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EXORDIUMS OF BOSSUET'S SERMONS SUR
L'HONNEUR DU MONDE (1660) AND
SUR LA MORT (1662).

SUR L'HONNEUR DU MONDE.

Dicite filiae Sion: Ecce rex tuus venit tibi mansuetus.

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<<Dites à la fille de Sion: Voici ton Roi, qui fait son entrée plein de bonté et de douceur.» Paroles du prophète Zacharie, rapportées dans l'évangile de ce jour, en saint Matthieu, chap. XXI, 5.

Parmi toutes les grandeurs du monde, il n'y a rien de si éclatant qu'un jour de triomphe: et j'ai appris de Tertullien,1 que ces illustres triomphateurs de l'ancienne Rome marchaient au Capitole avec tant de gloire, que de peur qu'étant éblouis d'une telle magnificence, ils ne 5 s'élevassent enfin au-dessus de la condition humaine, un esclave qui les suivait avait charge de les avertir qu'ils étaient hommes: Respice post te, hominem te memento. Ils ne se fâchaient pas de ce reproche: «C'était là, dit Tertullien, le plus grand sujet de leur joie, de se voir 10 environnés de tant de gloire, que l'on avait sujet de craindre pour eux qu'ils n'oubliassent qu'ils étaient mortels.» Hoc magis gaudet tanta se gloria coruscare, ut illi admonitio conditionis suae sit necessaria.

Le triomphe de mon Sauveur est bien éloigné de cette 15 pompe; et quand je vois le malheureux équipage avec lequel il entre dans Jérusalem, au lieu de l'avertir qu'il est homme, je trouverais bien plus à propos, chrétiens, de le faire souvenir qu'il est Dieu: il semble en effet qu'il l'a oublié. Le prophète et l'évangéliste concourent 20 à nous montrer ce roi d'Israël «monté, disent-ils, sur une

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ânesse: Sedens super asinam. Ah! chrétiens, qui n'en rougirait? Est-ce là une entrée royale? est-ce là un appareil de triomphe? est-ce ainsi, ô Fils de David, que vous montez au trône de vos ancêtres et prenez possession de leur couronne?

Toutefois arrêtons, mes frères, et ne précipitons pas notre jugement. Ce Roi, que tout le peuple honore aujourd'hui par ces cris de réjouissance, ne vient pas pour s'élever au-dessus des hommes par l'éclat d'une vaine Io pompe, mais plutôt pour fouler aux pieds les grandeurs

humaines et les sceptres rejetés, l'honneur méprisé, toute la gloire du monde anéantie, font le plus grand ornement de son triomphe. Donc, pour admirer cette entrée, accoutumons-nous avant toutes choses à la 15 modestie et aux abaissements glorieux de l'humilité chrétienne, et tâchons de prendre ces sentiments aux pieds de la plus humble des créatures, en disant: Ave.*

Aujourd'hui que notre monarque fait son entrée dans Jérusalem, au milieu des applaudissements de tout le 20 peuple, et que, parmi cette pompe de peu de durée, l'Église commence à s'occuper dans la pensée de sa passion ignominieuse, je me sens fortement pressé, chrétiens, de mettre aux pieds de notre Sauveur quelqu'un de ses ennemis capitaux, pour honorer tout en25 semble et son triomphe et sa croix. Je n'ai pas de peine à choisir celui qui doit servir à ce spectacle: et le mystère d'ignominie que nous commençons de célébrer, et cette magnificence d'un jour que nous verrons tout d'un coup

*The language of the exordium to this point is, with the omission of lines 9-14 on page 1 («Ils necessaria»), practically the same as the words of the exordium of the sermon Sur les Devoirs des Rois, preached two years later.

From now on the sermons differ.

changée en un mépris si outrageux, me persuadent facilement que ce doit être l'honneur du monde.

L'honneur du monde, mes frères, c'est cette grande statue que Nabuchodonosor veut que l'on adore.1 Elle est d'une hauteur prodigieuse, altitudine cubitorum sexa- 5 ginta, parce que rien ne paraît plus élevé que l'honneur du monde. «Elle est toute d'or,» dit l'Écriture, Fecit statuam auream, parce que rien ne semble ni plus riche ni plus précieux. «Toutes les langues et tous les peuples adorent cette statue: » Omnes tribus et linguae adoraverunt 10 statuam auream; tout le monde sacrifie à l'honneur: et ces fifres, et ces trompettes, et ces hautbois, et ces tambours qui résonnent autour de la statue, n'est-ce pas le bruit de la renommée? ne sont-ce pas là les applaudissements et les cris de joie qui composent ce que les hommes 15 appellent la gloire? C'est donc, messieurs, cette grande et superbe idole que je veux abattre aujourd'hui aux pieds du Sauveur. Je ne me contente pas, chrétiens, de lui refuser de l'encens avec les trois enfants de Babylone, ni de lui dénier l'adoration que tous les peuples lui rendent: 20 je veux faire tomber sur cette idole le foudre2 de la vérité évangélique; je veux l'abattre tout de son long devant la croix de mon Sauveur; je veux la briser et la mettre en pièces, et en faire un sacrifice à Jésus-Christ crucifié, avec le secours de sa grâce.

