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riences exécutées devant lui par une personne religieuse, parce que ce récit, opposé à celui du père Lebrun, concernant mademoiselle Martin, deviendra un moyen de contrôle, un vrai criterium de la proposition que nous venons de rappeler.

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« J'ai vu, dit le père Menestrier, une personne religieuse qui a ce « talent, et qui s'en servait alors, le croyant tout à fait innocent et << naturel, chercher de l'eau, et, après qu'elle en avait trouvé, si on lui << mettait en l'une des mains un linge ou quelque autre chose mouil«<lée, la baguette ne tournait plus. Si elle cherchait de l'or caché, on << avait beau lui mettre de l'eau dans la main ou de l'argent, la baguette «ne cessait pas de tourner pour l'or; mais, dès qu'on lui mettait une « pièce d'or en la main, son action cessait; ce qui n'arrivait pas lorsqu'elle cherchait de l'argent caché, quoiqu'elle eût de l'or dans les << mains. >>

Ainsi, en mettant de l'eau dans la main qui tient la baguette mise en mouvement par la présence de l'eau, c'est détruire l'effet de celle-ci sur la baguette; en un mot, il y a neutralisation d'un effet par l'identique de la cause qui le produit. Voilà un fait expérimental, attesté par un témoin digne de foi, le père Menestrier. C'est un exemple du procédé de M. Peisson.

Rappelons maintenant que mademoiselle Martin découvrait la nature des choses en procédant d'une manière absolument contraire, puisque « l'identique de la cause qui produit le mouvement de la baguette mis << en contact avec celle-ci en augmente le mouvement, tandis que ce « qui est différent l'arrête. »

Il résulte évidemment de ces faits, dont la manifestation est également prouvée, qu'ils ne peuvent être attribués à une cause physique, car, dans les mêmes circonstances, la même cause physique ne peut produire deux effets opposés.

Dans la quatrième partie, nous verrons avec quelle facilité nous les expliquerons par une même cause; mais cette cause n'appartient plus au monde physique, mais au monde moral.

S 21.

Lettres itinéraires posthumes de Tollius, avec des notes de M. Hennin, 1700. Tollius et son ami Hennin sont contre l'usage de la baguette. Hennin combat successivement l'explication du mouvement de la baguette donnée par les péripatéticiens et les cartésiens. Il va jusqu'à dire qu'admettre la possibilité de suivre des meurtriers à la piste par l'effet, sur la baguette, des corpuscules qui s'exhalent de leur corps, c'est vouloir raisonner dans le délire. Il nie positivement la vertu de la baguette: nous

n'exposerons pas ses raisons, parce qu'elles rentrent dans celles qui ont été exposées précédemment; nous nous bornerons à dire qu'il « a vu des

« personnes à baguette qui ne permettaient pas qu'on leur bandât les

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«< yeux, ou qui se trompaient en faisant les expériences les yeux ban« dés. »

$ 22.

Histoire critique des pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les savants, etc., par un prêtre de l'Oratoire (le père Pierre Lebrun). Paris,

1702.

L'expression de pratiques superstitieuses n'est pas employée par l'auteur avec le sens qu'on lui donne dans le langage ordinaire; en s'en servant, le père Pierre Lebrun entend dire que ces pratiques donnent lieu à des effets dont la cause libre et intelligente veut séduire l'homme. Illicites à ses yeux, il les proscrit donc, comme l'avait fait déjà, à deux époques, en 1690 et 17002, le cardinal le Camus. L'usage de ces pratiques, très-fréquent dans le Dauphiné depuis 1640 pour découvrir les sources, fut successivement étendu à la recherche de choses trèsvariées par exemple, des hommes, des garçons et des filles, pour cinq sous, constataient, au moyen de la baguette, si des bornes d'héritage avaient été déplacées. Leur détermination était acceptée par les parties intéressées, et, chose remarquable, comme l'aurait été la décision d'un tribunal. Par le même moyen, on prétendait retrouver des chemins perdus; et J. Aymar, le premier en France, en 1688, rechercha les voleurs et plus tard les meurtriers.

