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tant de sectes. En vain les rois d'Angleterre ont cru les pouvoir retenir sur cette pente dangereuse en conservant l'épiscopat. Car que peuvent des évêques qui ont anéanti eux-mêmes l'autorité de leur chaire et la révérence qu'on 5 doit à la succession, en condamnant ouvertement leurs prédécesseurs, jusqu'à la source même de leur sacre; c'est-à-dire jusqu'au pape saint Grégoire et au saint moine Augustin,1 son disciple et le premier apôtre de la nation anglaise? Qu'est-ce que l'épiscopat, quand il se 10 sépare de l'Église, qui est son tout, aussi bien que du Saint-Siège, qui est son centre, pour s'attacher contre sa nature à la royauté comme à son chef? Ces deux puissances d'un ordre si différent ne s'unissent pas, mais s'embarrassent mutuellement, quand on les confond 15 ensemble: et la majesté des rois d'Angleterre serait demeurée plus inviolable si, contente de ses droits sacrés, elle n'avait point voulu attirer à soi les droits et l'autorité de l'Église. Ainsi rien n'a retenu la violence des esprits féconds en erreurs: et Dieu, pour punir l'irréligieuse 20 instabilité de ces peuples, les a livrés à l'intempérance de leur folle curiosité; en sorte que l'ardeur de leurs disputes insensées, et leur religion arbitraire, est devenue la plus dangereuse de leurs maladies.

Il ne faut point s'étonner s'ils perdirent le respect de 25 la majesté et des lois, ni s'ils devinrent factieux, rebelles et opiniâtres. On énerve la religion quand on la change, et on lui ôte un certain poids qui seul est capable de tenir les peuples. Ils ont dans le fond du cœur je ne sais quoi d'inquiet qui s'échappe si on leur ôte ce frein 30 nécessaire; et on ne leur laisse plus rien à ménager, quand on leur permet de se rendre maîtres de leur religion. C'est de là que nous est né ce prétendu «règne

de Christ,» inconnu jusques alors au christianisme, qui devait anéantir toute la royauté et égaler tous les hommes; songe séditieux des Indépendants, et leur chimère impie et sacrilège. Tant il est vrai que tout se tourne en révoltes et en pensées séditieuses, quand l'autorité de la 5 religion est anéantie.

Mais pourquoi chercher des preuves d'une vérité que le Saint-Esprit a prononcée par une sentence manifeste? Dieu même menace les peuples qui altèrent la religion qu'il a établie de se retirer du milieu d'eux, et par là de 10 les livrer aux guerres civiles. Écoutez comme il parle par la bouche du prophète Zacharie: «Leur âme,1 dit le Seigneur, a varié envers moi, » — quand ils ont si souvent changé la religion; <«<et je leur ai dit: Je ne serai plus c'est-à-dire je vous abandonnerai à 15

votre pasteur; »

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vous-mêmes et à votre cruelle destinée;

et voyez la suite: «Que ce qui doit mourir aille à la mort; que ce qui doit être retranché soit retranché;» ces paroles?

entendez-vous

«<et que ceux qui demeureront se dévorent les uns les autres. >> O prophétie trop réelle et trop 20 véritablement accomplie! La reine avait bien raison de juger qu'il n'y avait point de moyen d'ôter les causes des guerres civiles qu'en retournant à l'unité catholique, qui a fait fleurir durant tant de siècles l'église et la monarchie d'Angleterre autant que les plus saintes églises et les 25 plus illustres monarchies du monde. Ainsi, quand cette pieuse princesse servait l'Église, elle croyait servir l'État; elle croyait assurer au roi des serviteurs, en conservant à Dieu des fidèles. L'expérience a justifié ses sentiments; et il est vrai que le roi son fils n'a rien trouvé de plus 30 ferme dans son service que ces catholiques si haïs, si persécutés, que lui avait sauvés la reine sa mère. En effet,

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il est visible que, puisque la séparation et la révolte contre l'autorité de l'Église a été la source d'où sont dérivés tous les maux, on n'en trouvera jamais les remèdes que par le retour à l'unité et par la soumission ancienne. C'est le mépris de cette unité qui a divisé l'Angleterre. Que si vous me demandez comment tant de factions opposées et tant de sectes incompatibles, qui se devaient apparemment détruire les unes les autres, ont pu si opiniâtrément conspirer ensemble contre le trône royal, vous Io l'allez apprendre.

