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naissance d'une fille de Madame Vilart, alarmerent ses maîtres et ses parens de Port-Royal. Ils firent tout ce qu'ils purent pour étouffer en lui le goût des Lettres, et lui en inspirer un plus solide. Voyant que le Barreau ne lui plaisoit point , ils essayerenc à le faire pencher vers l'état Ecclésiastique. Un de ses oncles maternels le tenta par l'offre d'un Bénéfice. C'étoit le Pere Sconin , Chanoine Régulier de Sainte-Géneviere , qui , après avoir été Général de son Ordre , cut un Canonicat de la Cathédrale d'Uzès, fut fait Grand-Vicaire et Official de ce Diocese , et pourvu du Prieuré de Saint-Maximin, dans la même ville. Il auroit volontiers résigné ce Prieuré à son neveu, qu'il attira auprès de lui , et RACINE l'auroit accepté, quoiqu'il n'eût point de vocation pour la vie religieuse ; mais les tracasseries qu’un Moine , nommé D. Cosme, forina sur cette résignation , en dégoûterent tout-à-fait RACINE, qui revint à Paris et recommença à faire des vers.

Il débuta encore par une Ode, intitulée, La Renommée aux Muses. Il fut la porter à la Cour, où il avoit déja des protecteurs, outre Colbert,

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entr'autres le Duc de Saint-Aignan. Il présenta son Ode au Roi, qui lui accorda une nouvelle gratification de six cents livres,

« pour lui donner le moyen de continuer son application aux BellesLettres , » est-il dit dans l'ordre , signé par Cola bert.

Ce fut cette Ode qui fit naître sa liaison avec Boileau. Un jeune Abbé Le Vasseur , ami de tous les deux, montra à Boileau l'Ode de La Renommée. Celui-ci la lut avec intérêt , et écrivit des remarques au bas des pages. Racine les vit, les trouva très-judicieuses, et desira d'en connoître l'Auteur. L'Abbé Le Vasseur les rassernbla un jour : ils furent enchantés l'un de l'autre , et se sentirent unis par une amitié, qui n'a fini qu'avec leur vie. On sait combien la sévérité du goût de Boileau a été utile à la correction des Ouvrages de RACINE.

La Thébaïde et Alexandre attirerent, pour ainsi dire , sur leur Auteur les anathêmes de PortRoyal , dont l'entrée lui fut même interdite par ses parentes, et il se crut désigné dans une réponse du célebre Nicole à Desmarets de SaintSorlin , qui avoit écrit contre cette maison. Il se

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mêla à cette querelle , défendit chaudement Théatre , qu'il crur qu’on avoit attaqué en 1 quoiqu'on ne l'eût condamné que dans Desi rets , et il écrivit deux Lettres , dignes de figu à côté des fameuses Provinciales; mais Boile sans avoir alors aucune liaison avec Port-Roy engagea son nouvel ami à renoncer à cette pute , qu'il lui fit regarder comme une sorte d gratitude envers ses anciens maitres.

Racine continua à faire des Tragédi malgré sa scrupuleuse famille et tout P Royal,

, parce que son génie l'entraînoit genre de travail, et malgré le conseil du gr Corneille , qui, après la lecture d'Alexand ne l'y avoit pas jugé propre. On a trèsol remarqué que Corneille avoit trop d'éléva dans l'ame pour que ce conseil lui pût être d par la jalousie, et quelque connoissance dât avoir de la marche de l'esprit humain e. celle de l'Art Dramatique, il pouvoit ne pas tendre Phedre et Athalie de l'Auteur des Fi ennemis et d'Alexandre ; mais lorsqu'Androm, parut , le jeune Auteur avoit déja fait un pa; géant dans la carriere : il en avoit déja attein

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but , et s'il eût voulu se reposer dès-lors, c'eût 'été le repos d'un vainqueur, capable d'inspirer de l'effroi à tous autres combattants.

Toutes les Pieces que donna Racine à la suite d'Andromaque, furent autant de triomphes qu'aucun athlete ne put alors , et n'a pu depuis lui disputer.

La maniere dont il se vit secondé dans ses succès , par le rare talent de l'Actrice célebre , Madame Champmêlé , l'attacha à elle pendant long-tems. Il croyoit lui devoir beaucoup, quoiqu'il l'eût formée par ses conseils. Il la voyoit tous les jours contribuer à sa gloire ; il ne put se défendre d'un sentiment plus rif que la reconnoissance , et qui vint la renforcer en lui. Ceire liaison céda à quelques vues d'intérêt : on la vit s'attacher au Comte de Clermont-Tonnerre, ce qui donna lieu à ces vers :

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« A la plus tendre amour elle fut destinée,
» Qui prit long-tems Racine dans son cæur ;

» Mais , par un insigne malheur,
Le Tonnerre est venu qui l'a déracinée. »

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RACINE avoit obtenu un Bénéfice , qu'il ne conserva pas long.tems , car son fils observe que

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« le Privilege de la premiere édition d’Androma. que, qui est du 28 Septembre 1667, est accordé au sieur Racine, Prieur de l'Épinay, titre qui ne lui est plus donné dans un autre Privilége, accordé quelques mois après , parce qu'il n'étoit déja plus Prieur. » Ce Bénéfice lui fut contesté, et il perdit le procès qu'il eut à soutenir à cette occasion. C'est à l'humeur que lui causa ce procès et son issue, que nous devons sa Comédie des Plaideurs, digne de Moliere, dont elle obtint hautement le suffrage , quoiqu'il fût brouillé avec l'Auteur; et Louis XIV en jugea tout aussi favorablement, puisqu'après y avoir ri aux éclats, il fit donner à RACINE une gratification de douze cents livres, dont l'ordre porte, expressément « en considération de son application aux Belles-Lettres et des Pieces de Théatres qu'il donne au public. »

Britannicus , Bérénice, Bajazet, Mithridate succéderent rapidement à ses premieres Pieces , prouverent, en moins de dix ans, combien de caracteres différens il étoit en état de peindre, de main de maître , quoiqu'il fût encore fort jeune.

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