Le père Lebrun, voyant combien les indications de la baguette sont incertaines, préoccupé d'ailleurs des désordres qu'elle pouvait causer dans les familles et les décisions de la justice, convaincu, en outre, qu'elle n'est qu'un instrument dont le démon se sert pour tromper les hommes, s'efforça par tous les moyens d'en abolir à toujours l'usage: aussi est-ce à ce point de vue qu'il faut se placer pour juger l'histoire critique des superstitions, dont l'objet principal concerne la baguette divinatoire.

N'ayant point à examiner ce livre dans ses détails, ni à discuter si le mouvement de la baguette doit être attribué à un esprit étranger à l'homme, nous en extrairons ce que nous croyons propre à appuyer la thèse que nous développerons dans la quatrième partie.

Il nous suffit, pour donner une idée de l'ouvrage, d'indiquer l'objet des trois parties qui le composent :

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La première est consacrée à l'histoire des faits, de l'origine et des progrès de la baguette;

La seconde l'est à la cause qui peut faire tourner la baguette et aux règles nécessaires pour discerner les effets naturels d'avec ceux qui ne le sont pas;

La troisième partie traite de la disposition assez commune qui porte les hommes à ne pas condamner ce qui ne paraît pas extérieurement nuisible, et qui engage plusieurs savants à autoriser des pratiques superstitieuses qui doivent être interdites aux chrétiens.

Le père Lebrun rapporte un grand nombre de cas où la baguette a fait défaut. Nous en choisirons quelques-uns, pour les ajouter à ceux que M. le Prince a voulu que le public connût, afin de le dégoûter de la baguette.

M. de Francine-Grandmaison, prévôt de l'Ile-de-France, et intendant des eaux, a dit au père Lebrun qu'en vertu des deux charges dont il était revêtu, il était fort souvent engagé à faire usage de la baguette pour reconnaître des criminels et découvrir des sources; et que, quoiqu'il eût employé un très-grand nombre de gens réputés habiles à manier la baguette, notamment des révérends pères capucins, il n'a jamais trouvé personne en qui l'on pût avoir confiance, parce que la baguette donnait souvent le change et disait très-souvent faux1.

On voit auprès de la ville de Salon, en Provence, des puits d'une effroyable profondeur, dit le père Lebrun2, creusés inutilement, sur les indices trompeurs qu'avait donnés la baguette.

Le maréchal de Boufflers, n'ayant pas d'eau dans le voisinage du château qu'il venait de faire bâtir en Picardie, eut recours à M. Legentil, le prieur de Dorenic, près de Guise, dont la réputation était grande dans le pays; il resta trois semaines auprès du maréchal la baguette tourna fortement en plusieurs endroits, et des témoins disent que le prieur en tremblait d'effroi. Cependant on fit creuser dans ces endroits jusqu'à soixante pieds sans trouver d'eau.

Le père Lebrun raconte qu'au mois de septembre 1695, M. de Francine, M. l'abbé de Châteauneuf et M. le lieutenant de roi de Charleroi lui amenèrent un jeune garçon devenu fameux à Paris par la manière dont il se servait de la baguette. Ces messieurs allèrent au château d'eau, près de l'observatoire, où se trouvèrent M. de Lahire et un physicien-mathématicien la baguette ne tourna pas sur l'endroit où toutes les eaux d'Arcueil passent; on le conduisit dans un jardin où des métaux avaient été enfouis: la baguette ne tourna pas davantage.

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On pourrait citer un grand nombre de passages où, dans les faits racontés par l'auteur, l'influence de la pensée, soit volonté, désir ou simple intention de celui qui tient la baguette, est de toute évidence; mais, forcé de nous restreindre, nous choisirons les suivants, qui vont parfaitement à notre but, comme répétition, comme confirmation de ceux que nous avons extraits des ouvrages précédemment examinés.

