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en retour de l'argent, et invoquant le secours du temps, son allié, comme il avait coutume de l'appeler1.

Un autre motif portait encore Mazarin à ne pas favoriser alors l'élévation du duc de Vendôme : il avait un rival très-dangereux auprès de la reine dans son second fils, le duc de Beaufort, jeune, brave, ayant tous les dehors de la loyauté et de la chevalerie, et affectant pour Anne d'Autriche un dévouement passionné qui n'était pas fait pour déplaire. Quelques jours avant la mort du roi, la future régente avait remis ses enfants à sa garde. Cette marque de confiance lui avait enflé le cœur; il conçut des espérances qu'il laissa trop paraître et qui finirent par offenser la reine, d'autant mieux qu'après avoir fait une cour très-vive et inutile à mademoiselle de Bourbon, devenue la duchesse de Longueville2, il se mit à porter publiquement les chaînes de la belle et décriée duchesse de Montbazon. D'ailleurs, Beaufort n'avait pas même l'ombre d'un homme d'État : peu d'esprit, nul secret, incapable d'application et d'affaires, mais très-capable de quelque action hardie et violente. La Rochefoucauld nous en a laissé ce portrait peu flatté3 : « Le << duc de Beaufort étoit celui qui avoit conçu de plus grandes espérances: «< il avoit été depuis longtemps particulièrement attaché à la reine. Elle << venoit de lui donner une marque publique de son estime en lui con«fiant M. le Dauphin et M. le duc d'Anjou, un jour que le roi avoit << reçu l'extrême-onction. Le duc de Beaufort, de son côté, se servoit <<< utilement de cette distinction et de ses autres avantages pour rétablir

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I carnet, p. 143 «4 giugno 1643. Per M. di Vandomo ingiuste proposi⚫tioni di haver l'ammiragliato in Avre e Bruage, ove l'isola di Ré, la Roccella e « Tolone; o di aver Metz, Tul o Verdun col governatorio generale. Parlar col Principe e me di questo aggiustamento. Prometter per ricompenza a Vandomo la Guienna o Champagna. In ogni caso è meglio la Bretagna che l'ammiragliato. S. M. dimandi tempo per accomodar ogni cosa insieme. »— Ibid. p. 145 : « Si può prometter inoltre a Vandomo che nelli stati si farà che si remborsi di cento mille « scudi. » — Voyez les mémoires de La Châtre, coll. Petitot, t. LI, p. 230. Dans l'affaire des lettres attribuées à madame de Longueville, La Châtre accuse Beaufort d'avoir cédé au dépit d'une passion mal accueillie: Si, dès le commencement, M. de Beaufort m'en eût parlé, je lui eusse conseillé, sans en éplucher davantage la fausseté ou la vérité, de faire rendre les lettres à madame de Longueville, et je crois que ce service rendu à une personne qu'on a autrefois passionnément aimée et contre qui le dépit nous dure encore, est un reproche bien sensible qu'on lui fait, etc. III carnet, p. 18 et 19, Mazarin dit qu'on accusait Beaufort de s'être mêlé de cette intrigue honteuse par ressentiment contre madame de Longueville, qui s'était mariée avec un autre que lui. « Beaufort, dit-il en espagnol, queria mucho alla Longavilla que se a casado con otra persona que con el.»- Collect. Pelitot, 1. LI, p. 372.

