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faisant aucune observation sur l'attribution des médailles en question à Phistelia, a paru l'admettre pour son propre compte. Mais Carelli se trompait à cet égard. La tête de ces médailles n'a, dans le fait, aucun rapport avec le masque de celles de Phistelia. Cette tête, avec les cheveux disposés comme des rayons, est sans doute celle d'Apollon Hélios, et le lion, animal solaire par excellence, s'accorde parfaitement avec cette donnée. Enfin, l'absence d'inscription laisse l'attribution à Phistelia absolument dénuée de fondement. M. Friedländer, qui a repoussé aussi l'opinion de Carelli, à peu près par les mêmes raisons', ne sait où chercher la patrie de ces médailles, tout en indiquant la région méridionale du Samnium comme le lieu où elles se trouvent le plus communément. Mais on ne connaît aucune ville du Samnium qui ait fait frapper de cette monnaie d'argent, du module de l'obole. D'un autre côté, il est certain que la fabrique de ces petites médailles ressemble beaucoup à celle des oboles d'Héraclée qui furent si répandues dans l'antiquité; et, à l'appui de cette analogie, nous trouvons le même type du lion sur les oboles d'Héraclée 2. L'attribution des médailles en question à Héraclée, admise par les antiquaires napolitains, ne me semble donc pas aussi dépourvue de vraisemblance que l'a jugé M. Friedländer; mais j'avoue que je suis loin de la regarder comme certaine.

Après les médailles de Phistelia, Carelli faisait suivre, sur la même planche LXII, n° 9, 10, 11, celles des Allibani, dont la patrie est enproblème. Les types habituels de ces monnaies sont une tête jeune et imberbe, laurée, qui doit être celle de l'Apollon de Cumes, et, au revers, le monstre Scylla, avec la coquille de Cumes. La légende grecque, ΑΛΛΙΒΑΝΩΝ οι ΑΛΛΙΒΑΝΟΝ, qui se trouve le plus souvent du coté du revers, porte le nom d'un peuple grec, qui, d'après tous les indices numismatiques, dut habiter une ville maritime, voisine de Cumes. On avait pourtant proposé d'abord de les attribuer à Allifæ, ville du Samnium; mais il est trop sensible que ni ces types, ni cette fabrique, ne con viennent à une ville située dans l'intérieur du Samnium, où, d'ailleurs, on ne sait pas encore qu'il y ait jamais eu une fabrication d'oboles d'argent, comme celles-ci; sans compter que la légende, AAAIBANON ne répond pas d'une manière satisfaisante au nom d'Alife. L'opinion des antiquaires s'est donc fixée sur une attribution, proposée d'abord par Millingen3 et adoptée par Avellino, qui tendait à admettre l'existence d'une ville, colonie de Cumes, située au bord de la mer, dans un lieu

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Die oskisch. Münzen, p. 30. Carelli, Num. vet. Ital. tab. cLxii, no 46-47. Millingen, Méd. grecques inédites, pl. 1, n. 9, p. 16. Opuscoli, t. II, p. 60. C'est aussi l'opinion de M. Mommsen, Unterital. Dialekte, p. 106.

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voisin de Pouzzoles, qui conserve encore le nom d'Olibano1. Mais la question semblait être restée indécise pour Carelli, et même pour son savant éditeur, M. l'abbé Cavedoni, qui admet encore la double attribution à Allifæ et à Alliba, et elle s'est récemment compliquée par l'acquisition de monuments nouveaux; de sorte qu'il devient nécessaire d'entrer ici dans quelques éclaircissements.

On connaît maintenant les médailles d'Alife du Samnium. L'une de ces médailles, qui est encore de la plus excessive rareté, puisqu'il n'en existe que deux exemplaires, tous les deux dans la collection Santangelo, est un didrachme, d'ancienne fabrique, imité de ceux de Nola et de Naples, avec la tête casquée de Minerve, d'un côté, et le bœuf campanien à tête humaine, au revers 2. L'inscription osque, qui se lit de ce côté, NVI8HN, Alifea ou Alipha, indique bien le nom d'une ville qui ne peut être que l'Alife du Samnium, ville située sur un territoire osque. La seconde monnaie connue d'Alife est une obole ayant pour types, d'un côté, une tête de lion à droite, de l'autre, le signe I. accompagné de la légende osque NVI83. Or il est sensible que ces deux médailles n'ont absolument aucun rapport avec celles des Allibani, ni pour les types, ni pour la fabrique, ni pour la langue qui est osque, sur les unes, et grecque, sur les autres. C'est donc sans aucune raison, à mon avis, que l'on assimilerait, d'après leurs monnaies, l'Alliba de la Campanie à l'Alifæ du Samnium, comme l'a fait, en dernier lieu, M. Friedländer, et qu'on ferait une seule et même cité de deux villes, dont l'une, Alife, était bien certainement dans le Samnium; et dont l'autre, Alliba, ne peut avoir existé, de l'aveu de M. Friedländer lui-même, que dans la Campanie, et précisément dans le voisinage de Pouzzoles et de Cumes. Je crois donc fermement qu'il faut distinguer les deux villes, en rapportant à l'Alifæ du Samnium les médailles qui ont la légende osque NVI8HA ou NVI8N, et à l'Alliba de la Campanie celles qui portent l'inscription grecque AAAIBANON; et c'est ainsi que je crois devoir rectifier et compléter l'article de Carelli, que son savant éditeur lui-même avait laissé encore inexact et en arrière de l'état actuel de la science.

