabes, VII), pp. 140-169.

2. Cf. Saavedra, Pelayo, pp. 21-22, qui dit notamment, au sujet de Munuza : « como si no hubieran podido llevar el propio nombre dos « bereberes distintos ». Notons, en passant, qu'on a débattu une autre question, plus vaine encore: celle de savoir si, a priori, le rôle prêté par le Pseudo-Alphonse à l'évêque Oppas est vraisemblable (Caveda, Examen crítico, pp. 65-66 et Saavedra, Pelayo, pp. 11-12 et 21), ou s'il est, au contraire, « d'une parfaite invraisemblance » (Tailhan, Anonyme de Cordoue, p. 191).

REVUE HISPANIQUE.

pagnie de Târik1; Munuza est un des quatre généraux qui commandaient les armées d'invasion 2; Oppas enfin - l'archevêque vrai ou supposé de Séville 3- devient pour la circonstance fils de Witiza, bien qu'il fût en réalité son frère ; or on sait que, d'après la tradition, les fils de Witiza ont lâchement trahi leur patrie et l'ont livrée aux Arabes 5. Ainsi, tous ceux qui auraient tenté d'empêcher la reconstitution de la monarchie wisigothique auraient, quelques années auparavant, contribué pour une large part à la chute de l'empire goth. Sans être impossible en soi, le fait n'en est pas moins suspect; car la présence simultanée, en territoire asturien, de trois des principaux artisans de la conquête implique que, dès le début et par une sorte de prescience, les Musulmans auraient considéré comme redoutable le petit noyau de patriciens réfugiés dans les Asturies.

1. Pseudo-Alphonse, ch. 8 : « ...Alkamanem ducem, qui et ipse cum << Tarech in Yspania inruptionem fecerat. »

2. Pseudo-Alphonse, ch. II : « qui Munnuza unus ex quatuor « ducibus fuit qui prius Yspanias oppresserunt. »>

3. Sur ce personnage, que le Pseudo-Alphonse, réd. B, ch. 8, qualifie d'évêque de Tolède, voir Florez, Esp. Sagr., V, pp. 321-322 et IX, pp. 229-231; cf. Tailhan, Anonyme de Cordoue, p. 24, n. 2; Saavedra, Estudio, pp. 31 et 105; A. Cotarelo y Valledor, Don Oppas, dans La Batalla y el Santuario de Covadonga, pp. 40 et suiv.

4. Pseudo-Alphonse, ch. 8: « et Oppanem... filium Vuittizani « regis. » L'Akhbâr madjmoúa, éd. Lafuente y Alcántara, trad. p. 22 et le Fatho-l-Andaluçi, éd. J. de González, trad. p. 7, tombent dans la même erreur que le Pseudo-Alphonse; cf. Saavedra, Estudio, p. 32, note.

5. Pseudo-Alphonse, ch. 7 : « Filii vero Vuittizani invidia ducti eo « quod Rudericus regnum patris eorum acceperat, callide cogitantes, « missos nuncios ad Africam mittunt, Sarracenos in auxilium petunt, « eosque navibus advectos Yspaniam intromittunt. » Un peu plus loin, au même chapitre, on lit: vel filiorum Vuittizani fraude de« tecti», et au ch. 8, à propos d'Oppas : « ob cuius fraudem Gothi « perierunt. » Sur l'attitude des fils de Witiza et de leur parti, voir F. Codera, Estudios críticos de historia árabe española, 2a serie (Madrid, 1917, in-16. Col. de estudios árabes, VIII), pp. 48 et 49, n. I.

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Cela étant dit, que penser du théâtre de l'action? Il est clair que le chroniqueur connaissait l'onomastique et la topographie de la région où il a placé les événements 1. Le mont Auseba, la « Cueva de Santa Maria », la Muralla de Amuesa, le Deva, Cosgaya, Olalles, aucun de ces vocables n'a été inventé pour les besoins de la cause, et tous subsistent aujourd'hui, sauf Olalles 3. D'un autre côté, le chemin que les Arabes échappés au désastre auraient suivi dans le but de gagner la Liébana, a été repéré par un érudit contemporain, et l'on a constaté que le Pseudo-Alphonse n'a pas tracé un itinéraire de fantaisie. Toutefois, cette exactitude indéniable est-elle une preuve de véracité ? Évidemment non 5. Et d'ailleurs, en dépit des observations topographiques de détail que l'on accumule, ou des trouvailles archéologiques dont on prétend faire état 6, plusieurs circonstances demeurent inexplicables.

