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teres si opposés ; la vivacité de l'un lui faisant prendre tous les événemens avec trop de sensibilité, et la tranquilité de l'autre la faisant paroître presqu'insensible aux mêmes événemens. »

« Boileau regardoit l'Histoire de Port-Royal des Champs , par mon pere , comme le plus pare fait morceau d'Histoire que nous eussions dans notre langue , et l'Abbé d'Olivet la jugeoit devoir lui donner parmi ceux de nos Auteurs qui ont le mieux écrit en prose , le même rang qu'il tient parmi nos Poëtes. J'espere qu'il auroit ce rang , si les grands morceaux qu'il avoit composés sur l'Histoire du Roi subsistoient encore ; mais quant à cette Histoire particuliere, dont il n'a jamais parlé dans sa famille , voici ce que nous en avons appris par Boileau , dit encore Louis Racine. »

Les Religieuses de Port-Royal des Champs ayant été obligées de présenter un Mémoire à l'Archevêque de Paris, au sujet du partage de leurs biens avec la maison de Port-Royal de Paris, mon pere, toujours disposé à leur rendre service dans leurs affaires temporelles , fit pour elles se Mémoire ; et quoiqu'il ne contînt

qu'une

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et

qu'une explication, en peu de mots, de leur recette et de leur dépense , les premieres copies , écrites de sa main, m'ont fait juger , par les ratures dont elles sont remplies, que ces sortes d'écrits où il faut éviter tout ornement d'esprit , en se bornant à un style précis et pur , lui coûtoient plus de peines que d'autres. L'Archevêque ayant apparemment goûté le style de ce Mémoire , voyant quelquefois mon pere à la Cour , lui dit que puisqu'il avoit été élevé à Port-Royal, personne ne pouvoit mieux que lui le mettre au fait d'une maison dont il entendoit parler de plusieurs manieres très-différentes , et qu'il lui demandoit un Mémoire historique qui pût l'ins. truire de ce qui s'y étoit passé. »

« Tous ceux qui ont eu quelque liaison avec mon père, ont toujours reconnu la même simplieité dans ses mæurs que dans sa foi , et ont en même-tems admiré le zele avec lequel il se portoit à servir ses amis. Ce fut avec ce même zele qu'il écrivit l'Histoire de Port-Royal, dans l'espérance de rendre favorables à ces Religieuses les sentimens de leur Archevêque , et, selon les apparences, sans intention de la publier, il

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remit cette Histoire à un ami, la veille de sa

mort. »

La preiniere partie en fut imprimée seule en 1742 , et en 1767 on publia les deux ensemble,

On a encore de RACINE une réponse au Discours de l'Abbé Colbert , lors de sa réception à l'Académie Françoise , le 39 Octobre 1678, et on lui attribue un Discours adressé à Louis XIV, et prononcé devant lui par ce même Abbé Colbert, devenu Coadjuteur de Rouen , à la tête de l'Assemblée du Clergé, et une Relacion de ce qui s'est passé au siége de Namur. Ces morceaux sont imprimés ; le premier et le dernier dans les Euvres complettes de RACINE, et le second dans les Mémoires du Clergé.

Racine eut le projet de traiter quelques autres sujets de Tragédies que celles que nous avons de lui; mais on n'a trouvé dans ses papiers que le plan du premier acte d'une Iphigénie en Tauride. Ce plan fait voir comment il écrivoit chaque scene en prose ; et quand il avoit lié toutes ses scenes ensemble , il disoit : Ma Tragédie est faite, comptant le reste pour rien , tant il avoit de facilité à faire les vers.

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« Il avoit encore eu le dessein de traiter le sujet d’Alceste, et Longepierre m’a assuré qu'il lui en avoit entendu réciter quelques morceaux ; c'est tout ce que j'en sais , dit son fils. Quelques personnes prétendent qu'il vouloit aussi traiter le sujet d'@dipe ; ce que je ne puis croire , puisqu'il a dit souvent qu'il avoit osé joûter contre Euripide , mais qu'il ne seroit jamais assez hardi pour joûter contre Sophocle. L'eut-il osé, sur-tout dans la Piece qui est le chefd'oeuvre de l'antiquité ? Il est vrai que le sujet d'Edipe , où l'amour ne doit jamais trouver place , sans avilir la grandeur de ce sujet, et même sans choquer la vraisemblance , convenoit au dessein qu'il avoit de purifier entiére. ment notre Théatre, et de ramener la Tragédie des anciens , en faisant voir qu'elle pouvoit être parmi nous, comine chez les Grecs , exempte d'amour. »

Boileau avoit fait ces quatre vers pour être mis au bas du portrait de RACINE : « Du Théatre François l'honneur ct la merveille, 97 Il sut ressusciter Sophocle en ses écrits ; » Et dans l'art d'enchanter les caurs et les esprits >> Surpasser Euripide et balancer Corneille. »

6 Cet éloge est grand ; mais il est mérité et n'a pas

éré contredit , observent les Auteurs des Annales Poétiques. La place de RACINE est fixée depuis long-tems auprès de Corneille pour la Tragédie , et à la tête de tous les Poëtes François pour la versification. Boileau seul pouvoit lui disputer cette derniere place , et il a la gloire d'avoir été son maître ; mais quelque perfection qu'offrent les vers de Boileau , l'exquise sensibilité qui a dicté si souvent ceux de RACINE leur donne un charme qui les met au-dessus de tout. Avant ces deux grands Hommes la Poésie Françoise étoit au même point que la prose avant Pascal. Ce sont eux trois qui ont fixé la langue. On n'avoit gueres écrit que des morceaux , des scenes de Tragédies : RACINE a le premier écrit en vers élégans une Piece entiere. On lui a reproché d'être monotone. Comme il diversifie cependant son style , suivant ses sujets ! Grave et profond dans Britannicus, tendre et abondant dans Bérénice , passionné dans Phedre , sublime dans Athalie ; toujours vrai, jamais exagéré. Quelle fécondité plus étonnante ? C'est peut-être le seul Poëte de notre Nation que l'on ne se lasse

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