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1 Considérations, etc., p. 142 et 177. Fiorelli, Mon. ined. p. 19. Cette médaille, publiée par M. Friedländer dans les Annali de M. Fiorelli, t. I, p. 10, tav. 1, n. 4, et reproduite dans ses Oskisch. Münzen, Taf. v, n. 2, p. 26, fait maintenant partie du cabinet de M. le duc de Luynes, qui l'a publiée comme une médaille phénicienne, ouvrage de quelque faussaire de l'antiquité, dans sa Numismatique des Satrapies, médailles incertaines, planche dernière, n. 2, p. 97-98. Die oskisch. Münzen, p. 25-26.

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Ibid.
P. 26.

Je continuerai, dans un prochain article, l'examen de la belle collection de Carelli, qui peut donner lieu à tant d'éclaircissements utiles pour le progrès des connaissances numismatiques, dans cette suite si riche et si intéressante des médailles de la Grande Grèce.

(La suite à un prochain cahier.)

RAOUL-ROCHETTE.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT DE FRANCE.

ACADÉMIE FRANÇAISE.

M. Tissot, membre de l'Académie française, est mort à Paris, le 7 avril 1854. M. de Salvandy, directeur de l'Académie, a prononcé, à ses funérailles, un discours dans lequel il a rappelé les titres de cet académicien, et que son étendue ne nous permet pas de reproduire ici. M. Tissot, membre de l'Académie depuis 1833, était près d'entrer dans sa quatre-vingt-septième année; il était né le 10 mai 1768. Son début dans les lettres fut une traduction des Églogues de Virgile, qui obtint un véritable succès et mérita, sous l'Empire, d'être proposé pour l'un des prix décennaux. Cet ouvrage fixa l'attention de l'abbé Delille, et l'illustre traducteur des Géorgiques désigna le traducteur des Églogues pour lui succéder dans sa chaire de poésie latine au collège de France. Ce cours de poésie latine a été l'œuvre principale de la carrière de M. Tissot. Le bon et vaste travail des Études comparées sur Virgile, qui résume cet enseignement, et les Leçons et modèles de littérature française, publiées plus tard, sont le vrai fondement de la réputation de l'auteur. Sous la Restauration, M. Tissot prit une part active à la rédaction de la Minerve et du Constitutionnel. Il a exercé, pendant quarante-cinq ans, les fonctions de professeur au collège de France, et, l'année dernière, à l'âge de quatre-vingt cinq il y faisait entendre encore sa voix écoutée et applaudie.

ans,

le

M. Jay, membre de l'Académie française, est mort à Chabreville (Gironde), 9 avril 1854.

appartenait, depuis 1832, à l'Académie, où il avait remplacé l'abbé de Montesquiou. Les principaux titres littéraires qui l'y avaient fait admettre sont d'abord

les ouvrages mêmes que l'Académie avait couronnés à diverses époques : le Tableau historique du XVIII' siècle, en 1806; l'Eloge de Corneille, en 1808, et l'Eloge de Montaigne, en 1812; et, en outre, une Histoire du cardinal de Richelieu, publiée en 1815, et qui lui donna un rang honorable parmi nos historiens. Parmi ses autres ouvrages les plus connus, nous devons citer ses Considérations sur l'état politique de l'Europe et la Biographie des contemporains, rédigée en collaboration avec MM. de Jouy et Arnault. M. Jay, député sous la Restauration, un des fondateurs du Constitutionnel, publia dans ce journal et dans la Minerve un grand nombre d'articles remarqués. Pendant sa jeunesse, il avait passé sept ans dans les ÉtatsUnis et exploré des contrées de l'Amérique alors peu connues. On peut lire le récit de ce voyage dans un recueil du temps, le Nouveau journal des voyages.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

M. le comte de Choiseul- Daillecourt, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, est mort à Paris, le 11 avril.

Dans sa séance du 28 avril, l'Académie a élu M. Egger en remplacement de M. Guérard, décédé.

LIVRES NOUVEAUX.

FRANCE.

Histoire du château et du bourg de Blandy-en-Brie, par M. A. H. Taillandier. Paris, imprimerie de Firmin Didot, librairie de Dumoulin, 1854, in-8° de VII-205 pages.