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<«<sa faveur par l'opinion qu'il affectoit de donner 1 qu'elle étoit déjà tout «< établie. Il a eu part à tant de choses, et la fortune l'a montré par des «< côtés si différents, que je ne puis m'empêcher de dire ici ce que j'ai « connu de ses qualités, ayant été témoin des plus considérables actions « de sa vie, souvent comme son ami, et souvent aussi commme ennemi. «Le duc de Beaufort étoit bien fait de sa personne, grand, adroit aux <«<exercices et infatigable; il avoit de l'audace et de l'élévation; mais il « étoit artificieux en tout et peu véritable; son esprit étoit pesant et mal «poli; il alloit néanmoins assez habilement à ses fins par des manières grossières; il avoit beaucoup d'envie et de malignité; sa valeur étoit « grande, mais inégale..... Il se lia particulièrement avec l'évêque de << Beauvais, etc. >> Retz n'accuse point Beaufort d'artifice, comme La Rochefoucauld, mais il le représente comme un présomptueux de la dernière incapacité 2: «M. de Beaufort n'en étoit pas jusqu'à l'idée des « grandes affaires, il n'en avoit que l'intention. Il en avoit oui parler << aux Importants, et il avoit un peu retenu de leur jargon, et cela, « mêlé avec les expressions qu'il avoit tirées très-fidèlement de madame « de Vendôme 3, formoit une langue qui auroit déparé le bon sens de <«< Caton. Le sien étoit court et lourd, et d'autant plus qu'il étoit obs<«< curci par la présomption. Il se croyoit habile, et c'est ce qui le faisoit «< paroître artificieux, parce que l'on connoissoit d'abord qu'il n'avoit pas «< assez d'esprit pour cette fin; Il étoit brave de sa personne, et plus qu'il « n'appartenoit à un fanfaron. » Mais, au début de la régence, les défauts du duc de Beaufort paraissaient moins que ses qualités. La reine ne perdit que peu à peu son goût pour lui. Mazarin nous apprend qu'elle lui proposa la place de grand écuyer, qui l'aurait rapproché de sa personne. Beaufort eut la folie de la refuser, espérant davantage; puis, se ravisant trop tard, il l'avait presque redemandée, mais alors inutilement. Plus sa faveur diminuait, plus croissait son irritation. Il disposait d'une maison puissante, conduite par un chef habile, et qui se fortifia

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IV carnet, p. 13: Che Bofort ha fatto gran discorsi per far credere che era bene con S. M., e che non attendeva che l'occasione di trovarla sola, etc. » Ibid. p. 49: «Quello diceva Prudomo (Prudhomme était un maître de bains trèscélèbre du temps) quando accommodava e frisava Bofort, e quello si presuppo«neva da tutti i suoi seguaci all' assemblee che si tenevano; S. A. R. n' è ben informata e me l' ha detto, che consiste in che non si metteva in dubbio che godrebbe intieramente, etc., e voleva che si credesse, affettando di essere appresso S. M. nelle chiese e in tutti li luoghi pubblici. » — Mémoires de Retz, édit. de 1731, t. I, p. 216. La duchesse de Vendôme, fille du duc de Mercœur, était une personne d'une grande vertu : elle passait pour une sainte, et on la nommait la mère des pauvres.

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encore du mariage de la belle mademoiselle de Vendôme avec le duc de Savoie-Nemours, prince léger, mais d'une bravoure plus brillante encore que celle de son beau-frère. Peu à peu l'évêque de Beauvais se joignit à Beaufort; Châteauneuf et madame de Chevreuse lui donnèrent tous les Importants; il devint le chef apparent du parti et le compétiteur déclaré de Mazarin. Ce fut entre eux une guerre ouverte. Elle commença par des intrigues, et peut-être aurait-elle fini d'une manière tragique sans la vigilance et l'énergie du cardinal, et sans la fidélité courageuse de la reine. Mazarin, dans ses notes confidentielles, nous fait connaître ses inutiles efforts pour gagner les Vendôme1, leurs feintes démonstrations d'amitié, leurs manoeuvres cachées pour lui ôter l'appui de M. le Prince et celui du duc d'Orléans, les commencements et les progrès de la ligue qu'ils formèrent avec l'évêque de Beauvais, l'intervention de madame de Chevreuse, ses trames de tout genre, et, vers la fin de juillet, les choses à ce point poussées qu'il fut bien forcé de prendre un parti, et, pour se défendre, d'attaquer lui-même et de frapper ses ennemis 2.

