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rogea toutes les personnes qui avaient connu Thomas, et après cinq ans d'un travail opiniâtre, publia son ouvrage vers l'an 1177. C'est lui-même qui, dans son prologue, nous fournit tous ces détails. Il nous y apprend aussi que, plusieurs fois, il fit publiquement lecture de son poëme devant le tombeau de saint Thomas, et que, parmi plusieurs vies de l'archevêque de Cantorbéry publiées à la même époque, la sienne se recommandait surtout par l'authenticité. En convenant de cette vérité, nous ajouterons, d'après l'abbé de la Rue, que cette Vie se distingue également par la pureté du style et la correction du langage.

Chardry, poëte anglo-normand, fut un de ceux qui exercèrent spécialement leur talent sur des sujets de dévotion. Il nous est parvenu de lui: la vie de saint Josaphat, la Vie des sept Frères dormants ou des sept Martyrs, et le Dialogue du Petit-Plet. Dans le premier de ces poëmes, qui ne contient pas moins de 2,900 vers, l'auteur annonce à ses auditeurs qu'il veut les ramener à la vertu plus encore par l'exemple que par le précepte, puis il commence le récit de la vie du saint; mais à peine l'a-t-il terminée, qu'il détruit tout le bon effet qu'il peut avoir produit, en reconnaissant que l'assemblée eût été sans doute plus satisfaite d'entendre la Vie de Roland et d'Olivier; et continuant sur ce ton, il déclare que pour son compte le récit des batailles des douze pairs de France l'intéresse bien autrement que celui de la passion de Jésus Christ. En commençant la vie des sept frères dormants ou des sept martyrs, qui contient plus de 1,800 vers, Chardry prévient que son intention n'est pas d'entretenir son auditoire de sujets fabuleux, tels que l'histoire de Tristan, de Gale. ran, ou le Roman du Renard, puis il lui raconte la vie et la mort des sept frères Macchabées. Le Petit-Plet, pièce dialoguée, et destinée à être récitée par deux personnes, est bien supérieure à celles qui précèdent. C'est une discussion entre un vieillard et un jeune homme, sur le bonheur et les traverses de la vie

humaine. Elle contient plusieurs leçons de morale et de philosophie d'une haute sagesse, données par le jeune homme.

Un dialogue bien coupé, bien soutenu, fait présumer que la représentation de cette scène devait être pleine d'intérêt.

Les sermons, soit prononcés en chaire, soit écrits pour être appris et récités dans le monde, font aussi partie des enseignements moraux, et se rattachent par leur forme au genre de productions qui nous occupe. Parmi ceux qui cultivèrent cette sorte de moralité, nous ne ferons mention que d'Étienne Langton. Né en Angleterre dans le douzième siècle, il fut, selon l'usage du temps, envoyé à Paris pour y faire ses études, revint dans sa patrie, fut nommé archevêque de Cantorbéry en 1206 ou 1207, et mourut en 1228. A une imagination vive et ardente, il joignait des idées heureuses et un langage facile et naturel. Il paraîtra sans doute assez étrange que ce soit dans des sermons qu'il ait montré son feu poétique. L'abbé de la Rue (*) a fait connaître une stance qui, placée dans une autre situation, paraîtrait un compliment délicieux adressé à quelque jeune beauté. Voici cette stance, qui se lit dans un sermon sur la Vierge.

Bele Aliz matin leva,
Sun cors vesti et para.
Euz un vergier s'en entra,
Cinq flurettes y' truva;
Un chapelet fet en a
De bel rose flurie.

Pur Den trahez vus en la,
Vus ki ne amez inie.

L'orateur applique mystiquement chaque vers à la mère du Sauveur, et la tournure allégorique qu'il donne à cette stance est généralement ingénieuse. Souvent même il s'écrie en parlant de la Vierge :

Ceste est la bele Aliz,

Ceste est la flur, ceste est le lis.

