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V ΥΙ I E

DE JEAN RACINE.

JEAN

EAN RACINE naquit à la Ferté-Milon , petite ville du Valois , le 21 Décembre 1639. Nous trouvons dans des Mémoires sur sa Vic, écrits par son second fils, Louis Racine , qu'en 1993 le bisayeul de Jean RACINE possédoit la charge de Fieceveur pour le Roi du Domaine et du Duché de Valois ; que son ayeul fut pourvu de celle de Contrôleur au Grenier à Sel de la même Pro. vince, et que son pere , qui eut aussi cette derniere charge , épousa en 1638, Jeanne Sconin, fille du Procureur du Roi des Eaux et Fo. rêts de Villers-Cotterets , en l'Isle de France.

Dès l'âge de quatre ans, Racine resta orphe. lin de pere et de mere , avec une seur. Leur ayeul maternel les éleva ; mais ils le perdirent encore de bonne heure , et sa veuve s'étant retirée à l'Abbaye de Port-Royal des Champs , où

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elle avoit deux seurs et une fille, Religieuses , elle envoya RACINE dans un Collége à Beauvais, pour y commencer ses études. C'étoit alors le tems des guerres de la fronde , qui se répandirent dans toutes les Provinces ; et, les écoliers s'en mêlant, RACINE fut obligé de se battre comme les autres. Il reçut au front un coup de pierre , dont il lui a toujours resté une marque au-dessus de l'æil gauche. Il racontoit, en plaisantant , que le Principal du Collége l'avoit montré pendant quelques jours à tout le monde comme un brave ; et, cependant,

l'observe son fils, on peut voir dans une de ses Lettres écrite de l'armée à Boileau, qu'il ne vantoit pas sa bravoure.

Après avoir passé quelque tems à Beauvais , il fut appelé à Port-Royal, où l'on le mit d'abord sous la direction de M. Le Maître , frere du célebre de Sacy, et ensuite sous celle de M. Hamon. Avec ces instituteurs , il parvint en moins d'un an à pouvoir entendre tous les Auteurs Grecs et Latins. Il fit même beaucoup de remarques sur Pindare et sur Homere , et Louis Racine dit avoir hérité de son Platon et de son Plu

ainsi que

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tarque , dont les marges, chargées de ses apostilles, prouvent avec quelle attention il les lisoit,

On vouloit le préparer à l'étude de la Jurise prudence, afin de lui faire embrasser le parti du Barreau ; mais il avoit sans cesse entre les mains les Tragédies de Sophocle et d'Euripide , avec lesquelles il s'enfonçoit dans les bois de l'Abbaye ,

, pour méditer ces deux Poëtes , dont il devoit bientôt se montrer le successeur et l'égal.

Il avoit une mémoire prodigieuse, et cette anecdote le prouve. Le Roman des Amours de Théagene et Cariclée, par Héliodore, lui étant tombé entre les mains , il le dévoroit , lorsque son maître de Grec, Claude Lancelot , Sacrisa, tain de l'Abbaye, le surprit dans cette lecture, lui arracha le livre et le jetta au feu. RACINE trouva moyen de s'en procurer un autre exemplaire , qui eut le même sort : il en acheta un troisieme ; et, pour n'avoir plus à craindre qu'on le lui enlevât, il l'apprit par cour, et le porta ensuite à Lancelot , en lui disant : Vous pouvez brúler encore celui-ci comme les autres.

à faire des vers François étant encore à Port-Royal. Six Odes , sur les

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RACINE commença

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beautés locales du lieu , attestent, selon son fils , « plutôt sa passion que son talent pour les vers ; elles font voir qu'on ne doit pas juger un jeune homme par ses premiers Ouvrages, et ceux qui les lurent alors ne durent pas soupçonner que leur Auteur seroit, dans peu, celui d'Andromaque. » Il fit aussi , dans ce tems-là, quelques pieces de vers Latins , un peu moins mauvaises que ses Odes Françoises.

Il vint achever sa Logique à Paris , au College d'Harcourt, d'où il adressa à un de ses amis une Épître en vers François , qui n'annonçoit pas encore un grand talent; mais lors du mariage de Louis XIV , avec l'Infante Marie - Thérese , tous les Écrivains se piquerent d'émulation pour célébrer cette alliance, qui scelloit si glorieusement la paix des Pyrennées, et RACINE composa une nouvelle Ode, intitulée, La Nymphe de la Seine. C'est le premier Ouvrage qu'il ait fait imprimer. Il réussit, et commença à le faire connoître. Il surpassoit de beaucoup et fit bientôt oublier tous ceux des autres Poëtes ses concurrens dans l'expression de la voix publique sur l'heureux événement dont la France s'occu

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poit alors. RACINE avoit montré cette Ode à son oncle, M. Vilart, Intendant de la Maison de Chevreuse , qui l'alla souinettre au jugement de, Chapelain ; car c'étoit alors l'oracle du goût, en matiere de Littérature. Il jouissoit de la plus grande considération et de la confiance particuliere de Colbert. Il découvrit un Poëse dans l'Auteur de la Nymphe de la Seine ; il le recommanda au Mécène des Gens-de-Lettres et des Artistes , et il obtint une gratification de cent louis , qni fut envoyée à RACINE, de la part du Roi, avec le brevet d'une pension de six cents livres. Mais Chapelain ne s'en tint pas aux encouragemens , il donna d’utiles conseils au jeune Poëte. Entr'autres défauts qu'il reconnut dans son Ode , il releva le manque de convenance où l'Auteur étoit tombé, en plaçant des Tritons dans la Seine. Il fallut changer une strophe , pour faire disparoître les Tritons, et l'embarras que ce travail donna à RACINE est plaisamment exprimé dans une de ses Lettres , où il dit : Je voudrois qu'ils fussent bien des fois noyés, tous tani qu'ils sont , pour la peine qu'ils m'ont donnée !

Mais cette Ode et un Sonnet qu'il fit sur la

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