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l'autorité dans sa plénitude et restât chargé de toutes les affaires, sans lui en laisser le poids ni le scrupule. «En ce cas, ajoutait-il, demeu«rant ma conscience déchargée, je me laisserais persuader à retenir « le titre, pour éviter les inconvénients mentionnés en vosdites let<< tres, combien que, s'il est aucunement possible de m'en défaire, c'est «la chose de ce monde que plus je désire et en quoi vous me pourrez << donner plus de contentement 1.» La veille même du jour où il avait mis à la voile pour se rendre dans le couvent de l'Estramadure, il avait écrit de Zuitbourg à Ferdinand qu'il avait invité les princes d'Allemagne à lui obéir durant son absence, mais qu'il le priait de s'entendre diligemment avec les électeurs, afin de fixer le lieu et le temps où ils se trouveraient ensemble pour le désigner comme son successeur 2.

Ferdinand, bien qu'il ne fût pas pressé d'ajouter la dignité d'empereur à la possession de l'autorité impériale, déférant aux désirs de Charles-Quint, avait convoqué une diète électorale à Ratisbonne pour le mois de janvier 1557; il avait en même temps prié son neveu, le roi Philippe, de faire partir le prince d'Orange pour Ratisbonne avec l'acte de cession de l'Empereur3. Mais les deux électeurs de Saxe et de Brandebourg s'étant excusés d'assister à la diète, un contre-ordre avait été envoyé au prince d'Orange. C'est alors que Philippe II avait fait supplier son père de suspendre encore sa renonciation à l'Empire; il avait chargé Ruy Gomez de l'informer que la diète, manquée en janvier à Ratisbonne, devait se réunir en mai à Égra, sur la frontière de Bohême. «< Mais, disait-il, ce qui conviendrait infiniment mieux, ce serait « que Sa Majesté ne persistât point à renoncer à l'Empire, sa conscience «n'étant pas intéressée, tout le monde le lui a dit, à ce qui s'y fait, puis<«< qu'il ne le sait même pas. Certainement, pour les Pays-Bas et pour «<l'Italie, je perdrai beaucoup à cette renonciation, si Sa Majesté l'ac<«< complit, et beaucoup plus qu'on ne pense... Rendez-lui compte du <«< retour du prince d'Orange, et suppliez-le, avec très-grande instance, << qu'il ne veuille pas faire au moins sa renonciation jusqu'à ce que nous « voyions quel tour prendront mes affaires. De ce qui sera décidé, vous << me donnerez avis par toutes les voies possibles, pour que, si Sa Ma« jesté y consent, on empêche le départ du prince d'Orange . » .Ferdinand aurait été satisfait lui-même du succès de cette démarche et il écrivait à Philippe II: «Au cas que Sa Majesté ait résolu de retenir le titre

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Lanz, t. III, p. 707. Lettre de Charles-Quint à Ferdinand, du 12 septembre 1556. Ibid. p. 710. Lettre de Ferdinand à Philippe II, du 24 janvier 1557. Coleccion de documentos ineditos, t. II, p. 467. Lettre de Philippe II à Ruy Gomez de Silva, du 11 mars 1557. Retiro, estancia, etc., fol. 102.

<< d'Empereur en se rendant aux nouvelles instances que Votre Altesse « lui en a faites, Dieu sait combien je m'en réjouirai: c'est ce que j'ai toujours désiré et ce que je désire encore 1.»

Mais Charles-Quint, malgré la vive affection qu'il portait à son fils et le grand intérêt qu'il prenait à ses affaires, ne se laissa pas détourner de son dessein. Les adroites supplications de Ruy Gomez, les hardies représentations de Quijada, qui trouvait que renoncer à l'Empire c'était découvrir l'Italie et exposer les Pays-Bas, ne purent rien sur son esprit résolu. Il se borna, comme il l'avait fait précédemment, à attendre le résultat de la diète, qui ne se rassembla point à Égra, les trois électeurs ecclésiastiques et le comte Palatin n'ayant pas osé quitter leurs principautés 2 dans un moment où la guerre entre le roi d'Espagne et le roi de France se rapprochait des frontières allemandes. Sur la demande de Philippe II, Ferdinand éloigna le plus qu'il put la réunion des électeurs, qu'il avait beaucoup de peine, du reste, à mettre d'accord sur l'époque et le lieu où ils se rassembleraient3: les trois électeurs septentrionaux préféraient Ratisbonne, les quatre électeurs méridionaux des bords du Rhin aimaient mieux Ulm ou Francfort. Ferdinand les ayant tous assignés à Ulm pour le 6 janvier 1558, jour des Rois, les électeurs de Saxe et de Brandebourg ne purent pas s'y rendre et demandèrent à être convoqués un peu plus tard et dans une autre ville*. Ferdinand fixa la ville centrale de Francfort et indiqua le 20 février 5, qui devint le dernier terme de ce laborieux enfantement d'un nouvel empereur. Paul IV aurait voulu y mettre obstacle. Reprenant toutes les prétentions, depuis longtemps abandonnées, des souverains pontifes du moyen âge, il déclara que la résignation de l'Empire ne pouvait se faire qu'entre les mains du pape, en sa qualité de suzerain, et que CharlesQuint restait toujours empereur; il contesta de plus au duc de Saxe, au margrave de Brandebourg, au comte Palatin, le droit d'élire, dont il les disait déchus par leur hérésie, et au roi des Romains le droit d'être élu, parce qu'il était tombé lui-même sous le soupçon d'hérésie pour avoir accordé la paix de religion o. Malgré son audacieuse opposition, les trois

