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d'Oviedo à la dignité métropolitaine. Notons aussi que le roi, dotant in fine l'église d'Oviedo, lui donne exclusivement des biens sis en Galice, ou mieux qu'il confirme à ladite église les possessions galiciennes que lui avaient concédées les Vandales il y a là une intention très clairement exprimée.

E) Que dire des documents annexés à ces deux conciles? Les bulles du pape Jean ont pu faire illusion, parce que certaines formules en sont correctes, et que le style rappelle celui de la chancellerie pontificale du Ixe siècle. Mais, outre que l'une d'elles est manifestement interpolée 3, et que toutes deux ont été successivement rapprochées du concile de 821 et celui de l'an 900, ces deux bulles tendent à prouver un

I. Il n'est plus dit qu'Oviedo succède à Lugo en tant que métropole, les églises suffragantes d'Oviedo ne sont plus énumérées, etc. 2. Sampiro, ch. 13: « et sicut praedictam sedem haereditaverunt << nostri praecessores, et Vandali reges stabilierunt, ita nos eam stare « praecipimus et confirmamus. »

3. Voici le passage incriminé de la bulle Litteras devotionis (Sampiro, ch. 8): « Nam nos... sedulas preces Domino fundimus, ut regnum << vestrum gubernet, vos salvos faciat, custodiat et protegat, et super <«< omnes inimicos vestros erigat. Ecclesiam autem beati Jacobi Apostoli « ab hispanis episcopis consecrari facite, et cum eis concilium celebrate. « Et nos quidem, gloriose rex, sicuti vos, a paganis jam constrin«< gimus », etc. Il est manifeste que la phrase Ecclesiam - celebrate a été glissée entre deux propositions qui, logiquement, se font suite. Trelles, Asturias ilustrada, I (Madrid, 1736, in-fol.), pp. 291-292, a traduit la bulle d'après le Libro gótico; or, dans sa traduction la susdite phrase ne se retrouve pas. Une vérification ne serait pas inutile.

4. Datées de juillet 821 (Quia igitur) et du 20 septembre 822 (Litteras devotionis), ces deux bulles se trouvent aux fol. 5 v et 6 du Libro gótico (cf. Vigil, Asturias, p. 57, A 8a et A 9a), et se trouvaient aussi dans l'Ovetensis (cf. Revue des Bibliothèques, XXIV, 1914, p. 213). Datées de 871, elles constituent les ch. 7 et 8 de Sampiro. Il serait intéressant de savoir à quelle époque remonte l' « original » de la bulle Litteras devotionis, signalé par Vigil, loc. cit. Rappelons que l'église d'Oviedo aurait possédé une troisième bulle de Jean VIII (Vigil, op. cit., pp. 57-58, A 13), renfermant une délimitation du diocèse de ladite église les paroisses galiciennes n'y sont pas oubliées);

fait extrêmement douteux en lui-même savoir que, dès le IXe siècle, l'église asturienne se serait adressée au SaintSiège pour le règlement de questions d'ordre intérieur; or, on sait pertinemment que les relations de l'Espagne du NordOuest avec Rome n'ont commencé que beaucoup plus tard, sous l'influence des moines de Cluny 1. Quant à l'acte d'assignation de rentes, que l'on attribue à Alphonse III, il n'a de valeur que par rapport aux conciles, notamment au second, à l'appui duquel il vient 2; et il n'a d'intérêt qu'à un seul point de vue c'est qu'il donne à l'évêque de Braga le titre d'archevêque 3. Lorsqu'il a été rédigé, les faussaires d'Oviedo, corrigeant leurs doctrines antérieures, ne prétendaient donc plus que leur église avait été l'unique métropole du royaume asturien.

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Ces remarques étant faites, quelques observations complémentaires seront présentées.

1o Malgré leurs extravagances, les conciles d'Oviedo n'auraient-ils pas conservé le souvenir d'un fait exact? En d'autres termes, un concile s'est-il réellement tenu dans le cours

mais, d'après Risco lui-même, Esp. Sagr., XXXIII, pp. 179-181, cet acte est un faux. C'est, à vrai dire, un faux très grossier, comme on peut s'en convaincre en lisant la traduction qu'en a donnée Trelles, Asturias ilustrada, I, pp. 293-296.

