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les voies et moyens licites et raisonnables que bonnement faire pourroit. Dont elle le mercia grandement. Et pour sur ce avoir advis que bon en seroit à faire, fist ledit duc assambler son conseil pour veoir et débatre la matière, adfin de sçavoir ce qu'il en seroit bon pour le mieulx. Ouquel conseil fut délibéré que ledit duc de Bourgongne envoyeroit ses mesaiges solempnelz devers ceulx de Luxembourg, eulx requerre et sommer qu'ilz feissent devers ycelle dame et ses officiers toute l'obéyssance qu'il apertenoit et comme ilz estoient tenus de faire; et ce ainsy ne le faisoient, ycelui duc de Bourgongne l'aideroit et conforteroit de toute sa puissance pour le remettre en sa signourie. Auxquelles requestes et sommacions ceulx de Luxembourg ne volrent entendre ne obéyr nullement, jà soit il que pluiseurs requestes leur en furent faites. Mais pour eulx entretenir, se pourvey rent dedens leurs villes de gens de guerre. C'est assavoir du duc Guillaume de Saxe, qui se disoit héritier de ladicte duchée de Luxembourg. Et envoya ung sien parent nommé le conte de Clicque, à tout huit cens combatans des marches d'Allemaigne. Lesquelz se boutèrent en garnison en la dessusdicte ville de Luxembourg et de Tyonville, et aultres villes et forteresces à l'environ, qui estoient à eulx favourables. Et eulx, là venus, commencèrent à courre et faire grand guerre à aulcunes villes et forteresces qui encore estoient demourées en l'obéyssance de ladicte dame. Et par ainsy fut ycelui pays fort divisé et en grand tribulacion.

Et adonc, le dessusdit duc de Bourgongne, sachant que les dessusdiz perséveroient de jour en jour en leur malvaix propos, se conclud et délibèra du tout de

eulx faire forte guerre. Et pour ceste cause escripvi ses lettres au conte de Vernenbourg et au damoiseau de Salemire, à Henri de La Tour, et aux aultres nobles du pays et duchée de Luxembourg et de la marche à l'environ. Dont la plus grand partie tenoient le party de la dessusdicte duchesse et qui se vouloient employer en l'ayde et faveur d'elle, qu'ilz feyssent guerre à tous ceulx qui ly estoient contraires et désobéyssans. Et leur manda oultre que brief y envoieroit de ses gens, et puis yroit en personne pour reconquerre ladicte duchée, et en débouteroient ceulx qui le occupoient. A laquelle requeste dudit duc de Bourgongne ilz furent très contens d'entendre et obéyr. Et de fait, après qu'ilz eurent deffiés les dessusdiz, leur firent guerre ouverte, et coururent sur eulx par pluiseurs et diverses fois.

Entretant, ledit duc de Bourgongne envoia ledit conte d'Estampes en Picardie, et lui fit sçavoir qu'il assamblast certain nombre de gens de guerre pour mener en Bourgongne devers luy. Ce qu'il fist. Et quand son armée fu preste, il les fist tirer devers SaintQuentin en Vermendois, et luy meisme y ala en sa personne. Si estoient avec lui, Walerant de Moreul, Gui de Roie, le seigneur de Humières, le seigneur de Saveuses, messire Symon de Lalaing, le seigneur de Noefville, Gauwain Quiéret, messire Anthoine de Wissoch, Jehan de Haplaincourt, et pluiseurs aultres notables chevaliers et escuyers. Et povoit avoir en tout le nombre de douze cens combatans. Si se tira dudit lieu de Saint-Quentin devers Laon, pour aler passer assés près de la conté de Reters. Mais quand il fut entre Montagu et Sisonne, il luy fut dit que Dimence de

