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Ah! que vous me verriez d'un regard bien contraire!
Vous me voulez aiiner , et je ne puis vous plaire;
Et l'amour seul alors se faisant obéir
Vous m'aimeriez , Madame, en me voulant hair.
o Dieux ! tant de respects , unc amitié si tendre....
Que de raisons pour moi, si vous pouviez m'entendre!
Vous seule pour Pyrrhus disputez aujourd'hui :
Peut-être malgré vous, sans doute malgré lui;
Car enfin il vous hait. Son ame, ailleurs éprise,
N'a plus....

HERMION .

Qui vous l'a dit, Seigneur, qu'il me méprise? Ses regards, ses discours vous l'ont-ils donc appris ? Jugez-vous que ma vue inspire des mépris ? Qu'elle allume en un cour des feux si peu durables? Peut-être d'autres yeux me sont plus favorables.

ORESTE. Poursuivez. Il est beau de m'insulter ainsi !.... Cruelle ! c'est donc moi qui vous méprise ici ? Vos yeux n'ont pas assez éprouvé ma constance? Je suis donc un téinoin de leur peu de puissance !... Jc les ai méprisés !... Ah ! qu'ils voudroient bien voir Mon rival comme moi mépriser leur pouvoir !

HERMIONE.
Que m'importe, Scigneur, sa haine , ou sa tendresse ?
Allez contre un rebelle armer toute la Grece,
Rapportez-lui le prix de sa rébellion ;
Qu'on fasse de l'Épire un second Ilion:
Allez. Après cela direz-vous que je l'aime?

OR ESTE
Madame, faites plus, et venez-y vous-même.

Cu

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Voulez-vous demeurer pour ôtage en ces lieux ?
Venez dans tous les cours faire parler vos yeux.
Faisons de notre haine une commune attaque.

HERMIONE.
Mais , Seigneur, cependant, s'il épouse Andromaque ?

ORESTE Eh! Madaine !....

HERMIONE.

Songez quelle honte pour nous, si d'une Phrygienne il devenoit l'époux!

OR ESTE Et vous le haïssez !.... Avouez-le , Madame, L'amour n'est pas un feu qu'on renferme en une ame: Tout nous trahit, la voix, le silence , les yeux ; Et les feux mal couverts n'en éclatent que mieux.

HERMIONE. Seigneur , je le vois bien, votre ame prévenue Répand sur mes discours le venin qui la tue, Toujours dans mes raisons cherche quelque détour Et croit qu'en moi la haine est un effort d'amour. Il faut donc m'expliquer ; vous agirez ensuite. Vous savez qu'en ces lieux mon devoir m'a conduite : Mon devoir m'y retient; et je n'en puis partir Que mon pere ou Pyrrhus ne m'en fasse sortir. De la part de mon pere allez lui faire entendre Que i'cnnemi des Grecs ne peut être son gendre. Du Troyen ou de moi faites-le décider ; Qu'il songe qui des deux il veut rendre, ou garder. Enfin, qu'il me renvoie, ou bien qu'il vous le livre. Adieu : s'il y consent, je suis prête à vous suivre.

(Elle sort, avec Cléone. }

SCE N E 1 I I.

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OR E S T E, seul.
Oui, oui, vous me suivrez ; n'en doutez nullement:
Je vous réponds déja de son consentement!...
Je ne crains pas enfin que Pyrrhus la retienne:
Il n'a devant les yeux que sa chere Troyenne ;
Tout autre objet le blesse, et peut-être aujourd'hui
Il n'attend qu'un prétexte à l'éloigner de lui.
Nous n'avons qu’à parler, ç'en est fait. Quellc joie
D'enlever à l'Epire une si belle proie !....
Sauve tout ce qui reste et de Troic et d'Hector,
Garde son fils, sa veuve er mille autres encor
Épire, c'est assez qu'Hermione rendue
Perde à jamais tes bords et ton Prince de vue....
Mais un heureux destin le conduit en ces lieux:
Parlons.... A tant d'attraits, Amour , ferme ses yeux.

SCENE I V.

PYRRHUS, PHENIX, OREST E.

PYRRHUS, à Oreste.
Je vous cherchois, Seigneur. Un peu de violence
M'a fait de vos raisons combattre la puissance ,
Jc l'avoue; et, depuis que je vous ai quitté,

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J'en ai senti la force et connu l'équité.
J'ai songé, comme vous, qu'à la Grece, à mon pere ,
A moi-même, en un mot, je devenois contraire ;
Que je relevois Troie , et rendois imparfait
Tout ce qu'a fait Achille, et tout ce que j'ai fait.
Je ne condamne plus un courroux légitime ;
Et l'on vous va, Scigneur, livrer votre victime.

ORE STE.

Seigneur, par ce conseil prudent et rigoureux
C'est acheter la paix du sang d'un malhcureux.

PYRRHUS.

Qui; mais je veux , Seigneur , l'assurer davantage.
D'une éternelle paix Hermione est le gage ;
Je l'épouse. Il sembloit qu'un spectacle si doux
N'attendît en ces lieux qu'un térnoin tel que vous.
Vous y représentez tous les Grecs et son pere,
Puisqu'en vous Ménélas voit revivre son frere.
Voyez-la donc : allez. Dites lui que demain
J'attends , avec la paix, son cæur de votre main.

ORISTE, à part, en sortant.
Ah! Dieux !...

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En ! bien, Phoenix , l'amour est-ille maître ?

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Tes yeux refusent-ils encor de me connoître ?

PHONIX.
Ah ! je vous reconnois; et ce juste courroux,
Ainsi qu'à tous les Grecs , Seigneur , vous rend à vous.
Ce n'est plus le jouet d'une flamme servile;
C'est Pyrrhus, c'est le fils et le rival d'Achille
Que la gloire, à la fin, ramene sous ses loix
Qui triomphe de Troie une seconde fois.

PYRRHUS.
Dis plutôt qu'aujourd'hui commence ma victoire.
D'aujourd'hui seulement je jouis de ma gloire;
Et mon cæur, aussi fier que tu l'as vu soumis ,
Croit avoir en l'amour vaincu mille ennemis.
Considere , Phænix, fes troubles que j'évite;
Quelle foule de maux l'amour traîne à sa suite,
Que d'amis, de devoirs j'allois sacrifier;
Quels périls !... Un regard m'eût tout fait oublier.
Tous les Grecs conjurés fondoient sur un rebelle....
Je trouvois du plaisir à me perdre pour elle,

PHONIX.
Oui, je bénis , Seigneur, l'heureuse cruauté
Qui vous rend....

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