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CLÉONE.

Quoi ! vous en attendez quelque injure nouvelle?
Aimer une captive, et l’aimer à vos yeux ,
Tout cela n'a donc pu vous le rendre odieux ?
Après ce qu'il a fait, que sauroit-il donc faire ?
Il vous auroit déplu, s'il pouvoit vous déplaire.

HERMIONE.
Pourquoi veux-tu , cruelle ! irriter mes ennuis ?
Je crains de ine connoître en l'état où je suis.
De tout ce que tu vois tâche de ne rien croire !
Crois que je n'aime plus ; vante-moi ma victoire :
Crois que, dans son dépit, mon coeur est endurci ,
Hélas ! et s'il se peut, fais-le moi croire aussi !
Tu veux que je le fuic ? eh ! bien , rien ne m'arrête.
Allons, n'envions plus son indigne conquête ;
Que sur lui sa captive étendc son pouvoir :
Fuyons.... Mais si l'ingrat rentroit dans son devoir ,
Si la foi dans son cæur retrouvoit quelque place,
s'il venoit à mes pieds me demander sa grace....
Si sous mes loix, amour, tu pouvois l'engager,
s'il vouloit.... Mais l'ingrat ne veut que m'outrager....
Demeurons toutcfois pour troubler leur fortune :
Prenons quelque plaisir à leur être importune ;
Qu, le forçant de rompre un naud si solemnel,
Aux yeux de tous les Grecs rendons-le criminel.
J'ai déja sur le fils attiré leur colere:
Je veux qu'on vienne cncor lui demander la mere.
Rendons-lui les tourmens qu'elle m'a fait souffrir;
Qu'elle le perde, ou bien qu'il la fasse périr,

CLBONE. Vous pensez que des yeux toujours ouverts aux larmes Se plaisent à troubler le pouvoir de vos charmes ? Et qu'un cour accablé de tant de déplaisirs De son persécuteur ait brigué les soupirs ? Voyez si sa douleur en paroît soulagée? Pourquoi donc les chagrins où son ame est plongée ? Contre un amant qui plaît pourquoi tant de fierté ?

HERMIONE.

Hélas ! pour mon malheur, je l'ai trop écouté !
Je n'ai point du silence affecté le mystere :
Je croyois, sans péril, pouvoir être sincere :
Et , sans armer mes yeux d'un moment de rigueur,
Je n'ai, pour lui parler, que consulté mon cour....
Et qui ne se seroit, comme moi, déclaréc
Sur la foi d'un amour si saintement jurée ?
Me voyoit-il de l'ail qu'il me voit aujourd'hui?
Tu t'en souviens encor, tout conspiroit pour lui:
Ma famille vengée, et les Grecs dans la joie,
Nos vaisseaux tout chargés des dépouilles de Troic,
Les exploits de son pere effacés par les siens,
Ses feux que je croyois plus ardens que les miens ,
Mon cour, toi-même enfin de sa gloirc éblouic,
Avant qu'il me trahît , vous m'avez tous trahie....
Mais c'en est trop , Cléone; et quel que soit Pyrrhus,
Hermione est sensible, Oreste a des vertus :
Il sait aimer du moins, et même sans qu'on l'aime;
Et peut-être il saura se faire aimer lui-même,
Allons ; qu'il vienne enfin...e

CLÉONE.

Madame , le voici.

HERMIONE.
Ah! je ne croyois pas qu'il fût si près d'ici.

S C Ε Ν Ε Ι Ι.

ORESTE, HERMIONE, CLÉONE,

HERMIONE, d Oreste.
Le croirai-je, Seigneur, qu'un reste de tendresse
Vous fasse ici chercher une triste Princesse ?
Ou ne dois-je imputer qu'à votre seul devoir
L'heureux empressement qui vous porte à me voir?

ORISTE
Tel est de mon amour l'aveuglement funeste!
Vous le savez, Madame, et le destin d'Oreste
Est de venir sans cesse adorer vos attraits,
Et de jurer toujours qu'il n'y viendra jamais.
Je sais que vos regards vont rouvrir mes blessures,
Que tous mes pas vers vous sont autant de parjures :
Je le sais, j'en rougis; mais j'atteste les Dieux,
Témoins de la fureur de mes derniers adieux,
Quc j'ai couru par-tout où ma perte certaine
Dégageoit mes sermens et finissoit ma peine!
J'ai mendié la mort chez des peuples cruels
Qui n'apaisoient leurs Dieux que du sang des mortels :
Ils in'ont fermé leur Temple; et ces peuples barbares

De

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De mon sang prodigué sont devenus avares.
Enfin je viens à vous; et je me vois réduit
A chercher dans vos yeux une mort qui me fuit.
Mon désespoir n'attend que leur indifférence :
Ils n'ont qu'à m'interdire un reste d'espérance;
Ils n'ont, pour avancer cette mort où je cours,
Qu'à me dire une fois ce qu'ils m'ont dit toujours.
Voilà, depuis un an, le seul soin qui m'anime.
Madame, c'est à vous de prendre unc victime,
Que les Scythes auroient dérobée à vos coups ,
Si j'en avois trouvé d'aussi cruels que vous.

HERMIONE.
Quittez , Seigneur , quittez ce funeste langage:
A des soins plus pressans la Grece vous engage.
Que parlez-vous du Scythe, et de mes cruautés ?
Songez à tous ces Rois que vous représentez.
Faut-il que d'un transport leur vengeance dépende?
Est-ce le sang d'Oreste enfin qu'on vous demande?
Dégagez-vous des soins dont vous êtes chargé.

ORESTE.
Les refus de Pyrrhus m'ont assez dégagé,
Madame; il me renvoie , et quelque autre puissance
Lui fait du fils d'Hector cmbrasser la défense,

HERMIONE, à part.
L'infidele!

ORESTE.
Ainsi donc, tout prêt à le quitter,
Sur mon propre destin je viens vous consulter.
Déja même je crois entendre la réponse
Qu'en secret contre inoi votre haine prononce.

C

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HERMIONE.
Eh! quoi, toujours injustc en vos tristes discours,
De inon jnimitié vous plaindrez-vous toujours ?
Quelle est cette rigueur tant de fois alléguée ?
J'ai passé dans l'Épire où j'étois reléguée :
Mon pere l'ordonnoit į mais qui sait si, depuis,
Je n'ai point en sccret partagé vos ennuis ?
Pensez-vous avoir seul éprouvé des alarmes ?
Que l'Épire jamais n'ait vu couler mes larmes ?
Enfin qui vous a dit que malgré mon devoir,
Je n'ai pas quelquefois souhaité de vous voir?

ORESTE.
Souhaité de me voir ? Ah! divine Princesse !....
Mais , de grace , est-ce à moi que ce discours s'adresse?
Ouvrez vos yeux, songez qu’Oreste est devant vous,
Oreste si long-tems l'objet de leur courroux.

HERMIONE. Oui , c'est vous dont l'amour naissant avec leurs

charmes
Leur apprit le premier le pouvoir de leurs armes ,
Vous, que mille vertus me forçoient d'estimer ;
Vous, que j'ai plaint, enfin, que je voudrois aimer,

ORESTE
Je vous entends. Tel est mon partage funeste:
Le cour est pour Pyrrhus, et les veux pour Oreste

HERMIONE.
Ah! ne souhaitez pas le destin de Pyrrhus,
Je vous haïrois trop !

ORESTE.
Yous m'en aimeriez plus:

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