Court, Le Ronchin et aulcuns aultres capitaines des gens du Roy, estoient logiés à Montagu et audit lieu de Sisonne. Lesquelz nagaires avoient esté ou pays de Rethelois où ilz avoient fait de grans et mervilleux dommages. Pour lesquelz ledit conte d'Estampes estoit très mal content d'eulx. Et avec ce, ung petit par avant, ycelui Dimence de Court avoit esté destroussé en Bourgongne, et avoit promis de luy non plus logier sur les pays duditduc de Bourgongne, ne sur ceulx de son party. Si leur manda et fist sçavoir qu'ilz se retrayssent hors de son chemin, et qu'il se vouloit aler logier audit lieu de Montagu. Ce que point ne vouloient faire. Pour quoy entre ycelles parties s'esmeurent aulcunes rigueurs. Et fut ordonné par ledit conte d'Estampes et son conseil qu'on leur courust sus. Et ainsy en fut fait. Si furent la plus grand partie desdiz François du tout destroussés, et tous leurs biens, tant chevaulx comme autres bagues, prins et ravis par les Picars. Et en y eut bien peu de mors et de navrés. Et depuis qu'ilz eurent esté fais prisonniers, furent délivrés, et avec ce furent à aulcuns rendues aulcunes de leurs bagues. Et par spécial à ycelui Dimance de Court fut rendue partie de ses bagues. Si se tirèrent arrière le plus brief que faire le porent. Pour lesquelles destrousses, le Roy, ne son filz, ne furent point bien contens, de ce que ainsy on les avoit rués jus en leur pays, et aussy pour tant qu'ilz aloient à ung mandement que faisoit ledit Dauphin, pour aler au secours de ceulx de Dieppe. Duquel ci-après sera faite plus ample mencion. Nientmains, la besongne demoura ainsy faite pour lors. Mais depuis en vindrent de très grans re

mours.

En après, le conte d'Estampes et ses gens se tirèrent jusques sur les marches de Bourgongne. Et tinrent ses gens les champs Vers Lengres1 et Monsangon'. Durant lequel temps ledit conte d'Estampes et les seigneurs, en la plus grande partie, qui estoient avec luy, alèrent à Digon devers le duc de Bourgongne, où ilz furent moult joieusement receus et festoiés. Et se tinrent là certaine espace de temps, entant que ledit duc faisoit ses apprestes pour aler à puissance en la duchée de Luxembourg.

CHAPITRE CCLXXV.

Comment le Daulphin ala secourir ceulx de la ville de Dieppe qui estoient asségiés des Anglois leurs adversaires.

En ce meisme temps, le roy de France ordonna à son filz le Daulphin, de aler souscourir ceulx de Dieppe, qui par lonc temps, comme dict est ci-dessus, avoient esté durement oppressés et travilliés des Anglois leurs adversaires, desquelx ilz estoient asségiés par une très forte bastille où ilz se tenoient. Si se tira ledit Daulphin vers Paris, à tout certain nombre de gens de guerre. Et estoient en sa compaignie le conte de Dunois, le seigneur de Gaucourt, le seigneur de Betizach, le seigneur de Pressigni, et moult d'autres capitaines en grand nombre. Et luy, approuchant près de Paris, manda à venir devers luy à Compiengne, pluiseurs du pays et de la marche environ. Entre lesquelx y mandé Loys de Luxembourg, conte de Saint-Pol, qui

1. Langres (Haute-Marne). 2. Monsaon (Haute-Marne).

fut

y ala, grandement acompaignié de pluiseurs seigneurs et gentilz hommes. Aussy vindrent devers luy, le seigneur de Moyencourt, Renauld, Hector, Charles et Raoul de Flavi, le seigneur de Moy, le seigneur de Longueval et moult d'aultres grans seigneurs et notables hommes de guerre des marches de Beauvoisis, de Santhers et de Vermendois. Et y vint aussy messire Robert de Salebrusse, damoisiau de Commarcis, et son nepveu, Jehan de Hangiers. Duquel lieu de Compiengne ledit Daulphin fist tirer ses gens vers la cité d'Amiens. Et après, par Moyencourt ala gèsir à Chaule1 dedens le chastel. Ouquel lieu estoit Gauwain Quiéret, capitaine d'icelle forteresce, lequel de là s'en ala avec le Daulphin. Et tous ensamble se tirèrent par Amiens à Abbeville, ouquel lieu il assambla toutes ses gens. Et povoient bien estre environ de quatre mil combatans, très bien en point. Lesquelz furent conduis par ledit Daulphin et les seigneurs et capitaines qui estoient avec luy, jusques audit lieu de Dieppe, où il se loga et grand partie de ses gens. Et les aultres se logièrent au plus près, tant ès faulzbourgz, comme ès villages. Et lendemain qu'il fu là venu, fist sommer à ceulz de ladicte bastille qu'ilz se voulsissent de là départir et eulx en aler sauvement, en emportant partie de leurs biens. A quoy yceulx Anglois ne volrent entendre nullement. Ains firent responce, et dirent qu'ilz se deffenderoient jusques à la mort. Sur laquelle responce le Daulphin mist son conseil ensamble pour sçavoir qu'il en estoit bon de faire. Et en fin duquel conseil fut conclud qu'on les assauldroit dedens briefz jours, après ce qu'on au

1. Chaulues (Somme), comme aussi Moyencour.

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