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leur dictoit avec sagesse. Là, il dépeignit le Roi la veillc du jour qu'il partit pour se mettre à la tête de ses armées, écrivant dans son cabinet six lignes pour les envoyer à ses Ambassadeurs , et les Puissances étrangeres ne pouvant s'écarter d'un seul

pas du cercle étroit qui leur étoit tracé par ces six lignes : paroles qui représentoient toujours ces Puissances sous l'image du Roi Antiochus , étonné, quoiqu'à la tête de ses armées, du cercle que l'Ambassadeur Romain traça autour de lui, et obligé de rendre sa réponse avant que d'en sortir.»

« Louis XIV , informé du succès de ce Discours, voulut l'entendre. L'Auteur eut l'honneur de lui en faire la lecture, après laquelle le Roi lui dit : Je suis très-content. Je vous louerois davantage , si vous m'aviez moins loué. »

« Par ce Discours, RACINE prouva qu'il avoit un talent presqu'aussi décidé pour l'éloquence que pour la poésie , observent les Auteurs des Annales Poétiqués. Personne au monde n'étoit plus fait que lui pour sentir ce que valoit le grand Corneille , et il exprima tout ce qu'il sentoit. Le morceau sur Louis XIV parut un

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morceau supérieur; mais un détail qu'on n'y a peut-être pas assez remarqué, c'est le rang que l'Orateur donne aux hommes de génie qui ont illustré leur siecle. On aime à se représenter Racine lisant à Louis XIV cette vérité frappante, bien digne d'un homme aussi pénétré de la noblesse de son art : Quelqu'étrange inégalité que durant leur vie la fortune mette entre les Ecri. vains célebres et les plus grands Héros, après leur mort cette différence cesse ; la postérité fait marcher de pair l'excellent Poëte et le grand Capitaine.

Cette même année, le Marquis de Seignelay, voulant donner , dans sa maison de Sceaux , une fête à Louis XIV, demanda des vers à RACINE, « qui, malgré la résolution qu'il avoit prise de n'en plus faire , dit son fils ,

refuser, dans une pareille occasion, à un Ministre au. quel il étoit fort attaché, et qui étoit le fils de son bienfaiteur. » Il fit l’Idylle sur la Paix. « J'ai plus d'une fois entendu dire à M. le Chancelier, ajoute Louis Racine, en parlant de d'Aguesseau, que l'antiquité ( et qui la connoît mieux que lui ? ) ne nous offroit rien , dans un pareil genre , de si parfait que cette Idylle sur la Paix.

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Il adıniroit comment le Poëte, en faisant parler des Bergers, a su réunir aux sentimens tendres et aux peintures riantes les grandes et terribles images, dans un style toujours naturel , et sans sortir du ton de l’Idylle. Puisqu'il m'est permis de rapporter historiquement les sentimens des autres , et que je rapporte ceux d'un grand Juge, continue Louis Racine, je dirai encore que je l'ai entendu, à ce sujet, faire remarquer l'heureuse disposition du même Auteur à écrire dans tous les genres différens. Est il Orateur ? est-il Historien : il excelle. Est-il Poëre? S'il fait une Comédie , il y fait rire et le Parterre et ceux qui n'aiment que la fine plaisanterie. Dans ses Tragédies , il change de style suivant les sujets. La versification d'Andromaque n'est pas celle de Britannicus ; celle de Phedre n'est pas celle d'A. thalie. Compose-t-il des Choeurs et des Cantiques ? il a le lyrique le plus sublime. Fait il des Epigrammes ? il les assaisonne du meilleur sel. Entreprend-il une Idylle? il l'invente dans un goût nouveau. Quelques personnes prétendent que Lully , chargé de la mettre en musique , trouva dans la force des vers un travail que les

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vers de Quinault ne lui avoient pas fait connoi. tre : il est pourtant certain que Lully est aussi grand Musicien dans cette Idylle que dans ses Opéra , et qu'il y a parfaitement rendu lc Poëte. »

Madame de Montespan et Madame de Thiange , sa sæar, engagerent Louis XIV à proposer à RACINE et à Boileau de faire ensemble un grand Opéra. Ce genre de travail répugnoit beaucoup aux deux Poëtes amis ; mais ils ne pu. rent se dispenser de l'entreprendre. RACINE choisit le sujet de la chûte de Phaéton, en fit le plan et en commença quelques vers. Boileau fit d'abord le plan du Prologue , qui étoit une querelle entre la Poésie et la Musique, prêtes à se séparer pour toujours ; mais bientôt réunies par la Déesse de l'harmonie , qui venoit les réconcilier et les inviter à travailler de concert aux amusemens du Roi. Boileau devoit ensuite aider Racine à faire les vers de la Piece. Mais Quinault , ayant appris cette association contrainte , dans un genre d'entreprise qui étoit le sien , ne tarda gueres à les tirer d'embarras, en sollicitant la continuation d'une espece de droit que son

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talent et l'usage lui avoient acquis d'amuser seul le Roi par des Poëmes lyriques. RACINE n'a rien conservé de ce travail. Boileau a imprimé la premiere scene de son Prologue, avec un Aver. tissement , qui fait connoître tous ces détails.

Lorsque le Comte de Toulouse sortit de l'enfance, Madame de Montespan , sa mere , consulta RACINE sur le choix de celui à qui on devoit confier l'éducation du jeune Prince. Elle demandoit un homme d'un mérite distingué et d'un nom connu. Mon pere , dit Louis Racine, voulant, en cette occasion, obliger M. du Trousset, connu depuis sous le nom de Valincour, qu'il estimoit beaucoup, le proposa , et il fut agréé. » Il fut fait ensuite Secrétaire des commandemens de ce Prince, qui, devenu grand Amiral, le fit Secrétaire général de la Marine. M. de Valincour succéda à RACINE dans l'association avec Boileau pour le travail sur l'Histoire du regne de Louis XIV, et ce après la mort de ces deux amis, il fut dépositaire de tout ce qu'ils en avoient écrit , ajoute Louis Racine. Le fatal incendie qui , en 1726, consuma la maison qu'il avoit à Saint Cloud , fut si prompt

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