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Si l'on en croit M. de Guignes, cette affaire échoua parce que M. l'abbé Bignon ne voulut pas se relâcher de la condition imposée, c'est-à-dire qu'outre la préface où l'on s'offrait de mentionner la concession faite par l'Imprimerie du Louvre, chaque volume de la collection porterait sur le titre : Characteribus græcis typographeio regio parisiensi. L'amour-propre national des curateurs de l'imprimerie universitaire de Cambridge ne crut pas pouvoir l'accepter. J'ai fait de vains efforts pour éclaircir ce point. intéressant de l'histoire des types grecs de François I. Il paraît qu'il ne reste plus aucune trace de cette négociation dans les archives de l'université de Cambridge, où on a bien voulu faire quelques recherches, sur ma demande 1.

Nous avons vu que, lorsqu'on retira les poinçons grecs de la Chambre des comptes en 1683, on ignorait leur origine. Un fait plus extraordinaire, c'est que, quarante ans après, l'administration elle-même avait perdu de vue ce retrait, au point de demander de nouveau à la Chambre des comptes ces poinçons, dont l'existence lui avait sans doute été révélée plus tard par quelque document officiel. C'est ce que nous apprenons par une lettre de M. de Foncemagne, datée du 30 septembre 1727, et dont M. de Guignes avait vu l'original au dépôt de la Bibliothèque royale. N'ayant pu retrouver cette pièce, non plus que celles qui s'y rapportaient, je transcris ici littéralement ce que dit sur cette affaire M. de Guignes lui-même : « M. de Foncemagne, dit-il, s'exprime en ces termes, qui sont positifs, mais contraires à tout

1 C'est ce que m'a appris M. J. Power, principal bibliothécaire de l'université de Cambridge, dans une lettre datée du 20 octobre 1851, dont voici un passage relatif à la personne du principal négociateur de cette affaire : « I conclude you have seen the letter of M. Prior from your mention of Whitehal (probably the palace of White Hall), which name does not occur in printed history to which you refer me. I have no doubt this person was Matthew Prior, our celebrated comic poet, who was a great favourite at the French court, and particularly patronised by Louis XIV, on which account he was much employed as a diplomatist by the English government.

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ce que je viens de dire «Celui des greffiers de la Chambre « des comptes que M. le premier président avoit chargé de traiter

avec M. Anisson pour la restitution du dépôt des poinçons grecs « que j'ai decouverts à la Chambre est en campagne depuis quel

que temps. Cette affaire n'est point finie, et ce délai, que je «n'avois pas prévu, a reculé la réponse que je dois à M. Grand<< jean. » M. de Foncemagne, qui savoit que François I avoit déposé es poinçons grecs à la Chambre des comptes, aura parlé de ce dépôt, et en aura sollicité la restitution; on les aura cherchés, parce qu'on a pu avoir oublié alors ce qui s'étoit passé quarante ans auparavant. Je n'ai trouvé, sur cette demande de M. de Foncemagne, que cette simple lettre : il y auroit eu alors des lettres patentes et diverses formalités dont je ne découvre aucune

trace 1."

N'est-il pas surprenant, en vérité, que des savants comme Foncemagne, qui avaient tous les jours sous les yeux les livres imprimés au Louvre, n'aient pas reconnu dans ces caractères les types grecs de François Ier? L'insuccès bien naturel de la démarche de M. de Foncemagne ne fit pourtant que donner plus de consistance à l'opinion déjà répandue de la perte des types royaux. Cette opinion devint à peu près générale dans le XVIII° siècle. En 1768, Fournier le jeune, habile fondeur et graveur de Paris, auteur de plusieurs ouvrages sur l'origine de l'imprimerie, déplore vivement cette perte dans son Manuel 2; Pierre Didot exprimait le même regret en 1786, dans une épître sur les progrès de l'imprimerie3. Il est vrai que, pendant tout le XVIII° siècle, l'Imprimerie royale n'eut que fort peu d'occasions de

Notices et extraits des manuscrits, etc. t. I, p. xcv.

