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du Dictionnaire Dramatique. Déja les rôles de Jocaste et d’Antigone annonçoient les Tragédies d'Andromaque et de Bérénice. Déja l'on croyoit voir Néron dans Etéocle , et dans Polynice , Mithridate. La Thébaïde n'est donc point le foible essai d’un Auteur ordinaire ; c'est le germe des plus rares talens, c'est l'aurore d'un beau jour.»

< Voilà , dit Louis Racine , en parlant de la Thébaïde, dans ses Remarques sur les Tragédies de son pere , voilà d'où est parti celui qui est arrivé jusqu'à Athalie ; et, quelqu'éloigné qu'il en soit , il en prend le chemin , parce qu'il prend le bon chemin. La Thébaide , malgré ses défauts , est le coup d'essai d'un génie qui donne de grandes espérances. Le bon Poëte se fait reconnoître non-seulement par quelques beaux morceaux, comme le monologue de Jocaste dans le troisieme acte , l'entrevue des deux freres dans le quatrieme , et le récit de leur combat dans le dernier, mais par la maniere dont il conduit son sujet , et même par sa prédilection pour ce sujet.»

« Instruit par la lecture d'Aristote que les Poëtes doivenr chercher des sujets terribles , il osa entreprendre un sujet si terrible , qu'on peut

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dire qu'il répand l'horreur plutôt que la terreur ; et il est remarquable que le Poëte qui a été appelé depuis le Peintre de l'amour, ait pour son coup d'essai fait le tableau de la plus affreuse haine qu'on ait jamais vue. Il a fait entrer , à la vérité, l'amour dans ce triste sujet; mais comment eut-il présenté une Piece sans amour ? C'étoit alors être déja très-hardi que de n'y faire entrer que peu d'amour; et on lui en fie apparemment un reproche , puisqu'il paroît s'en justifier dans sa Préface , en disant que si c'étoit à recommencer il ne mettroit peut-être pas plus d'amour dans cette Tragédie, parce qu'il ne trouve que fort peu de place parmi les incestes et les pare ricides de la famille d'Edipe. L'amour n'y en devoit trouver aucune. Celui de Créon ne s'accorde ni avec son âge, ni avec son ambition , et celui d'Antigone ne contribue en rien à l'action. Pourquoi donc, éclairé comine il l'étoit par la lecture des Tragédies grecques, l'Auteur de la Thébaïde a-t-il mis de l'amour dans cette Tragédie ? Il se conformoit au goût de son siecle. On ne connoissoit point alors de Tragédie sans amour. »

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a Quoique la versification de cette Piece , comparée à celle des autres , paroisse foible , on y trouve plusicurs vers très heureux, et quelques-uns qui sont admirables. On y remarque cette grande facilité à riiner à laquelle un jeune homme s'abandonne aussi-bien qu'à la fécondité de son esprit. Quand une pensée lui plaît , il s'y arrête , et la répere en plusieurs vers, à l'exemple de Corneille. Il se corrigera dans la suite de ce défaut, et il saura dire plus de choses en moins de paroles. On le verra aussi devenir autant ennemi des antitheses et des pointes , qu'il en est amoureux dans cette premiere Piece. Quoique nourri de la lecture des bons Auteurs , son premier penchant l'entraîne vers le bel esprit. Le brillant séduit aisément la jeunesse ; et, si l'on fait attention au goût qui régnoit alors, on s'étonnera de ne pas trouver plus de défauts dans cette Piece. Il y ramene la versification au style naturel, et il sait éviter ce ton de déclamation qui se glissoit autrefois dans les Tragédies , comme dans tous les autres Ouvrages.

Ce sujet avoit déja été traité, sous le titre de la Thébaide , par Jean Robelin , en 1, 84, et par

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l'Abbé Boyer, en 1660, dit le Duc de La Valliere , et avec quelques différences, sous le titre d'Antigone ; en 1573 , par Jean-Antoine Baïf; en 1680, par Robert Garnier ; en 1638, par Rotrou , et en 1686, par Pader d’Assezan.

On ne connoît point la Thébaide de Robelin ; mais ce n'est, vraisemblablement, qu'une mauvaise imitation de l'Antigone de Sophocle. Quant à l'Antigone attribuée à l'Abbé Boyer par le Duc de La Valliere, c'est la même Piece que celle de Pader d'Assezan, au jugement des freres Parfaict ; et c'est encore une imitation de Sophocle, ainsi que celles de Baïf et de Garnier, dont nous avons parlé dans notre second volume des Essais historiques sur l'origine et les progrès de l’Art Dramatique en France, et celle de Rotrou, dans notre second volume des Tragédies.

LA THÉBAÏDE,

OU

LES FRERES ENNEMIS,

TRAGÉDIE

DE RACINE;

Représentée sur le Théatre du Palais-Royal , le 29

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