1. Somoza, Gijón, II, PP. 449-450, s'efforce vainement de démontrer le contraire.

2. Voir l'index de l'édition García Villada.

3. Caveda, Examen crítico, pp. 34 et 85, croyait avec Morales, Coronica, éd. Cano, VII (1791), p. 21, qu'il s'agissait du Val de Olalles, à trois lieues d'Oviedo ; par contre, M. Saavedra, Pelayo, p. 15, texte et note 2, identifie Olalles avec Proaza, part. jud. d'Oviedo, identification que M. Somoza, Gijón, II, pp. 781-782 (cf. p. 494), se refuse à admettre.

4. Voir Ed. Jusué, dans Bol. de la R. Acad. de la Hist., XLV (1904), p. 415. M. Jusué estime même que le Pseudo-Alphonse s'est servi d'expressions qui s'appliquent très exactement à la configuration du terrain. De la « Muralla de Amuesa » (1.425 mètres d'altitude) à Cosgaya, on compte, en ligne droite, environ quinze kilomètres. « Siguiendo « desde el puerto de Amueza hacia el puerto de Aliva, las alturas « exceden siempre de 1.400m, y el cauce del Deva, cerca de Cosgaya, las Bárcenas, etcétera, es de unos 600m á 700m. Este desnivel tan grande, en distancias tan cortas, está bien expresado en la frase precipites descenderunt », etc. »>

5. Somoza, Gijón, II, p. 441 et p. 442, n. 264 : « De ser ciertos los «lugares, no se infiere que lo sean los hechos. Tanto valdría decir « que la pericia geográfica de Cervantes, probaba la certeza de las aventuras de Don Quijote, y la realidad de este héroe. »

6. Voir par exemple Caveda, Examen crítico, p. 22, qui parle de dé •

D'abord, comment, loin de toute grande voie de communication, un général aurait-il pu conduire une armée nombreuse jusque devant Cangas de Onis? Une fois là, comment auraitil été assez audacieux pour s'enfoncer dans le chemin qui mène à Covadonga ? Qu'on relise la description que Morales nous a laissée de Covadonga, après l'excursion qu'il y fit en 15721, et l'on partagera ensuite la surprise que causait au chroniqueur de Philippe II le choix d'un tel champ de bataille 2. La vallée de Covadonga forme un étroit couloir qui finit en impasse ; elle est entourée de trois côtés par de hautes montagnes; ce n'est donc, en aucune manière, un endroit propice pour un grand combat, et c'est tout au plus si une escarmouche aurait pu s'y engager entre un groupe de montagnards chrétiens et quelque patrouille musulmane. En second lieu, comment des fuyards auraient-ils réussi à franchir le massif abrupt et coupé de précipices qui s'étend de Covadonga jusqu'en Liébana ? Comment seraient-ils parvenus sains et saufs jusqu'au bourg de Cosgaya? L'expérience montre qu'il faut être rompu à la pratique de l'alpinisme, et de plus se pourvoir de bons

couvertes d'armes, d'ossements et de monnaies, et Ed. Jusué, qui écrit, dans le Bol. de la R. Acad. de la Hist., XLV (1904), p. 415 : « Muy « recientemente se han encontrado dos flechas y una lanza por aquellos « sitios; una flecha en el mismo Monte Subiedes, en el sitio llamado << Pica Campos, y otra en los Picos de Europa, en el alto de los Car«< neros: la lanza fué hallada en el puerto de Aliva. » Est-il besoin de dire que cela ne prouve rien?

1. Morales, Viage, éd. Cano (1792), pp. 79-81 et Coronica, éd. Cano, VII, pp. 7-10. Cette description est certainement une des meilleures, sinon même la meilleure, que l'on possède.

2. Morales, Viage, éd. Cano, p. 80: « Ya quando se llega aquí, no << se puede dexar de pensar en la misericordia de Dios, que así cegó « á los Moros para que no mirasen á dónde se metian: porque si al« guna, aunque poca consideracion de esto, hubiera, bastaba para « detenerlos, y buscar otra manera de tomar al Rey Don Pelayo y « á sus Christianos. » Comparer Caveda, Examen crítico, p. 84 et Tailhan, Anonyme de Cordoue, p. 190, lequel parle de la « merveilleuse « imprévoyance » des Arabes.

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