2 Tome II, p. XXII.

3 A la suite d'un Essai de fables nouvelles par Didot fils aîné (Paris, 1786, in-18), p. 105:

Et ses beaux types grecs ne se retrouvent plus!

se servir de ses types grecs 1. Depuis la publication de la Byzantine ils dormaient dans les casses, lorsque, peu de temps avant la Révolution, le roi Louis XVI ordonna la publication du grand recueil intitulé: Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque du roi. La nécessité de se procurer pour cette publication des caractères orientaux fit faire des recherches à l'Imprimerie royale, et on y retrouva non-seulement les poinçons et matrices des types royaux, mais encore ceux des caractères arabes, persans, etc. provenant de Savary de Brèves, et qu'on croyait perdus également.

Nous allons parler de ces derniers caractères dans la sec

tion suivante.

1 Je vois dans un Mémoire remis au roi par le directeur Anisson, en 1789, et qui se trouve aux Archives de l'Empire, «qu'en 1731 le roi Louis XV fit exécuter à chacun des anciens corps grecs plusieurs suites de grandes lettres et capitales qui y manquoient.» C'est tout ce que j'ai pu recueillir d'historique sur les types du roi durant le xvin siècle.

DEUXIÈME SECTION.

LES CARACTÈRES ORIENTAUX DE LOUIS XIII.

François Savary de Brèves, ambassadeur de France à Constantinople sous les rois Henri III et Henri IV, ayant pris goût à l'étude des langues orientales, fit graver dans cette ville, d'après les plus beaux manuscrits qu'il avait pu se procurer, des caractères arabes, persans, syriaques et turcs, avec lesquels il se proposait de faire imprimer certains ouvrages. Rappelé en France vers la fin du règne de Henri IV, il n'eut pas l'occasion de réaliser son projet en Orient; mais il le fit à Rome, où il fut envoyé, peu de temps après, par Louis XIII. En attendant, il profita de son séjour de quinze mois à Paris pour faire perfectionner ses poinçons par le célèbre graveur Le Bé. C'est du moins ce est permis d'induire du passage d'une lettre d'Erpenius où, faisant allusion aux impressions de Savary de Brèves, il dit à Isaac Casaubon, en lui envoyant son petit recueil de proverbes arabes, imprimé à Leyde, qu'il a été exécuté avec les types de Raphelingue, et non avec ceux de Le Bé, comme on pourrait le croire (typis Raphelingianis, non Lebeanis, ut futurum putabas), suite de la perfection de cette impression.

par

qu'il

Savary arriva à Rome en 1613, et la même année il publia le catéchisme de Bellarmin. On lit sur la première page de ce livre en commençant par la fin, suivant l'usage arabe :

«Doctrina christiana illustrissimi et reverendissimi D. D. Ro

:

berti S. R. E. Card. Bellarmini, nunc primum ex italico idiomate in arabicum, jussu S. D. N. Pauli V, pont. max. translata. — Per Victorium Scialac Accurensem, et Gabrielem Sionitam Edeniensem, Maronitas e monte Libano, etc. - Munificentia illustrissimi et excellentissimi D. D. Francisci Savary de Breves, regis christianissimi a consiliis, ejusque apud eumdem Summum Pontificem oratoris, et serenissimi ducis Andegavensis regis fratris unici gubernatoris, ad fidei propagationem et orientalium christianorum commodum. »

Au verso de ce titre, ou pour mieux dire au recto du feuillet, sont les armes du pape Paul V. Puis vient la dédicace à ce pape, et à la fin les armes de M. de Brèves. Le tout forme une feuille. in-8°; après quoi viennent le texte latin et la traduction arabe formant 171 pages, plus un feuillet portant l'approbation, et un autre sur lequel on lit : «Romæ, ex typographia Savariana, excudebat Stephanus Paulinus. M. DC. XIII. » En tout 12 feuilles petit in-8°.

En 1614, M. de Brèves publia un psautier arabe avec traduction latine. On trouve sur la première page de ce livre, qui est in-4°, à peu près les mêmes indications que sur le catéchisme de Bellarmin, c'est-à-dire que le livre fut imprimé à Rome, aux frais de M. de Brèves, par l'imprimeur Étienne Paulin, et par les soins de Scialac et Sionita1; seulement on voit ici paraître les armes de France au lieu de celles du pape.

Le titre arabe du psautier est en gros et magnifiques caractères. Ceux du texte sont plus petits, mais les uns et les autres sont plus élégants que ceux de l'imprimerie de la Propagande, fondée à Rome par les papes, et de l'imprimerie des Médicis, fondée à Florence par les princes de cette maison.

Vers la fin de cette année, M. de Brèves revint à Paris, et y

Quelques exemplaires ont reçu un titre daté de 1619.

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