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Malgré lui-même, enfin, je l'ai cru magnanime.
Ah! s'il l'étoit assez pour nous laisser du moins
Au tombeau qu’à ta cendre ont élevé mes soins;
Et que, finissant là sa haine et nos miseres ,
Il ne séparât point des dépouilles si cheres !

( Elle fait quelques pas pour soriir. )

PYRRHUS, à Phænix.
Va m'attendre , Phænix.

(Phænix sort.)

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Madame, demeurc....

On peut vous rendre encor ce fils que vous plearez.
Oui, je sens , à regret , qu'en excitant vos larmes
Je ne fais contre moi que vous donner des armes.
Je croyois apporter plus de haine en ces lieux ;
Mais, Madame , du moins tournez vers moi les yeux.
Voyez si mes regards sont d'un juge sévere,
S'ils sont d’un ennemi qui cherche à vous déplaire.
Pourquoi me forcez-vous vous-même à vous trahir?
Au nom de votre fils , cessons de nous hair!
A le sauver , enfin, c’est moi qui rous convie.
Faut-il que mes soupirs vous demandent sa vie ?
Faut-il qu'en sa faveur j'embrasse vos genoux ?

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Pour la derniere fois, sauvez-le, sauvez-vous.
Je sais de quels sermens je romps pour vous les chaînes ;
Combien je vais sur moi faire éclater de haines.
Je renvoic Hermione , et je mets sur son front,
Au lieu de ma couronne, un éternel affront,
Je vous conduis au Temple où son hymen s'apprête ,
Je vous ccins du bandeau préparé pour sa tête ;
Mais ce n'est plus, Madame, une offre à dédaigner.
Je vous le dis, il faut ou périr , ou régner.
Mon cæur, désespéré d'un an d'ingratitude,
Ne peut plus de son sort souffrir l'incertitude.
C'est craindre, menacer et gémir trop long-tems.
Je meuis si je vous perds; mais je mcurs si j'attends.
Songez-y ; je vous laisse , et je viendrai vous prendre
Pour vous mener au Temple où ce fils doit m'attendre;
Et là vous me verrez soumis, ou furieux,
Vous couronner, Madame, ou le perdre à vos yeux,

( Pyrrhus sorr.)

SCE N E VIII.

ANDRO MA QUE, CÉ PHIS Ä.

CÉPHISE. Jer

E vous l'avois prédit , qu'en dépit de la Grece
De votre sort encor vous seriez la maîtresse.

ANDROMA QUR.
Hélas ! de quel effet tes discours sont suivis !
Il ne me restoit plus qu'à condamner mon fils.

CÉPHISI,

CÉ PHIS E.
Madame, à votre époux c'est être assez fidelle ;
Trop de vertu pourroit vous rendre criminelle.
Lui-même il porteroit votre ame à la douceur.

ANDRO MAQUE.
Quoi! je lui donnerois Pyrrhus pour successeur ?

CÉPHISE
Ainsi le veut son fils que les Grecs vous ravissent.
Pensez-vous qu'après tout ses mânes en rougissent ?
Qu'il méprisât, Madame, un Roi victorieux
Qui vous fait remonter au rang de vos ayeux ?
Qui foule aux pieds, pour vous, vos vainqueurs en

colerc ,
Qui ne se souvient plus qu'Achille étoit son pere,
Qui dément ses exploits, et les rend superflus?

ANDROMAQU E.
Dois-je les oublier, s'il ne s'en souvient plus?
Tois-je oublier Hector privé de funérailles,
Et traîné sans honneur autour de nos murailles ?
Dois je oublier son pere à mes pieds renversé,
Ensanglantant l'autel qu'il tenoit embrassé ?
Songe, songe , Céphise, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle,
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelans ,
Entrant à la lucur de nos palais brûlans ;
Sur tous mes freres morts se faisant un passage,
de
sang tout couvert ,

échauffant le carnage. songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mou

Et ,

rans ,

Dans la famme étouffés , sous le fer expirans.

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Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue !
Voilà comme Pyrrhus vint s'offrir à ma vue,
Voilà par quels exploits il sut sc couronner ,
Enfin voilà l'époux que tu me veux donner !
Non, je ne serai point complice de ses crimes;
Qu'il nous prennc, s'il veut, pour dernieres victimes:
Tous mes ressentimens lui seroient asservis !

CÉPHISE.
Eh! bien, allons donc voir expirer votre fils.
On n'attend plus que vous... Vous frémissez, Madame?

ANDROMA QUE.
Ah ! de quel souvenir viens-tu frapper mon ame !
Quoi! Céphise , j'irai voir expirer encor
Ce fils, ma seule joie, et l'image d'Hector;
Ce fils, que de sa famme il me laissa pour gage !
Hélas ! je m'en souviens ! le jour que son courage
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas ,
Il demanda son fils , et le prit dans ses bras :
<< Cherc épouse , dit-il, en essuyant ines larmes ,
» J'ignore quel succès le sort garde à mes armes ;
» Jc te laisse mon fils pour gage de ma foi :
» S'il me perd , je prétends qu'il me retrouve en toi.
» si d'un heureux hymen la mémoire t'est chere,
» Montre au fils à quel point tu chérissois le pere !
Et je puis voir répandre un sang si précicux ?
Et je laisse avec lui périr tous ses ayeux ?....
Roi barbarc, faut-il que mon crime l'entraîne?
si je te hais , est-il coupable de ma hainc?
T'a-t-il de tous les siens reproché le trépas ?
s'est-il plaint à tes yeux des maux qu'il ne sent pas ?...

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Mais cependant, mon fils, iu meurs, si je n'arrête
Le fer que le cruel tient levé sur ta tête.
Je l’en puis détourner, et je t'y vais offrir....
Non, tu ne mourras points je ne le puis souffrir....
Allons trouver Pyrrhus.... Mais non, chere Céphise,
Va le trouver pour moi.

CÉ PHI SE.

Quc faut-il quc je dise?

ANDROMA QUE.
Dis-lui que de mon fils l'amour est assez fort....
Crois-tu , que dans son cæur, il aic juré sa mort?
L’amour pcut-il si loin pousser sa barbarie?

CÉPHISE.
Madame , il va bientôt revenir en furie.

ANDROMAQUL.
Eh ! bien, va l'assurer....

CÉ PHISI.

De quoi , de votre foi ?

ANDRO MA QUE.
Hélas ! pour la promettre est-elle encore à moi !....
O cendres d'un époux! Ô Troyens! ô mon pere !
O mon fils, que tes jours coûtent cher à ta mere !....
Alions.

CÉ PHISE.
Où donc, Madame , et que résolvez-vous ?

ANDROMAQUE.
Allons, sur son tombeau, consulter mon époux.

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ܙ

Fin du troisieme Acte.

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