1 Madame de Motteville nous avait déjà dit cela sur la foi du maréchal d'Estrées, t. I, p. 144: « J'ai ouï dire au maréchal d'Estrées, oncle du duc de Vendôme et a frère de la duchesse de Beaufort, que le cardinal Mazarin, dans les premiers jours de la régence, ne sachant de quel côté se tourner, voulut d'abord s'approcher de « cette cabale comme celle qu'il voyait la mieux établie dans l'esprit de la reine; qu'il le pria d'en être le négociateur; et que, comme il s'intéressait au bonheur de «< ces princes, comme leur proche parent, il fit tout son possible pour les attirer au parti du cardinal Mazarin, qu'il avait connu à Rome, où il avait été ambassadeur. Mais les princes repoussèrent son amitié par la haine qu'ils avaient pour tout ce qui avait quelque rapport au cardinal de Richelieu. Ier carnet, p. 110:

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23 mai. M' di Vandomo vuol visitarmi e esser amico mio. » P. 107: «Vandomo il padre imbroglia tutta la corte, et egli con tutta la casa non travaglia che all' unione con il Principe. » P. 146: «Vandomo mi rende pessimi oflitii appresso Monsieur. » — II' carnet, p. 21 lo sono assolutamente tradito con «li Vandomi, mentre faccio il possibile per servirli.» P. 48 : « In fine li Vandomi « et adherenti e Bofort in particolare animano tutti gli imbrogli della corte.» P. 61, en espagnol: «S. M. m'havrebbe echo major favor a no accomodarme con « M. de Vandomo, porque me tormienta todos los dies. Es infallibile que todas las caballas de Parigi son fomentadas del dicho. » P. 72 et 73, encore en espagnol : Discurso di Bofort per dar satisfation a sù padre antes que la vuelta de Anghien rompiesse l'execution de las buenas voluntades de la reyna; que la reyna le avia promettido el puesto de cavalerizzo major, y que lo quiso dar en S. German, y lo recuso, y sobre esto me ha pregontado se S. M. estava empegnada con Bellegarde; que era menester dar satisfation a los Franzeses, que en esto todos parlarian mal de su reyna, y que seria perdida; que todas las cargas y plazas se devrian quitar a los parientes del cardinal, etc. P. 91: M. di Bofort pretende che il ma"resciallo della Megliare non ritorni in Bretagna. P. 95: « Bofort parla contro il

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La maison de Lorraine aurait été plus dangereuse encore que celle de Vendôme, si elle avait eu à sa tête un François ou un Henri de Guise. Mais, épuisée et touchant à son terme, elle n'avait pour chef que ce léger duc de Guise, célèbre par sa bravoure et ses aventures, mais sans aucune capacité ni politique ni militaire. On connaît le triste roman de sa vie. D'abord archevêque de Reims, il avait signé une promesse authentique de mariage à la princesse Anne de Gonzague, et, lorsqu'il s'était enfui à Bruxelles, en 1641, il l'y avait appelée; mais, ayant rencontré en Flandre la belle comtesse de Bossu, il l'avait épousée, puis quittée pour revenir à Paris, et là s'était épris de madame de Montbazon, qui le jeta dans le parti des Importants1. Pour elle, il se battit avec Coligny; mais il l'oublia bien vite pour mademoiselle de Pons, une des filles d'honneur de la reine, et s'en alla à Rome solliciter l'annulation de son mariage avec madame de Bossu et la permission d'épouser celle qu'alors il adorait et à laquelle plus tard, après son entreprise de Naples, si brillamment commencée et si mal terminée, il intenta le plus honteux procès. En 1643, son inimitié contre Mazarin était aussi légère que toutes ses autres passions et ne fit pas grand mal au cardinal. Il paraîtrait qu'on tenta de l'engager dans un complot contre la vie du premier ministre; mais il était trop loyal pour écouter une pareille proposition 2. Bientôt d'ailleurs ses propres affaires l'occupèrent plus que celles de l'État, car l'habile Mazarin autorisa très-volontiers madame de Bossu à venir à Paris réclamer son mari3, débat scandaleux qui acheva de décrier le duc de Guise. Il s'abandonna luimême, et, aussi mobile en politique qu'en amour, voyant les affaires des Importants tourner mal et Mazarin s'affermir, il se rapprocha de lui et demanda à servir en qualité de lieutenant général de Monsieur dans maresciallo della Megliare con gran disprezzo et è saputo da lui. » P. 101: ● M. di Bofort è stato da me : parla del governo di Bretagna e mostra gran passione per M di Montbazon e contro la Megliare. » P. 110: M. di Vandomo stringe per l'ammiragliato, dicendo che io ho ordine e non si fa niente.» III carnet, p. 32: M' di. Vandomo trattiene longamente S. A. doppo qualche giorni.» P. 24, en espagnol : «Que los mayores enemigos que yo tenia eran los Vandomos y la Dama (madame de Chevreuse), que li animavan todos, que se no si teneria luego la resolution de deshacerse de me, los negotios (no) yrian bien, los grandes serian atan suzetos como antes, y yo sempre mas puderia con la reyna, y que era menester adar se prima antes que Anghien concluviesse.» — 1 III carnet, p. 39: « M. di Guisa, amoroso di madama di Monbazon. » III' carnet, p. 24, en espagnol : «Que algunas personas no di gran condition avian offresido al duca di Guisa y ctros sus parientes de mattarme, que no avian querido eschuchar esta proposition. Ibid. p. 34: Permettere alla duchessa di Guisa di venir a trovar suo marito. »