Nous terminerons ici ce qui concerne cette première espèce de moralité, pour passer à la seconde, laquelle, comnie on représentation théâtrale, et faisait parle sait généralement, était destinée à la tie des jeux d'une scène encore dans l'enfance, où une troupe grossière de pèlerins monta la première à Paris,

Et sottement zélée en sa simplicité,

Joua les saints, la Vierge et Dieu par piété. les V que l'art dramatique prit naisCe fut vers la fin du règne de Char

(*) Archæologia, t. XIII, p. 281.

sance en France, et que l'on commença à y jouer des pièces de théâtre. Des pèlerins de la terre sainte donnèrent la représentation de quelques-uns des mystères qui s'y étaient accomplis. Plusieurs sociétés, imitant leur exemple, se mirent, d'après les livres saints, à composer à l'envi des ouvrages dans lesquels ils mêlèrent des évenements ou épisodes, et qu'ils distribuèrent en actes ou journées et en scènes, avec autant de personnages qu'il était nécessaire pour la marche de l'action et de ses accessoires. La plus célèbre de ces sociétés, celle qui absorba toutes les autres, fit son premier essai au bourg de Saint-Maur, et prit pour sujet la Passion de NotreSeigneur Jésus-Christ. Le prévôt de Paris, averti de cette nouveauté, fit défense à la société de continuer; mais celle-ci se pourvut à la cour. Pour se la rendre favorable, elle se constitua en confrérie; ses membres prirent le titre de Confrères de la Passion de NotreSeigneur (voyez ce mot), et ayant joué devant le roi, ils obtinrent, le 4 décembre 1402, des lettres patentes qui les autorisaient à s'établir à Paris.

La société continua donc ses jeux scéniques, et, pour y attirer le public, des auteurs mirent en action, sous le nom de Mystères, tous les faits rapportés dans les livres saints. On composa ainsi le Mystère des actes des apótres, celui de l'Apocalypse, celui de l'Assomption, celui de la Conception, celui de la Nativité... etc. Les vies de presque tous les saints fournirent aussi des sujets de mystères; on les avait mises en narration: on les mit en drame. On fit et l'on joua le mystère de sainte Barbe, de sainte Catherine, de saint Denis, de saint Pierre et saint Paul, etc.; mais le mystère par excellence fut toujours celui de la passion de N. S., parce que le sujet était le plus élevé, qu'il excitait un plus puissant interêt, fournissait des détails plus nombreux, et était le plus conforme au titre qu'avaient adopté les confrères.

Quoique la Bible et la vie des saints que les auteurs avaient à exploiter fussent des mines pour ainsi dire inépuisables, quelques-uns cherchèrent en dehors des inspirations et des idées nouvelles. Peut-être s'étaient-ils aperçus que

des sujets qui tous avaient ensemble un air de famille, quoique portant des titres différents, n'attiraient plus un public aussi nombreux; peut-être espérèrent-ils se distinguer en sortant des routes battues. Quoi qu'il en soit, il est de fait que ces auteurs mirent à contribution leurs richesses personnelles, inventèrent des fables allégoriques, les disposèrent en scènes, leur donnèrent un but d'instrution; et ces pièces nouvelles, qu'il ne faut confondre ni avec les mystères qui les avaient précédées, ni avec les farces qui les suivirent, furent appelées des Moralités.

Ce nouveau genre de pièces pour les quelles les poëtes n'avaient pas à leur disposition les noms sacrés que fournissent les livres saints, les mit dans l'obligation d'imaginer des personnages qui concourussent à l'accomplissement de leur action, et ces personnages ils les imaginèrent comme il les leur fallait, sans s'inquiéter le moins du monde de la vraisemblance. Dieu, la Vierge, les anges, les saints, les démons, toute la cour céleste, l'enfer tout entier, les affections bonnes ou mauvaises de l'âme, les trois vertus théologales, les sept péchés capitaux, figurés par des hommes ou des femmes vêtus on ne sait comment, montèrent sur la scene, parlèrent, agirent, selon l'esprit de leurs rôles, comme on vit plus tard les fontaines, les fleuves, chanter et danser dans les entrées et les ballets de Louis XIV. Dans la moralité intitulée: Bien advisé et mal advisé, qui pour sa représentation ne demandait pas moins de 57 personnages, on compte Dieu; les anges Michel, Gabriel, Raphael, Uriel; Bien advisé et mal advisé, les héros de la pièce; puis Franche Voulonté, Raison, Foy, Contriction, Enfermeté (Fermeté), Humilité, Tendresse, Oysance (O'siveté), Rebellion, Force,.... Confession, Occupacion, Pénitence, Satisfacion, Aulmosne, Vaine Gloire, Jeusne, Óraison, Désespérance, etc... puis, quatre Diablotons principaux, une troupe de petits Diablotons nommés Démon, Léviathan, Sathan, Bélial, Lucifer, et enfin, Espérance qui, avec Bonne fin, clôt cette interminable liste.

