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miner en détail cette collection, la plus considérable et la plus choisie qui eût encore été formée en Europe, et la première, sans contredit, de toutes celles qui ont été jamais publiées de cette classe. En nous livrant à cet examen, qui ne saurait nfanquer d'offrir de l'intérêt à ceux de. nos lecteurs qui sont versés dans la numismatique, nous nous attachecherons surtout à faire connaître les importantes acquisitions qui ont signalé, dans cet espace d'à peu près un demi-siècle, les progrès de la science, de manière à compléter à la fois l'œuvre de Carelli et le travail de son savant interprète, M. l'abbé Cavedoni; et, pour les médailles connues avant l'époque de Carelli, qui forment certainement la plus grande partie de sa collection, nous ne nous arrêterons que sur celles qui pourraient avoir encore besoin de quelques explications, en passant tout le reste sous silence.

Les trente premières planches du recueil comprennent la série des as italiques, telle qu'elle existait du temps de Carelli. Le plus grand nombre de ces pièces était déjà connu par la publication qui en avait été faite par le cardinal Zelada, par Micali, par les éditeurs du musée d'Arigoni et par d'autres antiquaires. Carelli n'avait fait que les reproduire, en y ajoutant quelques pièces servant à accroître cette série, dont les attributions sont généralement mises hors de doute par les inscriptions qui en accompagnent les types. Ce sont des as de l'Etrurie, de l'Ombrie et du Picenum, dont la classification se trouve aujourd'hui mieux établie et la suite plus complète, grâce au travail des RR. PP. Marchi et Tessieri. Comme nous avons fait connaître ce travail à nos lecteurs, de manière à les mettre à même d'en apprécier le mérite et la nouveauté, nous nous croyons dispensé de revenir une seconde fois sur le même sujet. Nous ajouterons seulement que toutes les questions, tant historiques qu'archéologiques, qui concernent les as italiques, et généralement toutes les monnaies primitives de l'Italie, sont traitées de la manière la plus approfondie et la plus critique dans un ouvrage posthume du grand antiquaire napolitain Avellino, qui se publie à Naples par les soins de son digne neveu, M. Minervini 2. Dans l'état où cette publication, si savante et si exacte, se trouve entre mes mains, elle embrasse les monnaies, tant onciales que frappées, de Populonia, Telamon, Volaterræ, de l'Étrurie; de Tader, Iguvium, Ariminum, et Pisaurum, de l'Ombrie; d'Ancone, de Firmum et d'Hatria, du Picenum; et, pour la suite monétaire de chacune de ces villes, qui forment

1 Journal des Savants, novembre 1840, p. 654-670; décembre, p. 723-741; mars 1841, p. 172-181; mai, p. 257-270.- Italie veteris numismata, auctore viro celeberrimo Franc. M. Avellinio. Neapoli, м DCCCL, p. 1-88.

le sujet des trente premières planches de Carelli, elle représente l'état de la science d'une manière si sûre et si exacte, que je n'aurais rien à y ajouter. Aussi me bornerai-je à un très-petit nombre d'observations sur quelques-unes des pièces comprises dans ces trente premières planches.

Les médailles attribuées à Véies par Carelli, d'après Sestini, suivi par Mionnet 2, pl. x, n° 1, 2, 3 et 4, en raison de la légende NEIOESA, qui se lit au revers, et qui n'offre réellement aucun rapport avec le nom de Véies, sont aujourd'hui rangées parmi les incertaines par tous les antiquaires. Elles ne sauraient appartenir à Véies, qui fut prise et détruite en l'an de Rome 358, bien avant l'époque où l'on put frapper des monnaies de bronze dans le Latium, sinon dans le reste de l'Italie. Les types, la fabrique et le module, pourraient les faire attribuer à quelque ville étrusque, voisine du Latium3; et le mélange des lettres étrusques, г, O, A, grecque, Z, et latines, E, I, qui se remarque dans l'inscription, à peu près comme dans la légende ZEIC, des médailles de Signia, viendrait à l'appui de cette présomption. C'était sans doute cette considération qui avait porté Carelli à réunir, sur la même planche, ses prétendues médailles de Véies à celles des villes du Latium, Alba Fucentia, Signia, Aquinum et Cosa; et M. Cavedoni, qui ne pouvait partager son erreur, l'a suivi à regret dans cette disposition, ainsi qu'il le déclare, parce qu'il n'était pas maître de changer l'ordre des planches : Unde etiam in hac tabula numos etruscos latinis admiscuit, quos hic inviti describimus, ne perturbetur ordo tabularum. A notre tour, nous avons cru devoir consigner ici cette déclaration du savant éditeur, pour qu'on ne le rende pas responsable de la faute de Carelli. La même planche lui fournit encore l'occasion de rectifier deux erreurs commises par Carelli au sujet des médailles de Cosa, qu'il attribuait à une Cosa du Liris, qui n'exista jamais, mais qui, de l'avis d'Avellino, suivi par tous les numismatistes, doivent être restituées à la Cosa des Hirpins, et dont la seconde, réputée à tort de Cosa, d'après la légende mal lue, KOчANO, est une de ces monnaies campaniennes, frappées suivant toute apparence à Capoue, du temps de l'alliance romaine, avec l'inscription ROMANO.