1. Masdeu, Hist. crítica de España, XIII (1794), PP. 47-49, avait rejeté les bulles de Jean VIII, en concluant, p. 49, qu'elles sont « segu«ramente de invencion francesa »>.

2. Cette notice est annoncée, au ch. 12 de Sampiro, par les mots : « Dationem istam in fine libri hujus invenies eam », que Risco, Esp. Sagr., XXXVII, p. 249, a considérés comme interpolés ; ils correspondent cependant à la réalité, puisque ladite notice se trouve à la fin du Liber Chronicorum, où a pris également place la recension pélagienne de Sampiro.

3. On pourrait croire à un lapsus; il n'en est rien, puisque l'acte se termine ainsi : « Et fiunt in sub uno duo archiepiscopi et sedecim « episcopi. >> On rappellera, sans insister, que parmi les évêques, ont été omis ceux de Lamego et de Lugo.

du ixe ou au début du xe siècle ? Cette question restera sans réponse à part les documents déjà signalés, on ne pourrait invoquer ici qu'une charte privée du XIe siècle, où on -lit: «< ut in diebus regis Domini Adephonsi et Xemenae reginae, << in era DCCCLXXXVI, cum Hermenegildus ipse praeponeret <«< cum consensu papae romensi Joannis in Ovetense sede << archiepiscopus, et omnes episcopi Ispaniae convenerunt ad «< concilium Oveto». Or, cette charte, que l'on a tenté de défendre 2, est plus que suspecte en raison de sa provenance, des dates qu'elle renferme et des rapports qui l'unissent à l'acte d'assignation de rentes 3.

2o L'église d'Oviedo a-t-elle jamais eu rang de métropole? - Sous Alphonse II comme sous Alphonse III, l’autorité métropolitaine appartenait, historiquement parlant, à la seule église de Braga, l'ancienne capitale spirituelle de la Galice. Mais ces droits, quel qu'en fût, au Ixe siècle, le détenteur 4, ne s'étendaient pas à l'ensemble du royaume; celui-ci englobait en effet, au moment de sa plus grande ex

était

1. Texte dans Esp. Sagr., XXXVIII, app. xv1, pp. 305-306. 2. Voir la préface du t. XXXVIII de l'Esp. Sagr. 3. Le document en question, « una escritura Gótica >> conservé aux archives du monastère de San Vicente d'Oviedo, lesquelles possédaient, d'autre part, la charte du 25 novembre 781 où est racontée la fondation de la ville d'Oviedo (cf. ci-dessus, p. 84). Les dates sont inadmissibles: le second concile, tenu sous Alphonse III, est placé ici en 848, ce qui est absurde, et le document lui-même est daté de 1015, alors qu'il mentionne Ferdinand Ier (1037-1065). Enfin, le monastère concédé à San Vicente n'est autre que San Julian de Box, soit celui que l'acte d'assignation de rentes avait attribué à l'évêque de Leon; bien mieux, notre charte fait allusion à l'acte susdit « data fuit ipsa ecclesia in praestamine episcopo Legionensi, << quousque episcopatum super omnes sedes episcopales duravit in « Oveto. »>

4. S'il faut en croire les faussaires galiciens des XI-XIIe siècles, Alphonse II aurait érigé Lugo en métropole au lieu et place de Braga ; 'd'où toute une série de diplômes apocryphes. Voir Étude sur les actes des rois asturiens, pp. 72 et suiv.

tension, outre la Galice tout entière, un morceau de la Tarraconaise, quelques sièges relevant de la Lusitanie et un évêché de la Carthaginoise . Privés de relations avec Tarragone, Mérida et Tolède, les rois asturiens eurent-ils l'idée de créer, en dehors de la province occidentale de Braga, une province orientale, avec Oviedo comme métropole? Eurent-ils le goût moderne de la centralisation au point de concentrer entre les mains de l'évêque d'Oviedo tous les pouvoirs métropolitains? Le Chronicon Albeldense, dénombrant en 881 les églises du royaume, cite en premier lieu celle d'Oviedo, la regia sedes2; mais ce rang de préséance implique-t-il l'exercice de l'autorité métropolitaine ? Il serait téméraire de le soutenir. D'autre part, un évêque de l'extrême fin du xe siècle souscrit trois diplômes de 994, 999 et 1000, relatifs à l'église de Leon, en s'intitulant évêque de l'église universelle d'Oviedo 3. Mais que signifie au juste la formule employée? On a voulu la définir; nous préférons confesser notre ignorance.