On pensera que si tous ces person

nages prenaient part à l'action et y jouaient un rôle, les pièces devaient être d'une complication et d'une longueur telles, qu'il était impossible d'en suivre toutes les phases et d'en voir arriver la fin. Il est de fait que la représentation des moralités, de même que celle des mystères, durait quelquefois fort longtemps, et exigeait souvent plusieurs journées. Elle finissait pourtant, et plus tôt qu'on ne pourrait le croire, parce que beaucoup de personnages secondaires ne paraissaient que pour donner une explication, rendre compte d'un message, réciter quelques vers, puis allaient s'asseoir sur un des côtés du théâtre, à des places pour eux réservées, et qu'ils ne quittaient plus, parce que leur rôle était fini.

Pendant près de 150 ans les Moralités prévalurent sur les Mystères, et eurent le privilége d'attirer de nombreux spectateurs hors de Paris, du côté de SaintDenis, où les confrères avaient construit un théâtre, dans un hospice fondé par deux gentils hommes allemands, pour recevoir les pèlerins, les pauvres voyageurs, et placé sous le patronage de la sainte Trinité. Mais ces pièces sérieuses finirent avec le temps par fatiguer le public, et, les recettes baissant, les comédiens y mêlèrent quelques farces tirées de sujets burlesques, et qu'on nomma le Jeu des pois pilés, apparemment par allusion à quelque scène qui s'y représentait. Ce mélange de morale ou de religion et de bouffonnerie porta profit à la caisse, mais ne tarda pas à déplaire aux gens sages. La maison de la Trinité fut rendue à sa première destination, et les confrères furent obligés de la quitter. Ce fut alors qu'ils vinrent s'établir dans l'ancien hôtel des ducs de Bourgogne, où le parlement, par arrêt du 19 novembre 1548, leur permit de continuer leurs représentations, à la condition de n'y jouer que des sujets profanes, et en leur faisant très-expresses défenses de mettre en action et en scène aucun mystère de la Passion, aucun autre mystère sacré et aucun sujet religieux, tirés des livres saints. Ainsi, les farces, sotties et autres trivialités semblables furent substituées aux pièces que l'on avait jouées jusque-là.

Il est à présumer que les Moralités

ont été aussi, et peut-être plus nombreuses que les Mystères; cependant il en est arrivé beaucoup moins jusqu'à nous, et il est probable que, pour la plupart, restées manuscrites, elles se sont perdues.

MORANT, ancienne seigneurie de Normandie, érigée en marquisat en 1672; elle est aujourd'hui comprise dans le département de l'Eure.

MORARD DE GALLE (Justin-Bonaventure), naquit en 1741, à Gonselin, en Dauphiné. Nomme enseigne de vaisseau en 1765, il fit diverses campagnes dans l'Inde et en Amérique, fut promu, en 1777, au grade de lieutenant, passa sur le vaisseau la Ville de Paris, et assista au combat d'Ouessant (27 ́ juillet 1778). Il était sur la Couronne, dans l'armée du comte de Guichen, aux combats des 17 avril, 15 et 19 mai 1780. Embarqué, l'année suivante, dans l'escadre aux ordres du bailli de Suffren, il fit toute la campagne de l'Inde, et reçut une blessure grave au combat de la Praya. Nommé contre-amiral en 1792, il fut fait vice-amiral l'année suivante, et prit, en 1798, le commandement de l'armée navale qui était réunie au port de Brest; il mourut à Guéret en 1809. Peu d'hommes de mer ont fourni une carrière aussi remplie que la sienne; il avait fait 37 campagnes. exercé 11 commandements, et assisté à 11 combats.

MORBIHAN (département du). - Ce département, formé d'une partie de l'ancienne Bretagne, tire son nom d'une baie sinueuse et parsemée d'iles, appelée le Morbihan ou la petite mer. C'est l'un de nos départements maritimes. Il est borné au nord par le département des Côtes-du-Nord, à l'est par ceux d'Ille-et-Vilaine et de Loire et de LoireInférieure, au sud par l'Océan, à l'ouest par le département du Finistère. Sa superficie est de 699,641 hectares, dont 291,531 hectares en landes et bruyères, 260,971 en terres labourables, 69,052 en prairies, 34,462 en bois et forêts, 16,881 en vergers, pépinières et jar dins, etc. Son revenu territorial est évalué à 14,741,000 francs. En 1839, il a payé à l'État 1,898,108 fr. d'impôts directs, dont 1,452,303 francs pour la contribution foncière.