Peu de villages sont aussi inconnus que Blandy; peu cependant ont été habités par autant de princes et de grands personnages,» dit M. Taillandier. «Ce château délaissé et inconnu, ajoute l'auteur, a reçu dans ses murs Louis VIII et Henri IV; Philippe le Bon, duc de Bourgogne; les comtes de Tancarville, ces puissants seigneurs, qui ont joué un si grand rôle au temps désastreux de Charles V et de Charles VI; les Harcourt, qui leur succédèrent, et presque tous les princes de la maison d'Orléans-Longueville, depuis le fils du bâtard d'Orléans, chef de cette famille, jusqu'à la duchesse de Nemours, qui en fut le dernier rejeton; plusieurs princes de la maison de Savoie, alliée à celle d'Orléans-Longueville, et les deux premiers princes de Condé, y ont aussi séjourné. » Et pourtant l'éclat de tant de noms illustres n'a laissé aucun reflet sur ces ruines, auprès desquelles on passe sans qu'un souvenir s'éveille. M. Taillandier a entrepris de faire sortir Blandy de son obscurité. Il n'a épargné pour cela aucun soin, aucune recherche ; il a interrogé les archives publiques et particulières; il a fouillé les bibliothèques; il a consulté de vieilles chartes, des actes privés, et même les traditions du pays; il a trouvé et reproduit dans son livre, à l'aide de la gravure en bois, des sceaux et des cachets appendus à d'antiques parchemins; enfin, à force d'études aussi éclairées que laborieuses, il est parvenu à réunir tout ce qu'il était possible de retrouver de documents sur Blandy et sur ses anciens possesseurs.

«

Mais M. Taillandier ne s'est pas borné à faire l'histoire d'une ruine; en mêlant à quelques détails arides les souvenirs que lui ont fournis quelques-uns des habitants de Blandy, en y ajoutant diverses notions sur d'anciennes coutumes et sur une organisation abolie, mais utile à connaître, il a doublé l'intérêt de son sujet. La partie la plus étendue de mon travail, dit-il, a été naturellement consacrée au château. Néanmoins, j'ai cru devoir y ajouter quelques détails sur les trois pouvoirs qui autrefois jouaient le plus grand rôle dans l'état social des campagnes : l'Église, la justice et le seigneur. Ces éléments sociaux étaient alors fort différents de ce qu'ils sont aujourd'hui; le dernier a complétement disparu avec la féodalité. Quant aux deux autres, s'ils exercent encore une grande influence sur la civilisation moderne, on ne peut se dissimuler qu'ils ont été profondément modifiés. J'ai pensé qu'il ne serait pas sans intérêt de montrer comment un simple village était administré avant la fin de l'ancien régime.

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Ajoutons que de curieuses pièces justificatives sont jointes au récit.

M. Taillandier n'a donc rien négligé pour donner à cette nonographie de Blandy, non-seulement l'intérêt spécial dont un parei! travail est susceptible, mais encore cet autre intérêt plus profond et plus vif qui s'attache aux vues générales et à l'histoire des institutions.

Les six femmes de Henri VIII, scènes historiques, par M. Empis, de l'Académie française. Paris, imprimerie de Lahure, librairie d'Arthus Bertrand, 1854, 2 vol. in-8° de 504 et 479 pages. —L'auteur, qui a déjà mis sur la scène des faits de l'histoire d'Angleterre dans son drame historique de Bothwell et dans sa comédie de Lambert Symnell, retrace aujourd'hui, dans un cadre plus étendu, une époque plus dramatique de cette histoire. Henri VIII, son caractère, sa politique, sa cour, ies personnages et les intérêts de son temps, les mobiles qui les font mouvoir, tout ce tableau d'un règne célèbre et terrible est reproduit avec des couleurs vives et vraies, et dans une suite de scènes où l'art de l'auteur dramatique ne fait en quelque sorte qu'ajouter à la vérité de l'histoire. L'écueil du sujet, le règne successiť de six femmes, y paraît évité avec autant d'habileté qu'il peut l'être. On rencontre dans cet ouvrage, qui témoigne d'une étude approfondie des événements et des caractères, d'excellentes scènes de comédie, pleines d'observation, et des effets souvent fort dramatiques. Nous rendrons compte avec plus de détail de cette intéressante. publication.

Mémoires de l'Académie impériale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse. Quatrième série, t. III. Toulouse, imprimerie de Douladoure, 1853, in-8° de XII-450 pages. Parmi les nombreux mémoires que contient ce volume, on remarque un précis analytique des œuvres mathématiques de Fermat, par M. E. Brassinne; des observations sur la constitution géologique des Pyrénées, par MM. Leymerie et Petit; une notice sur les polyèdres réguliers, par M. Gauthier, et des recherches de M. Ducos sur les circonstances de la bataille de Murat, livrée, en 1213, par Simon de Montfort, au comte de Toulouse et au roi d'Aragon.

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Journal d'un bourgeois de Paris sous le règne de François I" (1515-1536), publié pour la Société de l'histoire de France, d'après un manuscrit inédit de la Bibliothèque impériale, par Ludovic Lalanne. Paris, imprimerie de Lahure, librairie de Renouard, 1854, in-8° de xx-494 pages. L'auteur de ce journal a consigné, probablement pour son usage personnel, les faits plus ou moins importants qui s'étaient passés sous ses yeux ou qui étaient arrivés à sa connaissance. Son nom est ignoré; on pense seulement pouvoir affirmer qu'il habitait Paris et qu'il était contemporain des événements dont il nous a laissé le récit; aussi, bien que l'ouvrage ne portât aucun

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