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A C Τ Ε Ι Ι.

ACTE

SCENE PREMIERE.

CLÉO FILE, ÉP HESTION.

É PHESTION.

Ousy

tandis que vos Rois déliberent ensemble, Et quc tout se prépare au conseil qui s'assemble , Madame, permettez que je vous parle aussi Des secretes raisons qui in'amenent ici. Fidele confident du beau feu de mon maître, Souffrez que je l'explique aux yeux qui l'ont fait naître, Et que, pour ce Héros, j'ose vous demander Le repos qu’à vos Rois il veut bien accorder. Après tant de soupirs, que faut-il qu'il espere ? Attendez-vous encore après l'aveu d'un frere? Voulez-vous que son cour , incertain et confus, Ne se donne jamais sans craindre vos refus ? Faut-il mettre à vos pieds le reste de la terre ? Faut-il donner la paix , faut il faire la guerre ? Prononcez. Alexandre est tout prêt d'y courir, Ou pour vous mériter, ou pour vous conquérir.

CLROFILE. Puis-je croire qu'un Prince, au comble de la gloire,

De mes foibles attraits garde encor la mémoire?
Que, traînant après lui la victoire et l'effroi,
Il se puisse abaisser à soupirer pour moi ?
Des captifs comme lui brisent bientôt leur chaîne :
A de plus hauts desseins la gloire les cntraîne ;
Et l'amour dans leurs cours interrompu, troublé,
Sous le faix des lauriers est bientôt accablé..
Tandis que ce Héros me tint sa prisonniere,
J'ai pu toucher son cour d'une atteinte légere ;
Mais je pense, Seigneur, qu'en rompant mes liens
Alexandre, à son tour, brisa bientôt les siens.

É PH ESTION.
Ah! si vous l'aviez vu brûlant d’impatience,
Compter les tristes jours d'une si longue absence,
Vous sauriiz que l'amour précipitant ses pas ,
Il ne cherchoit que vous en courant aux corbats.
C'est pour vous qu’ori l'a vu, vainqueur de tant de

Princes, D'un cours impétueux trarerser ros provinces, Et briser , en passant, sous l'effort de ses coups , Tout ce qui l'empêchoit de s'approcher de vous. On voit en même champ vos drapeaux et les nôtres : De ses retranchemens il découvre les vôtres ; Mais, après tant d'exploits , ce timide vainqueur Craint qu'il ne soit encor bien loin de votre cour. Que lui sert de courir de contréc en contrée, S'il faut que de ce cour vous lui fermiez l'entrée ? si, pour ne point répondre à de sinceres væux , Vous cherchez chaque jour à douter de ses feux ? Si votre esprit armé de millc défiances...

CLÉOFILE.

Hélas ! de tels soupçons sont de foibles défenses !
Et nos cæurs, se formant mille soins superflus,
Doutent toujours du bien qu'ils souhaitent le plus.
Oui, puisque ce Héros veut que j'ouvre mon ame,
J'écoute avec plaisir le récit de sa famme;
Je craignois que le tems n'en eât borné le cours :
Je souhaite qu'il m'aime, et qu'il m'aime toujours.
Je dis plus : quand son bras força notre frontiere,
Et dans les murs d'Omphis m'arrêta prisonniere,
Mon cæur , qui le voyoit maître de l'univers,
Se consoloit déja de languir dans ses fers ;
Et , loin de murmurer contre un destin si rude.
Il s'en fit, je l'avoue, une douce habitude,
Et de sa liberté perdant le souvenir ,
Même, en la demandant, craignoit de l'obtenir.
Jugez si son retour me doit combler de joie !
Mais tout couvert de sang veut-il que je le voie ?
Est-ce comme ennemi qu'il se vient présenter?
Et ne me cherche-t-il que pour me urmenter?

É PH ESTION.
Non , Madame, vaincu du pouvoir de vos charmes,
Il suspend aujourd'hui la terreur de ses armes ;
Il présente la paix à des Rois aveuglés ,
Er retire la main qui les eût accablés :
Il craint que la victoire, à ses veux trop facile,
Ne conduise ses coups dans le sein dc Taxile.
Son courage , sensible à vos justes douleurs ,
Ne veut point de lauriers arrosés de vos pleurs.

Favorisez les soins où son amour l'engage ;
Exemptez sa valeur d’un si triste avantage,
Et disposez des Rois, qu'épargne son courroux ,
A recevoir un bien qu'ils ne doivent qu'à vous.

CLÉ OFILE.
N'en doutcz point, Seigneur, mon ame inquiétée ,
D'une crainte si juste est sans cesse agitée ;
Je tremble pour mon frere , et crains que son trépas
D’un ennemi si cher n’ensanglante le bras.
Mais en vain je m'oppose à l'ardeur qui l'enflamme,
Axiane et Porus tyrannisent son ame.
Les charmes d'une Reine , et l'exemple d'un Roi ,
Dès que je veux parler , s'élevent contre moi.
Que n'ai-je point à craindre en ce désordre cxtrême ?
Je crains pour lui, je crains pour Alexandre même.
Je sais qu'en l'attaquant cent Rois se sont perdus:
Je sais tous ses exploits; mais je connois Porus.
Nos peuples qu'on a vus, triomphans à sa suite,
Repousser les efforts du Persan et du Scythe,
Et tout fiers des lauriers dont il les a chargés ,
Vaincront à son exemple, ou périront vengés;
Et je crains....

EPHESTION.

Ah ! quittez une crainte si vaine ; .
Laissez courir Porus où son malheur l'entraîne.
Que l'Inde en sa faveur arme tous ses Etats,
Et que le scul Taxilc en détourne ses pas....
Mais les voici.

CLÉOFILE.
Seigneur, achevez votre ouvrage :

Par vos sages conseils dissipez cet orage ;
Ou, s'il faut qu'il éclate, au moins souvenez-vous
De le faire tomber sur d'autres que sur nous.

( Elle sort. )

SCENE I I.

PORUS, TAXILE, ÉPHESTION.

( Ils s'asseient. )

É PH ESTION. A

VANT que le combat qui menace vos têtes , Mette tous vos Etats au rang de nos conquêtes , Alexandre veut bien différer ses exploits , Et vous offrir la paix, pour la derniere fois. Vos peuples, prévenus de l'espoir qui vous flatte , Prétendoient arrêter le vainqueur de l'Euphrate ; Mais l’Hydaspe, malgré tant d'escadrons épars , Voit enfin sur ses bords flotter nos étendards. Vous les verricz plantés jusques sur vos tranchées, Et de sang et de morts vos campagnes jonchées si ce Héros, couvert de tant d'autres lauriers, N'eût lui-même arrêté l'ardeur de nos guerriers. Il ne vient point ici, souillé du sang des Princes , D’un triomphe barbare effrayer vos provinces , Et, cherchant à briller d'une tristė splendeur, Sur le tombeau des Rois élever sa grandeur. Mais, vous-mêmes , troinpés d'un vain espoir de gloire,

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