Ses rivières navigables sont le Blavet,

l'Oust, la Vilaine et l'Auray, qui se perd dans la baie du Morbihan. Il possède en outre deux canaux, celui du Blavet et le canal de Nantes à Brest. Ses grandes routes sont au nombre de vingt et une, dont sept royales et quatorze départementales. Ses principaux ports sur l'Océan sont Lorient, Port-Louis, Auray et Vannes.

Il est divisé en quatre arrondissements. qui ont pour chefs-lieux : Vannes, chef-lieu du département, Lorient, Ploërmel et Pontivy. Il renferme 27 Cantons et 228 communes. Sa population est de 449,743 habit., parmi lesquels on compte 1,452 électeurs qui envoient à la chambre 6 députés.

Ce département forme le diocèse de l'évêche de Vannes, suffragant de l'arthevêché de Tours. Il est compris dans e ressort de la cour royale de Rennes et de l'académie de la même ville. Il fait partie de la 13a division militaire, dont Rennes est aussi le chef-lieu, et de la 25 conservation forestière.

MOREAU (Jean-Michel), né à Paris en 1741, s'appliqua dès son enfance à l'étude du dessin. Le Lorrain, son maître, nommé directeur de l'académie de Saint-Peterbourg, l'emmena avec lui en Russie. Quand il revint en France, il se trouva presque sans ressource, et ne dut qu'à sa passion pour les arts de pouvoir étudier la gravure sous Lebas; bientôt habile graveur à l'eau-forte, et dessinateur non moins habile, il vit son nom se répandre, sa réputation se former, et presque seul, il se trouva chargé de la composition des estampes destinées à orner les plus belles éditions du siècle dernier. Cochin, dessinateur des Menus-Plaisirs du roi, quitta sa place en 1770, et le désigna comme son successeur. A la même époque, Moreau composait les dessins des fêtes du mariage et du sacre de Louis XVI. La gravure de ce dernier morceau lui ouvrit les portes de l'Académie, et lui mérita la place de dessinateur du cabinet du roi, avec une pension et un logement au Louvre. En 1785, il alla visiter l'Italie, et les grands modèles qu'il y admira eurent une influence immense sur son talent; car, a dater de son retour, ses compositions ont un caractère plus grand

et plus noble; sa manière même est plus franche et plus décidée. Il fit partie en 1793 de la commission temporaire des arts, et fut nommé en 1797 professeur aux écoles centrales de Paris. L'œuvre de Moreau contient plus de deux mille pièces composées pour les œuvres de Voltaire. Molière, Racine, Montesquieu, la Fontaine, Regnard, Delille, Raynal, etc. Dans un nombre aussi considérable de sujets souvent analogues, on admire avec quelle adresse le génie de l'artiste a su se modifier et se varier à l'infini. Moreau mourut le 30 novembre 1814. Sa fille, madame Carle Vernet, offrit en 1819, au cabinet particulier de Louis XVIII, dix-neuf de ses dessins originaux; le roi en fit l'acquisition.

MOREAU (Jean Victor), l'un des plus illustres généraux de la république française, naquit à Morlaix le 11 août 1763. Fils d'un avocat, et ayant parcou ru avec éclat la carrière des etudes scolaires, il fut destiné au barreau. Mais l'étude des lois avait pour lui peu d'attraits; une sorte de pressentiment de sa grandeur future le poussait vers l'état militaire. A l'âge de dix-sept ans il s'enrôla; mais ses parents parvinrent sans peine à faire casser un engagement contracté sans leur consentement, et Moreau, rejeté malgré lui dans la science des Cujas, v fit de rapides progrès. Nommé prévôt de l'école de droit de Rennes en 1787, il soutint avec énergie les priviléges des parlements menacés par le ministre de Brienne, et reçut des vieux conseillers, dont il était à la fois et le protége et le protecteur, le surnom de général du parlement. Après un tel début et de tels encouragements, il est probable que, sans la révolution, Moreau eût poursuivi la carrière judiciaire. La convocation des états généraux, qu'il regardait comme le remède tout-puissant aux maux qui désolaient la patrie, la résistance des parlements aux réfor mes dont les premiers ils avaient donné le signal, réveillèrent dans le cœur du jeune homme les dispositions martiales que n'avaient pu étouffer en lui ni l'aride étude du droit, ni les despotiques volontés de sa famille. En 1789, on le voit à la tête de réunions armées, luttant contre la noblesse bretonne et les