Un homme1 s'est rencontré, d'une profondeur d'esprit incroyable, hypocrite raffiné autant qu'habile politique, capable de tout entreprendre et de tout cacher, également actif et infatigable dans la paix et dans la guerre, qui ne 15 laissait rien à la fortune de ce qu'il pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance; mais au reste si vigilant et si prêt à tout, qu'il n'a jamais manqué les occasions qu'elle lui a présentées; enfin un de ces esprits remuants et audacieux qui semblent être nés pour changer le monde. 20 Que le sort de tels esprits est hasardeux, et qu'il en paraît dans l'histoire à qui leur audace a été funeste! Mais aussi que ne font-ils pas, quand il plaît à Dieu de s'en servir? Il fut donné à celui-ci de tromper les peuples et de prévaloir contre les rois.2 Car comme il eut aperçu 25 que dans ce mélange infini de sectes, qui n'avaient plus de règles certaines, le plaisir de dogmatiser sans être repris ni contraint par aucune autorité ecclésiastique ni séculière, était le charme qui possédait les esprits, il sut si bien les concilier par là qu'il fit un corps redoutable 30 de cet assemblage monstrueux. Quand une fois on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l'appât de la liberté, elle suit en aveugle, pourvu qu'elle en entende

seulement le nom.

Ceux-ci, occupés du premier objet qui les avait transportés, allaient toujours, sans regarder qu'ils allaient à la servitude: et leur subtil conducteur, qui en combattant, en dogmatisant, en mêlant mille. personnages divers, en faisant le docteur et le prophète, 5 aussi bien que le soldat et le capitaine, vit qu'il avait tellement enchanté le monde, qu'il était regardé de toute l'armée comme un chef envoyé de Dieu pour la protection de l'indépendance, commença à s'apercevoir qu'il pouvait encore les pousser plus loin. Je ne vous raconterai pas 10 la suite trop fortunée de ses entreprises, ni ses fameuses victoires dont la vertu était indignée, ni cette longue tranquillité qui a étonné l'univers. C'était le conseil de Dieu d'instruire les rois à ne point quitter son Église. Il voulait découvrir par un grand exemple tout ce que 15 peut l'hérésie, combien elle est naturellement indocile et indépendante, combien fatale à la royauté et à toute autorité légitime. Au reste quand ce grand Dieu a choisi quelqu'un pour être l'instrument de ses desseins, rien n'en arrête le cours; ou il enchaîne, ou il aveugle, ou il 20 dompte tout ce qui est capable de résistance. «Je suis le Seigneur, dit-il par la bouche de Jérémie; c'est moi1 qui ai fait la terre avec les hommes et les animaux, et je la mets entre les mains de qui il me plaît. Et maintenant j'ai voulu soumettre ces terres à Nabuchodonosor, roi de 25 Babylone, mon serviteur.» Il l'appelle son serviteur, quoiqu'infidèle, à cause qu'il l'a nommé pour exécuter ses décrets. «Et j'ordonne, poursuit-il, que tout lui soit soumis, jusqu'aux animaux.» Tant il est vrai que tout ploie et que tout est souple quand Dieu le commande. 30 Mais écoutez la suite de la prophétie: «Je veux que ces peuples lui obéissent, et qu'ils obéissent encore à son fils,

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jusqu'à ce que le temps des uns et des autres vienne.,1 Voyez, chrétiens, comme les temps sont marqués, comme les générations sont comptées: Dieu détermine jusques à quand doit durer l'assoupissement, et quand aussi se doit réveiller le monde.

Tel a été le sort de l'Angleterre. Mais que, dans cette effroyable confusion de toutes choses, il est beau de considérer ce que la grande Henriette a entrepris pour le salut de ce royaume; ses voyages, ses négociations, ses 10 traités, tout ce que sa prudence et son courage opposaient à la fortune de l'État, et enfin sa constance, par laquelle, n'ayant pu vaincre la violence de la destinée, elle en a si noblement soutenu l'effort! Tous les jours elle ramenait quelqu'un des rebelles; et de peur qu'ils ne 15 fussent malheureusement engagés à faillir toujours parce qu'ils avaient failli une fois, elle voulait qu'ils trouvassent leur refuge dans sa parole. Ce fut entre ses mains que le gouverneur de Scarborough remit ce port et ce château inaccessible. Les deux Hothams père et fils, qui 20 avaient donné le premier exemple de perfidie, en refusant au roi même les portes de la forteresse de Hull, choisirent la reine pour médiatrice, et devaient rendre au roi cette place avec celle de Beverley, mais ils furent prévenus et décapités; et Dieu, qui voulut punir leur 25 honteuse désobéissance par les propres mains des rebelles, ne permit pas que le roi profitât de leur repentir. Elle avait encore gagné un maire de Londres, dont le crédit était grand, et plusieurs autres chefs de la faction. Presque tous ceux qui lui parlaient se rendaient à elle : 30 et si Dieu n'eût point été inflexible, si l'aveuglement des peuples n'eût pas été incurable, elle aurait guéri les esprits, et le parti le plus juste aurait été le plus fort.

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