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Parais donc ici, ô honneur du monde, vain fantôme des ambitieux et chimère des esprits superbes; je t'appelle à un tribunal où ta condamnation est inévitable. Ce n'est pas devant les Césars et les princes, ce n'est pas devant les héros et les capitaines que je t'oblige de com- 30 paraître; comme ils ont tous été tes adorateurs, ils prononceraient à ton avantage. Je t'appelle à un juge

ment où préside un Roi couronné d'épines, que l'on a revêtu de pourpre pour le tourner en ridicule, que l'on a attaché à une croix pour en faire un spectacle d'ignominie: c'est à ce tribunal que je te défère; c'est devant ce Roi 5 que je t'accuse. De quels crimes l'accuserai-je, chrétiens? je vous le vais dire.1 Voici trois crimes capitaux dont j'accuse l'honneur du monde; je vous prie de les bien entendre.

Je l'accuse premièrement de flatter la vertu et de la 10 corrompre; secondement, de déguiser le vice et de lui donner du crédit; enfin, pour comble de ses attentats, d'attribuer aux hommes ce qui appartient à Dieu, et de les enrichir, s'il pouvait, de ses dépouilles: voilà les trois chefs principaux sur lesquels je prétends, messieurs, qu'on 15 fasse le procès à l'honneur du monde. Dieu me veuille

aider par sa grâce à poursuivre vivement une accusation si importante, et à soutenir les opprobres et l'ignominie de la croix contre l'orgueil des hommes mondains!*

*The argument of the sermon Sur les Devoirs des Rois is twice stated by Bossuet in its exordium: «Il [God] règne en effet par sa puissance dans toute l'étendue de l'univers; mais il a établi les rois chrétiens pour être les principaux instruments de cette puissance: c'est à eux qu'appartient la gloire de faire régner Jésus-Christ; ils doivent le faire régner sur eux-mêmes, ils doivent le faire régner sur leurs peuples. . . . . Et par là (the ceremony of the coronation of Joash, as given in 2 Chronicles XXIII, II) Votre Majesté voit assez, premièrement que Jésus-Christ veut régner sur vous; c'est ce que je montrerai dans mon premier point: et que par vous il veut régner sur vos peuples; mon second point le fera connaître, et c'est tout le sujet de ce discours.>>

SUR LA MORT.

Domine, veni et vide.

<< Seigneur, venez et voyez.» — Joan., XI, 34.

Me sera-t-il permis aujourd'hui d'ouvrir un tombeau devant la cour, et des yeux si délicats ne seront-ils point offensés par un objet si funèbre? Je ne pense pas, messieurs, que des chrétiens doivent refuser d'assister à ce spectacle avec Jésus-Christ. C'est à lui que l'on dit 5 dans notre évangile: «Seigneur, venez, et voyez » où l'on a déposé le corps du Lazare; c'est lui qui ordonne qu'on lève la pierre, et qui semble nous dire à son tour: Venez, et voyez vous-mêmes. Jésus ne refuse pas de voir ce corps mort, comme un objet de pitié et un sujet de miracle; 10 mais c'est nous, mortels misérables, [qui refusons] de voir ce triste spectacle, comme la conviction de nos erreurs. Allons et voyons avec Jésus-Christ, et désabusons-nous éternellement de tous les biens que la mort enlève.

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C'est une étrange faiblesse de l'esprit humain que jamais la mort ne lui soit présente, quoiqu'elle se mette en vue de tous côtés, et en mille formes diverses. On n'entend dans les funérailles que des paroles d'étonnement, de ce que ce mortel est mort. Chacun rappelle en 20 son souvenir depuis quel temps il lui a parlé, et de quoi le défunt l'a entretenu; et tout d'un coup il est mort. Voilà, dit-on, ce que c'est que l'homme! Et celui qui le dit, c'est un homme; et cet homme ne s'applique rien, oublieux de sa destinée; ou s'il passe dans son esprit 25 quelque désir volage de s'y préparer, il dissipe bientôt ces noires idées; et je puis dire, messieurs, que les mortels n'ont pas moins de soin d'ensevelir les pensées de la

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