parlements dont il a abandonné le par- rach, dans les montagnes Noires, où ti. En 1790, une confédération géné-il défit complétement les troupes autrirale de la jeunesse bretonne et angevine s'étant formée à Pontivy, Moreau en fut nommé président, poste difficile et dangereux dont il sut se montrer digne. Parti en 1792 comme chef du premier bataillon de volontaires qui s'organisa dans le département du Morbihan, il fut nommé en 1793 général de brigade, et en 1794 général de division. Il avait servi d'abord sous Dumouriez; il servit ensuite sous Pichegru. Ce fut ce dernier, juste appréciateur des talents du jeune homme, qui lui fit successivement obtenir ces deux grades. Moreau se montra digne et reconnaissant de ce choix; chargé d'un commandement séparé en Belgique, il s'empara d'un grand nombre de places, entre autres du fort de l'Écluse, et seconda puissamment Pichegru dans la campagne de 1794, sur les glaces de la Hollande. Il lui succéda ensuite dans le commandement de l'armée du Nord, qu'il quitta bientôt après pour aller prendre celui de l'armée de Rhin - et - Moselle, avec laquelle il ouvrit, en juin 1796, cette campagne qui devint le fondement de sa gloire militaire. Après avoir forcé Wurmser à la retraite, culbuté les troupes des Cercles, défait l'armée du prince de Condé, battu l'archiduc Charles, le plus habile des généraux autrichiens, à Rastadt, à Ettlingen, à Pfortzheim, à Stuttgardt, à Canstadt, à Berg, à Bingen, à Constance, et l'armée autrichienne de Latour à Frieberg, il se disposait à franchir le Danube, lorsqu'il apprit la défaite que Jourdan, accablé sous le poids de forces supérieures, venait d'éprouver à Wurtzbourg. Privée d'appui et en présence de forces triples, l'armée du Rhin était en péril et devait à son tour se retirer. Alors commença cette belle retraite, qui suffirait pour immortaliser le nom de Moreau. Il traversa plus de cent lieues de terrain, en présence d'une armée formidable, au milieu de populations ennemies, et repassa le Rhin sans s'être une seule fois laissé entamer; tout le contraire, après avoir tenu constamment tête à l'ennemi, l'avoir battu toutes les fois qu'il en avait été pressé trop vivement, et notamment à Bibe

chiennes, il leur prit des régiments entiers et plusieurs canons.

L'année suivante, Moreau réorganisa l'armée de Sambre-et-Meuse, dont il laissa bientôt le commandement à Hoche. Revenu sur le Rhin, il passa le fleuve en présence des ennemis rangés en bataille sur la rive opposée, près de Guembsheim; il les battit, leur fit 4,000 prisonniers, leur enleva 20 canons et leur reprit le fort de Kehl. Les préliminaires de Léoben arrêterent ces premiers succès. Soupçonné alors d'entretenir des intelligences avec Pichegru, Moreau fut disgracie par le Directoire. Mais, dès 1798, il fut rappelé, nommé inspecteur général et membre de la commission chargée de préparer la campagne de 1799. Envoyé en Italie, après la défaite de Schérer à Vérone, il sauva l'armée d'une totale destruction, et battit 12,000 Russes de l'armée de Souwarof à Bassignano. «Jamais, dit un historien, Moreau ne déploya plus de talents, ne montra plus de sang-froid, de présence d'esprit et de force d'âme, que dans la situation terrible où l'impéritie de son prédécesseur avait jeté l'armée. Avec 20,000 hommes seulement contre 90,000, il ne se laissa pas un instant ébranler. Ce calme était bien autrement méritoire que celui qu'il déploya lorsqu'il revint d'Allemagne avec une armée de 60,000 hommes victorieux, et pourtant il a été beaucoup moins célébré; tant les passions influent sur les jugements contemporains!» Rappelé au commandement de l'armée du Rhin, Moreau remit à Joubert celui de l'armée de l'Italie ; mais avant de se rendre à son poste, il assista comme simple volontaire à la désastreuse bataille de Novi, où périt Joubert. Il se remit alors à la tête de l'armée vaincue, et opéra une si belle, une si savante retraite, qu'il rendit presque stérile la victoire de l'ennemi.

Quand Moreau passa à Paris pour se rendre sur le Rhin, Bonaparte était de retour d'Égypte et travaillait à renverser le Directoire. Moreau contribua au succès de la journée du 18 brumaire, et le premier consul lui confia le commandement des armées du Danube et du Rhin, pendant que lui-même allait pren

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