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Lettres de Ferdinand I" à Philippe II, de Prague le 26 avril, et de Presbourg le 24 juin 1557. Documentos ineditos, t. II, p. 475. 2 Lettre de Ferdinand I à Philippe II, du 19 avril 1557. Ibid. p. 474.- Lettres de Philippe II à Ferdinand I, des 13 avril, 25 juillet 1557. Ibid. p. 472 et 485-86. Lettres de Ferdinand I" à Philippe II, des 12 octobre et 16 novembre 1557. Ibid. p. 499, 500, 502-505. Lettre de Ferdinand I" à Philippe II, du 27 novembre. Ibid. p. 508. Propos du pape au sujet de la résignation de l'empereur Charles et de l'élection du nouvel empereur. Dépêche de Rome, mars 1558; ms. Bé

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archevêques de Mayence, de Cologne, de Trèves, le roi de Bohême, le margrave de Brandebourg, le duc de Saxe, le comte Palatin du Rhin, après avoir admis, le 28 février, la renonciation de Charles-Quint à l'Empire, lui donnèrent, à l'unanimité, le 12 mars, Ferdinand I comme

successeur.

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Il s'écoula près de deux mois avant que Charles-Quint sût que, conformément à son désir, il avait cessé d'être Empereur. Le bruit en était arrivé vaguement à Yuste, mais sans que celui qui était le plus intéressé à le connaître l'apprît avec précision; enfin, le 27 avril, Vasquez lui transmit la résolution de la diète électorale. Charles-Quint renonça sur-lechamp aux titres dont il s'était servi jusque-là. Cessant de désigner Vasquez comme son secrétaire et son conseiller, il lui répondit en mettant sur la suscription de sa lettre à Juan Vasquez de Molina, secrétaire, et du conseil du roi mon fils. « J'ai reçu, lui dit-il, votre lettre du ❝ 27 avril, et je me suis réjoui d'être informé avec certitude de ce qui « a eu lieu touchant la renonciation de l'Empire; elle s'est accomplie «< comme il faut, quoique différemment de ce qui s'était dit les jours « passés..... J'ai ordonné à Gastelú de vous écrire au sujet de deux << sceaux qui doivent être faits de la grandeur et dans la forme qu'il vous indiquera. Vous aurez soin qu'on y mette tout de suite la main << et qu'on les envoie 1. » Gastelú écrivit en effet le même jour à Vasquez: « Sa Majesté m'a commandé de vous dire que la renonciation à l'Em«pire ayant été acceptée, il ne devra plus être mis désormais sur ses <«<lettres ni l'Empereur ni autre titre semblable. Sa Majesté a voulu aussi « qu'il fût fait deux sceaux sans couronne, sans aigle, sans toison, sans « aucune armoirie, qu'on les achevât et qu'on les transmît avec la plus grande promptitude possible 2. » Charles était arrivé enfin à ce dépouillement absolu de toute grandeur, qu'il ambitionnait depuis si longtemps. Il fit enlever ses armes et ses écussons de ses appartements, et il recommanda que son nom fùt omis dans les prières de l'Église et dans les offices de la messe, et qu'on y substituât le nom de son frère Ferdinand. «Quant à moi, dit-il à son confesseur Juan Regla, le nom «de Charles me suffit, parce que je ne suis plus rien 3. » Cette belle et simple parole, il la répéta devant ses serviteurs émus. Mais, quoique

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thune, no 8657, p. 39; et lettres de l'évêque d'Angoulême à Henri II et du cardinal du Bellay au cardinal de Lorraine. Rome, 11 juin et juillet 1558. Ribier, t. II, p. 746, 759 et 760. Lettre de Charles-Quint à Vasquez, du 29 avril 1558. Retiro, estancia, etc., fol. 181. — Lettre de Gastelú à Vasquez, du 29 avril. Ibid. fol. 181, vo. — 3 La retraite de Charles-Quint, etc. Ms. analysé par M. Bakhuisen van den Brink, c. xxxII, p. 43.

