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Ce fut à cette époque et avec tous ses titres, qu'il entra à l'Académie Françoise , où il remplaça La Motte-le-Vayer. Le 12 Janvier 1673, jour de sa réception, on reçut aussi MM. Fléchier et Gallois, « Fléchier parla le premier des trois , et fut infiniment applaudi, rapporte M. de Valincour, dans sa Lettre à l'Abbé d'Olivet, insérée au second volume de l'Histoire de l'Académie Françoise. RACINE , qui parla ensuite , gâta son Discours par la trop grande tinidité avec laquelle il le prononça. » Il se trouva placé auprès de Corneille , et non loin de Colbert, qui étoit venu exprès pour l'entendre et pour jouir de son triomphe. Tant de gloire le troubla ; et quoique son Discours eût fort peu d'étendue, il le lut mal et presque bas : aussi ne fur-il pas même entendu de ses plus proches voisins. Il le crut mauvais, ne voulut point qu'il fût imprimé, et on ne l'a jamais trouvé dans les Recueils de l'Académie , ni dans les papiers de l'Auteur.

RaciNE fit ensuite son Iphigénie , et, peu après , par un défi qui lui fut fait de traiter un sujet aussi délicat que l'amour incestueux de

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l'épouse de Thésée pour son fils Hippolyte, il produisit cet étonnant et admirable tableau de la plus violente et de la plus criminelle passion, combattant contre les devoirs les plus sacrés ; et le comble du talent, c'est qu'en inspirant toute l'horreur possible pour les coupables desirs de Phedre, il sut nous intéresser sans cesse à elle.

Cependant la jalousie de ses concurrens dans la carriere Dramatique ne manqua pas de sonner l'alarme sur ce chef-d'æuvre ; mais Boileau, toujours zélé pour la défense de son ami, fit censurer l'Ouvrage par le célebre Arnauld, qui l'approuva ; et ce fut l'époque de la réconciliation de RACINE avec Port-Royal. « Boileau conduisit RACINE chez Arnaud ; le Poëte se jetta aux pieds du Docteur , et le Docteur tomba aussi-tôt à ceux du Poëte : ils s'embrasserent et , dès ce nionient, ils furent liés tous les deux de la plus tendre et de la plus solide amitié, » dit Louis Racine.

Mais depuis cette époque , le rapprochement et la fréquentation habituelle des personnes dévotes , firent naître les scrupules dans l'ame de RACINE. Il se reprocha d'avoir employé sa jeu-.

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nesse à des occupations profanes : il se déternina à y renoncer, et poussa si loin son zele que, pour expier ce qu'il regardoit comme une longue suite de crimes, il voulut consacrer le reste de ses jours à la plus austere pénitence, en se faisant Chartreux. L'Ecclésiastique, Doce teur de Sorbonne , homme sage et éclairé , qu'il avoit choisi pour son directeur , et auquel il sou. mit ce projet, crut devoir l'en détourner , craignant qu'il ne manquât de constance dans la suite, et qu'il ne se repentît d'un sacrifice , légérement résolu, et consommé sans retour. Il lui conseilla , au contraire, de se marier. RåCINE se laissa conduire, et des amis , instruits de ce qui se passoit , lui proposerent d'épouser Catherine de Romaner, fille d'un Trésorier de France, au Bureau des Finances d'Ainiens. Cemariage fut arrangé, et eut lieu le premier Juin 1677. Louis Racine dit que ,

« suivant le contrat de mariage, il paroît que les Pieces de Théatre n'étoient

pas alors fort lucratives pour les Auteurs et que le produit, soit des représentations, soit de l'impression des Tragédies de son pere , lui avoit procuré que de quoi vivre, payer ses

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dettes , acheter quelques meubles, dont le plus considérable étoit sa bibliotheque , estimée quinze cents livres , et ménager une somme de six mille livres , qu'il employa aux frais de son inariage, » La pension de six cents livres que le Roi lui avoit accordée pour sa Nymphe de la Seine , fut portée , quelques années ensuite, quinze cents livres, et, enfin, à deux mille livres ; et, de plus, « Colbert le fit favoriser d'une charge de Trésorier de France, au Bureau des Finances de Moulins , qui étoit tombée aux parties casuelles : de sorte que sa femine et lui mirent chacun un revenu égal dans la communauté de leurs biens , » ajoute son fils.

Madame de Montespan ayant imaginé une maniere de perpétuer les principaux événemens de ce beau regne, en les faisant graver séparément sur des Médailles , il fut question d'y ajouter , en peu de mots , le récit de chacun. RACINE donna l'idée de rassembler quelques Gens-de-Lettres pour ce travail. Telle fut l'origine de l'Académie des Inscriptions, dont il peut être regardé comme le fondateur , et qui n'ayant d'abord été appelée que l'Académie des

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Médailles , ou la petite Académie, a pris ensuite le nom d'Académie des Inscriptions et Belles Lettres. Il avoit déja fait ses preuves dans le style des Inscriptions. M. de Louvois l'avoit chargé, avec Boileau, de remplacer celles de Charpentier , comme trop emphatiques, au bas des victoires du Roi, peintes par le Brun dans la Galerie de Versailles. Cependant on trouva l'histoire par Médailles trop insuffisante , et Madame de Maintenon proposa au Roi de charger RACINE et Boileau d'en préparer les matériaux en grand , à mesure que les circonstances les pro

à duiroient. Le Roi les nomina ses Historiographes en 1677, avec chacun une pension de quatre mille livres. Pour s'exercer à ce genre de travail , RACINE traduisit d'abord en partie le Traité de Lucien sur la maniere d'écrire l'Histoire. Il fit ensuite des extraits de Mézerai et de Vittorio Siri , et il se mit bientôt en état d'écrire luimême avec distinction sur ces matieres, ainsi qu'on en peut juger par les fragmens que nous en avons de lui.

« Dans la campagne de cette même année , rapporte Louis Racine , les villes que le Roi as

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