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l'armée de Flandre en 1644. Le duc était très-brave, mais il n'était ni assez expérimenté dans la guerre ni assez sûr pour qu'on lui confiât d'abord un pareil commandement. Il réclama du moins le gouvernement de la ville et de la place forte de Guise, qui autrefois avait été dans sa maison. Tout le Conseil fut d'avis de lui donner cette marque d'estime pour l'attacher au parti de la reine. Mazarin résista le plus longtemps qu'il put. Son admirable pénétration lui découvre le caractère de Guise tel que le montra l'avenir: «Il est léger, dit-il, capable de se jeter à tort « et à travers dans toute mauvaise affaire; outre qu'il est mécontent de « n'avoir pas eu la lieutenance générale de l'armée sous le duc d'Orléans. « Je n'ai pu faire comprendre au Conseil qu'il ne fallait pas lui rendre « Guise. Tout ce que j'ai pu faire ç'a été de différer pendant un an entier «l'effet de la résolution du Conseil sous mille et mille prétextes; ne pou<< vant pas davantage, quand j'ai dû en venir à l'exécution, j'ai toujours « protesté comme auparavant, trouvant toujours les mêmes raisons de «< me défier de lui : il n'est pas en état de changer de caractère 1. »

En même temps, Mazarin travailla à gagner les autres membres de la maison de Lorraine. M. de Chevreuse, comme on le pense bien, n'était guère content de sa femme et ne prenait aucune part à ses intrigues, satisfait de la haute charge de grand chambellan. Le duc d'Elbeuf, qui n'était pas riche, cherchait à faire ses affaires par tous les moyens et par tout le monde. Il entra d'abord tout naturellement dans le parti du duc de Vendôme, dont il avait épousé la sœur; mais, dès qu'il vit que le cardinal commençait à s'établir, il se donna bassement à lui. Mazarin ne dissimule guère le mépris que ce personnage lui inspire; mais il n'hésite point à l'acquérir en y mettant le prix. A force de complaisances, M. d'Elbeuf obtint le gouvernement de Picardie, et il s'efforça de le conserver en redoublant de servilité, tout prêt d'ailleurs à changer avec la fortune, ainsi qu'il le fit bien voir en 1648, dans la première Fronde. La peinture qu'en fait ici Mazarin achève celle que Retz en a tracée: «M. d'Elbeuf, dit Retz, n'avait du cœur que parce qu'il est im« possible qu'un prince de la maison de Lorraine n'en ait point. Il avait

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'Mazarin nous dit que sa propre mère, la vieille duchesse de Guise, se dégoûta de son fils. Ibid. p. 39: Madama di Guisa disgustatissima di suo figlio. Ne ha parlato a M. di Chavigni. - VI carnet, p. 63: 1l duca è leggiero e capace d'impegnarsi in ogni cattivo affare, oltre diche non è contento per esser li stato a vacato il comandamento delle armi sotto S. A. R. Io non ho potuto impedire questa deliberatione di renderli Guisa, e l' ho solamente con mille arte e pretesti « fatta differire un anno continuo; ne possendo d'avantaggio, mi sono reso, protes« tando sempre come sopra e continuando a trovar li medesimi sospetti, perchè non «è il duca in istato di cambiar natura.»

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