1

Sestini, Class. general. p. 7. C'est à tort que Millingen regardait Lanzi comme l'auteur de cette attribution, Considér. sur la numism. de l'anc. Italie, p. 174, 1). Lanzi se bornait à lire sur ces médailles le vrai nom Peithesa, qu'il regardait comme celui d'une ville étrusque inconnue, et il avait raison, Saggio, t. II, p. 22, Supplément, t. I, p. 204, no 53-55. 'Millingen était d'avis que ces monnaies appartenaient à une ville nommée Peithesa et située au voisinage de Tuder, où elles se retrouvent ordinairement, Considérations, etc., p. 170.

tav. v, n. 11.

2

Les médailles de Camars, publiées pl. x1, n° 2, 3, 4, devaient être écartées du recueil de Carelli, attendu qu'elles ne méritent aucune confiance. Les inscriptions, présumées étrusques, qui se lisent sur des exemplaires du musée d'Arigoni1 et du musée d'Hédervar2, paraissent être le résultat d'une illusion d'antiquaire, aussi bien que le type même du Chasseur debout derrière le sanglier; c'est, du moins, ce qu'avait soupçonné Sestini3, et ce que déclare M. Cavedoni, d'après deux exemplaires du musée d'Este qu'il a sous les yeux. Millingen affirmait aussi que les légendes étaient entièrement supposées, et que le mauvais état des médailles, dont le métal était altéré par l'oxydation, avait pu seul permettre à des esprits prévenus d'y voir tout ce qu'ils désiraient y trouver 5. On doit donc retrancher de la numismatique les prétendues médailles de Camars, qui ne figurent pas en effet dans le récent travail d'Avellino; et il est tout à fait inutile de leur chercher une patrie, soit à Cære, de l'Étrurie, comme le proposait K. Ott. Müller, soit à Camers ou Camerinum, de l'Ombrie, comme le pensait en dernier lieu M. Lepsius. Mais ce point établi, il reste encore à fixer l'attribution des monnaies onciales du module de quadrans, dont le type, consistant en un sanglier courant à droite, est reproduit sur chaque face, avec trois globules, et sans inscription. Ces médailles se rencontrent assez communément, et l'une d'elles est gravée dans le recueil de Carelli, pl. xi, no 1. Le savant éditeur les range parmi les incertaines de la Campanie, tout en proposant aussi l'Apulie. Sur quoi je prendrai la liberté d'observer que, pour aucune des villes de la Campanie, grecques, osques et latines, il n'est prouvé, jusqu'ici, qu'elles aient eu de la monnaie onciale, tandis qu'il est avéré que plusieurs villes de l'Apulie, notamment Venusia et Luceria, possédèrent en abondance des monnaies onciales, au point qu'il existe plusieurs séries de l'as de Luceria; et, en second lieu, que le type du sanglier est connu sur les médailles des villes de l'Apulie, telles qu'Arpi et Salapia. Il y aurait donc toute probabilité à ranger les prétendues médailles de Camars parmi les incertaines de l'Apulie, en attendant que quelque nouveau monument numismatique nous fasse connaître par une inscription leur véritable patrie.

Le savant éditeur de Carelli assigne aux incertaines de l'Étrurie deux médailles, qui se trouvent gravées sur la planche xit, no 1, 2, 3. L'une

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de ces médailles, depuis longtemps connue 1, a pour type principal la tête d'Hercule, couverte de la dépouille du lion, et, au revers, un chien courant à gauche, avec le caractère ; c'est une pièce de bronze; du module 3, dans tous les exemplaires qu'on en possède. Mais M. Cavedoni, qui n'a peut-être jamais vu la médaille même, pourrait être embarrassé de donner les raisons pour lesquelles il la range parmi les incertaines de l'Étrurie, quoique cette opinion, soutenue d'abord par Lanzi2, ait été reproduite encore en dernier lieu par les RR. PP. Marchi et Tessieri 3. Le même caractère M, qui se trouve dans la légende PALACIW, de la médaille de Palacium, de l'Ombrie, a été lu NV par l'illustre Borghesi". Moi-même j'avais proposé depuis longtemps de lire ainsi ce caractère sur la pièce qui nous occupe; et, comme j'en possède un exemplaire très-bien conservé, j'avais pu juger que la fabrique en était certainement campanienne; ce qui me l'avait fait attribuer à Nuceria Alfaterna, dont nous avons des médailles osques, une entre autres avec le type du chien". La discussion à laquelle je m'étais livré au sujet de ces médailles a sans doute échappé à l'attention du savant éditeur de Carelli. Mais, en la lui rappelant aujourd'hui, je puis ajouter que le double type de la tête du Maure et de l'éléphant, qui se rencontre sur la seconde de nos médailles, s'explique très-bien, sur une monnaie de Nuceria, de Campanie, par le séjour de l'armée d'Annibal. Le type de l'éléphant est connu sur des médailles d'autres villes de la Campanie, telles que Capoues et Atella, frappées au temps de la seconde guerre punique 10; et ce serait un fait absolument analogue, un souvenir de l'expédition d'Annibal, que nous offrirait notre médaille de Nuceria.

