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Va le trouver. Dis-lui qu'il apprenne à l'ingrat
Qu'on l'immole à ma haine, et non pas à l'État.
Chere Cléone, cours ! Ma vengeance est perdue
S'il ignore en mourant, que c'est moi qui le tue.

CLÉ ONE.
Je vous obéirai. ... Mais qu'est-ce que je voi ?....
O Dieux! qui l'auroit cru ? Madame, c'est le Roi!

HERMIONE.
Ah! cours après Oreste , et dis-lui, ma Cléone,
Qu'il n'entreprenne rien sans revoir Hermione.

( Cléone sort.)

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PYRRHUS.
Vous ne m'attendiez pas , Madame , et je vois bien
Que mon abord ici trouble votre entretien.
Je ne viens point, armé d'un indigne artifice,
D’un voile d'équité couvrir mon injustice.
Il suffit que mon cæur me condamne tout bas;
Et je soutiendrois mal ce que je ne crois pas.
J'épousc une Troyenne; oui, Madame, et j'avoue
Que je vous ai promis la foi que je lui voue.
Un autre vous diroit que , dans les chanıps Troyens ,
Nos deux peres, sans nous, formerent ces liens,
Et que sans consulter ni mon choix, ni le vôtre,

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Nous fûmes, sans amour, ergagés l'un à l'autre;
Mais c'est assez pour moi que je me sois soumis :
Par mes Almbassadeurs mon caur vous fur promis.
Loin de les révoquer, je voulus y souscrire.

y
Je vous vis avec eux arriver en Epire ;
It, quoique d'un autre ail l'éclat victorieux
Eût déja prévenu le pouvoir de vos yeux ,
Je ne m'arrêtai point à cette ardeur rouvelle ,
Je oulus m'obstiner à vous être fidele.
Je vous reçus en Reine, et , jusques à ce jour,
J'ai cru que mes sermens me tiendroient lieu d'amour.
Mais cet amour l'emporte; et, par un coup funeste,
Andromaque m'arrache un cæur qu'elle déteste.
L’un par l'autre entraînés, nous courons à l'autel
Nous jurer, malgré nous, un amour immortel.
Après cela , Madame, éclater contre un traître,
Qui l'est avec douleur, et qui pourtant veut l'être.
Pour moi, loin de contraindre un si juste courroux,
Il me soulagera peut être autant que vous.
Donnez-moi tous les noms destinés aux parjures.
Je crains votre silence, et non pas vos injures ;
Et mon cæur, soulevant mille secrets témoins,
M'en dira d'autant plus que vous m'en direz moins.

HERMIONE.
Seigneur , dans cet aveu dépouillé d'artifice,
J'aime à voir que du moins vous vous rendiez justice,
Et que , voulant bien rompre un næud si solemnel,
Vous vous abandonnicz au crime en criminel.
Est-il juste, après tout, qu’un Conquérant s'abaisse
sous la servile loi de garder sa promesse?

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Non, non, la perfidie a de quoi vous tenter.
Lt vous ne me cherchez que pour vous en vanter.
Quoi! sans que ni serment , ni devoir vous retienne,
Rechercher une Grecque, amant d'une Troyenne?
Me quitter , ine reprendre , et retourner encor
De la fille d'Hélene à la veuve d'Hector;
Couronner, tour-à-tour, l'Fsclave et la Princesse ,
Immoler Troie aux Grecs, au fils d'Hector la Grece:
Tout cela part d'un cour toujours maître de soi,
D'un Héros qui n'est point esclave de sa foi!
Pour plaire à votre épouse il vous faudroit peut-être
Prodiguer les doux noms de pariure et de traître.
Vous veniez de mon front observer la pâleur,
Pour aller dans ses bras rire de ma douleur.
Picurante après son char vous voulez qu'on me voie;
Mais , Seigneur, en un jo!ır, ce seroit trop de joie.
Et sans chercher ailleurs des titres empruntés
Ne vous suffit-il pas de ceux que vous portez ?
Du vieux pere d'Hector la valeur abattue
Aux pieds de sa famille expirante à sa vue,
Tandis que dans son sein votre bras enfoncé
Cherche un reste de sang que l'âge as oit glacé,
Dans des ruisseaux de sang Troie ardente plongée,
De votre propre main Polyxene égorgée,
Aux yeux de tous les Grecs indignés contre vous ;
Quc peut-on refuser à ces généreux coups ?

PYRRHUS.
Madame, je sais trop à quel excès de rage
La vengeance d'Hélene cmporta mon courage.
Se puis me plaindre à vous du sang quc j'ai versé ;

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21

Mais, enfin, je consens d'oublier le passé.
Je rends graces au Ciel que votre indifférence
De mes heureux soupirs m’apprenne l'innocence.
Mon cæur, je le vois bien, trop prompt à se gêner ,
Devoit micux vous connoître, et mieux s'examiner.
Mes remords vous faisoient une injure mortelle:
Il faut se croire aimé pour se croire infidele.
Vous ne prétendiez point m'arrêter dans vos fers.
J'ai craint de vous trahir; peut-être je vous sers.
Nos cæurs n'étoient point faits dépendans l'un de

l'autre :
Je suivois non devoir, et vous cédiez au vôtre.
Rien ne vous engageoit à ni’aimer, en effet.

HERMIONE.
Je ne t'ai point aimé, cruel ! qu’ai-je donc fait ?
J'ai dédaigné pour toi les væux de tous nos Princes,
Je t'ai cherché moi-niême au fond de tes provinces,
J'y suis encor, malgré tes infidélités,
Et malgré tous mes Grecs, honteux de mes bontés ;
Je leur ai commandé de cacher inon injure ,
J'attendois, en secret , le retour d'un parjure ;
J'ai cru que, tôt ou tard , à ton devoir rendu ,
Tu me rapporterois un caur qui m'étoit dû :
Je t’aimois inconstant, qu'aurois-je fait fidelle?
Et même en ce moment où ta bouche cruelle
Vient si tranquillement in’annoncer le trépas,
Ingrat! je doute encor si je ne taime pas...
Mais, Scigneur, s'il le faut, si le Ciel en colere
Réserve à d'autres yeux la gloire de vous plaire ,
Achevez votre hymen : j'y consens ; mais , du moins ,

f

Ne forcez pas mes yeux d'en être les témoins,
Pour la derniere fois je vous parle, peut-être :
Différez-le d'un jour, demain vous serez maître....
Vous ne répondez point... Perfide ! je le voi,
Tu comptes les nomens que tu perds avec moi.
Ton coeur impatient de revoir ta Troyenne
Ne souffre qu'à regret qu’une autre tcntretienne !
Tu.lui parles du cæur, tu la cherches des yeux.
Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux :
Va lui jurer la foi que tu m'avois jurée,
Va profaner des Nieux la majesté sacrée.
Ces Dieux, ces justes Dieux n'auront pas oublié
Que les mêmes sermens avec moi t'ont lié.
Porte aux pieds des autels ce cour qui m'abandonne.
Va, cours, mais crains encor d'y trouver Hermione.

(Elle sorto)

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