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la couronne impériale eût disparu de ses appartements, quoique ses armes eussent été effacées de ses sceaux, quoique son nom ne fût plus prononcé dans les prières publiques, il demeura ce qu'il avait été pour tout le monde. De Valladolid, comme de Bruxelles, on ne cessa pas de lui écrire à l'Empereur notre seigneur, et, lorsqu'on parlait de lui, on disait toujours l'Empereur.

(La suite à un prochain cahier.)

MIGNET.

HANDBUCH DER RÖMISCHEN EPIGRAPHIK, etc., Manuel pour servir à l'étude de l'épigraphie romaine. Deuxième volume: Introduction à la connaissance des inscriptions romaines, par M. Charles Zell, professeur à l'université de Heidelberg, etc. Heidelberg, chez Ch. Winter, 1852; VIII-385 pages in-8°.

PREMIER ARTICLE.

Lorsque M. Zell publia, il y a trois ans, le premier volume de son utile et savant ouvrage, nous nous empressâmes de l'annoncer à nos lecteurs, et nous en fimes connaître les mérites divers 1. Nous avons dit alors qu'on y trouve réunies près de deux mille inscriptions latines choisies avec discernement, précédées de préliminaires instructifs, expliquées par de doctes éclaircissements; que ces documents précieux et authentiques répandent un jour nouveau sur les mœurs et les croyances d'un peuple auquel nous devons une grande partie de notre civilisation; qu'ils nous font connaître, mieux que beaucoup d'écrivains anciens, l'organisation d'un des empires les plus vastes et les plus puissants dont l'histoire, depuis l'existence du genre humain, conserve le souvenir. Aux conjectures, aux vaines théories, ils substituent des faits. Écrite sur la pierre ou sur le bronze, minutieuse dans ses détails, parvenue jusqu'à nous sans aucune altération des copistes, cette histoire si véridique donne plus d'un démenti à l'histoire en forme, qui souvent l'est si peu.

1Cahiers de janvier 1852, p. 15-28, et de février, p. 80-88.

Ce premier volume cependant, tout intéressant qu'il puisse être, n'est pas la partie la plus importante et la plus neuve de l'ouvrage de M. Zell. On peut le regarder comme un recueil très-instructif, renfermant des documents curieux; mais le savant auteur avait promis de faire davantage : il annonçait le projet de réunir, dans un volume suivant, toutes les notions précises que les inscriptions fournissent sur l'antiquité romaine, et d'y joindre des règles générales servant à diriger les commençants dans leurs études. Ce dernier travail surtout présentait d'assez grandes difficultés. L'Europe savante connaît les noms des érudits, justement célèbres, éditeurs de volumineux recueils d'inscriptions ou auteurs de savantes monographies : les points d'archéologie, de chronologie, d'histoire et de grammaire qu'ils ont éclaircis sont sans nombre; mais, parmi ces hommes éminents, il s'en est trouvé bien peu qui, désirant de donner à l'épigraphie une forme vraiment scientifique, aient entrepris de composer des traités où les résultats certains, obtenus par l'étude et la comparaison de tant de monuments, fussent réunis. Le docte et infatigable Maffei avait essayé, il est vrai, de poser des principes de critique pour l'examen des inscriptions; malheureusement son ouvrage est resté inachevé 1; et, fût-il même terminé, il ne saurait être regardé comme un guide infaillible. Travaillant avec une rare facilité, doué d'une mémoire prodigieuse, successivement poëte et érudit, Maffei semble ne pas avoir eu un jugement assez solide pour discerner les limites qui, dans la science dont il s'agit, séparent la certitude de l'incertain et l'incertain du faux; portant un scepticisme outré dans des matières où peut-être, avant lui, on n'avait pas douté assez, il regardait comme supposés ou comme suspects presque tous les monuments qui offraient quelque chose d'insolite dans le langage, dans les noms propres, l'énoncé des fonctions civiles ou militaires, les détails. du culte; et nous croyons, avec le savant Orelli2, que, dans le nombre infini de monuments dont Maffei contestait l'antiquité, les trois quarts peut-être sont authentiques et nullement l'œuvre des faussaires. On trouve moins de témérité et plus de méthode dans le traité didactique de Zaccaria 3; les trois ouvrages de Morcelli, où il donne les préceptes

'Donati, dans son Supplementum ad novum Thesaurum veterum inscriptionum L. A. Muratorii, vol. I, Lucæ, 1765, in-fo, a publié cet ouvrage posthume sous le titre: Scipionis Maffei Artis critice lapidariæ quæ exstant. L'éditeur lui-même, p. iv de la préface, est obligé de convenir non omnia epigrammata quæ in Arte cr. lapidaria censoria virga notantur, rejicienda esse. - Inscriptionum latinarum selectarum amplissima collectio, vol. I, Turici, 1828, in-8°, p. 55.- Istituzione antiquario-lapidaria, Roma 1770, in-8°. — De stilo inscriptionum latinarum libri tres, Romæ 1780, in-4°;

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