En parlant du moyen de déterminer la nature d'un corps qui agit à couvert sur la baguette, d'après l'augmentation du mouvement ou sa cessation, manifestées par suite du contact d'un corps connu avec elle (voyez plus haut), nous avons dit que les uns concluent l'identité du corps qui touche la baguette avec le corps caché, d'après l'augmentation du mouvement de la baguette, tandis que les autres tirent la même conclusion de l'effet absolument contraire. Or il est évident, comme nous l'avons fait remarquer, que les effets ne peuvent être attribués à aucune cause aveugle, mais à une cause libre, et nous dirons plus tard à la pensée de l'homme. Quoi qu'il en soit, ceux qui concluent l'identité de nature de l'augmentation du mouvement de la baguette, et qui admettent la théorie des corpuscules, disent que les corpuscules exhalés, par exemple, de l'or qui est en terre, et ceux qui le sont de la baguette et de l'or qui la touche, conspirent pour augmenter le mouvement, tandis que, si la baguette touchait autre chose que l'or, les corpuscules de cette chose empêcheraient l'écoulement des autres.

Ceux qui concluent l'identité de la nature de la cessation du mouvement de la baguette, et qui croient à la sympathie qui se manifeste par une attraction, disent que l'or qui touche la baguette, attirant cette baguette, fait cesser l'effet de l'or souterrain.

Certes toute réflexion serait superflue après ces citations1.

Ajoutons deux nouveaux faits à l'analogie que nous avons établie entre la baguette divinatoire et la table frappante, lorsqu'on leur adresse des questions auxquelles elles répondent.

M. Duverdier, docteur de Sorbonne, reçut une lettre de Toulouse, du 26 de mai 1700, dans laquelle on lui parlait d'un curé qui manie la baguette de manière que celle-ci répond aux questions qu'on lui adresse, en s'abaissant pour marquer l'affirmative, oui, et en se relevant pour marquer la négative, non. Elle dit : « Ce que font les personnes ab<«< sentes; si un homme a de l'argent, en quelles espèces et combien. On <«< consulte la baguette sur le passé, le présent et l'avenir. . . Il est indif«<férent d'exprimer sa demande de vive voix ou mentalement : ce qui

1

Histoire critique des pratiques superstitieuses, page 45, 46, 47.

« surprendrait davantage, ajoute le père Lebrun, si la personne judi<«< cieuse qui écrit n'ajoutait que plusieurs réponses se sont trouvées « fausses.

«Il y a quelque temps qu'on me montra, dit encore le père Le<«< brun, une lettre du Dauphiné où l'on parlait de mademoiselle Alloüard, qui devinait aussi avec la baguette ce qui se passait en des lieux fort « éloignés. >>

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Nous sommes heureux de l'accord du jugement que nous portons sur l'Histoire critique des pratiques superstitieuses, avec les nombreuses approbations qu'elle a reçues des hommes les plus instruits du clergé français, et dont nous allons reproduire quelques passages.

Approbation de M. Du Pin, docteur en théologie de la Faculté de Paris, et professeur royal en philosophie.

Il dit : «Que l'auteur traite cette matière avec autant de justesse et « de discernement que d'élégance et d'érudition, et qu'il a su parfaite«<ment accorder les principes de la saine théologie avec ceux de la bonne «philosophie, en tenant un juste milieu entre l'incrédulité des esprits forts « qui leur fait nier des faits certains, et la trop grande crédulité des faibles, qui leur fait approuver des pratiques superstitieuses. »

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Approbation du R. père Alexandre, docteur en théologie de la Faculté de Paris, et ancien professeur du grand couvent et collége des RR. pères prêcheurs.

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« Cet ouvrage est parfaitement conforme aux règles de la foi <«<et des bonnes mœurs, et j'espère qu'il sera utile à l'Église. C'est une « chose déplorable qu'il se trouve des chrétiens qui autorisent des usages <«que la loi de Dieu et les prophètes condamnent, et qui emploient «leur philosophie pour justifier des erreurs et des pratiques proscrites par « les saints Pères, par les saints décrets et par les théologiens catholiques, et « forment de vains systèmes en faveur de ces usages pernicieux..

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Autre approbation des docteurs de Sorbonne Lambert, doyen de l'église cathédrale de la Rochelle et d'Hillerin, trésorier de la même église.

..Histoire critique... «Mais où tout remplit parfaitement «<le dessein que le savant auteur se propose, de désabuser les peuples « de tant de pratiques superstitieuses, si souvent condamnées par l'Église, et << de dissiper les faux raisonnements dont quelques philosophes ont em« brouillé cette matière. >>

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