Les monnaies onciales, représentées sur la planche xiv, n° 1 et 2, avec l'attribution à Pisaurum, de l'Ombrie, ne sont connues jusqu'ici que par le livre d'Olivieri", d'où les avait empruntées Guarnacci 12. La forme des lettres grecques, 17 et 17, employées sur des monnaies onciales, rend ces inscriptions très-suspectes; aussi M. l'abbé Cavedoni a-t-il cru devoir réputer fausses, omnino conficti, les monnaies qui les por

3

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Fr.

1 Mus. Hunter. tab. 35, n. xxI. 2 Saggio, etc., t. II, p. 92-95; tav. vii, n. 12. L'Es grave del Mus. Kircher, tav. di supplem. cl. III, n. 5, 6. — Fr. Carelli, Num. vet. Ital. tab. x11, 5. Borghesi, apud Gennarell. Mon. prim. dell' Ital. p. 35-36. Journ. des Savants, mai 1841, p. 261-263. Carelli, Num. vet. Ital. tab. LXXXVI, 7. Ibid. tab. LXIX, n. 15. 9 Ibid. tab. Voyez ma Notice sur les fouilles de Capoue, p. 98. Fondaz. di Pesar. p. 24 et 25. L'auteur avait tiré ces médailles de planches laissées inédites Gori, sans avoir pu savoir quel en était le possesseur. Orig. ital. t. II, p. 180, tav. xv, 3.

LXX, 13, 14.......

par

10

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il Olivieri,

12 Guarnacci,

tent; et il est sensible que Millingen était de cet avis, exprimé encore en dernier lieu par M. Mommsen 1, lorsqu'il affirmait qu'on ne connaissait pas de monnaies de Pisaurum2. Cependant Avellino, qui s'est occupé particulièrement des médailles de Pisaurum, et qui en compte cinq, parmi lesquelles il comprend les deux dont il s'agit, sous les n° 4 et 53, déclare qu'il a vu chez un antiquaire de Naples une des médailles en question, non fondue, mais frappée, et, du reste, sans aucun vestige de l'inscription. Si les médailles sont réellement antiques, ce que le témoignage d'Avellino permet difficilement de mettre en doute, il ne resterait donc à rejeter que l'inscription, justement suspecte, 417, sur laquelle se fonde l'attribution à Pisaurum; et c'est une question qui ne saurait être décidée, puisque Lanzi déclare qu'on ne sait en quelles mains se trouvent les médailles publiées par Olivieri, et que, depuis, elles n'ont été vues par aucun antiquaire. Je renvoie, du reste, pour tout ce qui regarde les médailles de Pisaurum, au travail exact et critique d'Avellino 5.

Les planches xxXI à LVIII offrent la suite des as romains connus de Carelli, et tirés pour la plupart des recueils de Zélada, d'Arigoni et de quelques autres, sans qu'il y en ait à peine quelques-uns de nouveaux, ajoutés d'après la collection propre de Carelli. Nous n'avons donc aucune observation à faire sur cette partie du recueil de Carelli, d'autant plus que la suite des as romains est maintenant bien plus considérable qu'elle ne l'était du temps où l'antiquaire napolitain disposait ses planches, par suite du travail des RR. PP. Marchi et Tessieri. Parmi ses as romains, Carelli a trop souvent mêlé des as italiques, dont l'attribution

3

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1 Ueber das Röm. Münzwesen, p. 225, 4). • Considérations, etc., p. 156. Ital. vet. numism. p. 78, 3). Eckhel avait déjà reconnu que l'inscription était fausse, vitiata inscriptione, et il s'appuyait sur cette observation, vraie encore de notre temps, comme du sien, qu'il n'existait point d'inscription grecque sur les monnaies onciales, Doctr. num. t. I, P. 97. ⚫ Carelli possédait une médaille grecque, qu'il n'a pas fait graver sur ses planches, mais qu'il a comprise dans sa Description, p. 1, avec l'attribution douteuse à Pisaurum. C'était une monnaie de bronze, avec une tête de Minerve casquée de face, d'un côté, et le Cerbère en marche, de l'autre. Les restes d'une légende grecque, ...ZA..., qu'il avait cru y découvrir de ce côté, motivaient, mais faiblement à ses yeux mêmes, cette attribution à Pisaurum. Déjà Avellino avait reconnu que les lettres restées visibles sur la médaille étaient plutôt...AEA, et, d'après un autre exemplaire mieux conservé de la même médaille, publié par M. de Cadalvène, Rec. de méd. grecques, p. 154, où se lisait la légende presque entière EAE..., il proposait de la rendre à une ville de la Béotie; voy. ses Annotat. in Carell. Num. Descript. p. 2. Je crois avoir fixé définitivement l'attribution de cette médaille, qui appartient à la ville d'Éléa d'Épire; voy. mes Monum. inéd. Odysséide, p. 368, 2).

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