3o Que les conciles d'Oviedo reposent ou non sur des traditions partiellement authentiques, il n'en est pas moins vrai que, dans la pensée de leurs rédacteurs, ils répondaient à des besoins immédiats. En lutte avec Lugo, qui lui disputait la juridiction de paroisses galiciennes, celles que mentionne le second concile, et qui, d'un autre côté, refusait de se

1. Cf. F. Gómez del Campillo, Apuntes para el estudio de las instituciones jurídicas de la iglesia de España desde el siglo VIII al XI, dans Revista de Archivos, 3a época, XIV (1906), p. 454.

2. Chron. Albeldense, ch. XI: « Regiamque sedem Hermenegildus << tenet; Flaianus Bracarae, Luco episcopus arce Reccaredus », etc. 3. Esp. Sagr., XXXVI, app., p. II, III et vi.

4. Voir Risco, Esp. Sagr., XXXVII, p. 240; cf. Fita, dans Bol. de la R. Acad. de la Hist., XXXVIII (1901), pp. 122-123. A supposer que cette formule fût justifiée par les événements de la fin du xe siècle (Leon venait d'être détruite par El-Mançoûr), s'ensuivrait-il qu'elle eût une valeur rétrospective, c'est-à-dire que les évêques d'Oviedo eussent jamais été métropolitains ?

soumettre au métropolitain de Braga ', Oviedo songea à se procurer les titres décisifs qui lui manquaient. Les faussaires de la fin du XIe siècle et du commencement du XIIe ont donc tiré du néant l'évêché de Lugo des Asturies, inventé sa fondation par les Vandales, imaginé un concile tenu par le roi Gunthamond, compris au nombre des possessions de Lugo des Asturies les paroisses galiciennes contestées, accordé de leur propre chef à Lugo des Asturies le privilège de l'exemption et, finalement, opéré le transfert à Oviedo de cet évêché asturien de Lugo 2. Les prétendus conciles d'Oviedo avaient leur place marquée dans ce jeu de documents apocryphes, insérés au Liber Itacii et au Libro gótico, mais auxquels s'opposait la documentation également apocryphe de Lugo 3. Nous avons vu ailleurs comment lesdits conciles se relient aux autres textes fabriqués par les deux églises rivales ; nous avons vu aussi comment Oviedo sut utiliser les armes dont elle disposait, et, grâce à elles, obtenir du Saint-Siège en 1099, 1105 et 1122, la confirmation de telles de ses prétentions concernant soit les paroisses de Galice, soit ses propres origines 4. On s'en tiendra, pour l'instant, aux indications déjà fournies 5.

1. Cf. Étude sur les actes des rois asturiens, pp. 51 et 73.

2. Cf. Revue Hispanique, XLVI (1919), PP. 375-376 (cf. pp. 376-377). 3. Cette documentation comprenait les diplômes apocryphes déjà signalés (p. 100, n. 4), mais elle comprenait aussi le concile de Lugo de 569 (Esp. Sagr., XL, pp. 341-343), lequel faisait pendant à ceux d'Oviedo, non moins qu'à celui qu'aurait tenu Gunthamond.

4. Voir Études sur les actes des rois asturiens, p. 49 et suiv. 5. Qu'il nous soit permis cependant d'attirer l'attention du lecteur sur deux points: 1° Nous avons estimé, Revue Hispanique, XLVI (1919), p. 377, que la bulle du 4 avril 1099 (Jaffé-Wattenbach, no 5785) intéressait les paroisses galiciennes ; nous le croyons encore, avec Risco, Esp. Sagr., XXXVIII, p. 96. Mais nous aurions dû noter qu'elle intéresse peut-être plus directement encore les églises de Trasmiera qui, le 4 mai 1097, avaient été rattachées par Urbain II à Burgos. Cf. F. Fita, dans Bol. de la R. Acad. de la Hist., XXIV (1894), pp. 547 et suiv., la bulle d'Urbain II pour Oviedo étant publiée ibid., aux pp. 549-551. 2o Nous avons relevé, Études, p. 78, la

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