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François, qui furent aulcunement advertis de la venue dessusdicte, traictèrent hastivement avec ceulx de dedens. Si fu le traicté tel qu'ilz leur donnèrent aulcune somme de pécune adfin qu'ilz se partirent de là. Et baillèrent ycelle ville aux seigneurs François dessusdiz, qui y mirent très grosse garnison. Et après se retrayrent de là et retournèrent à Chartres et ès aultres bonnes villes tenans leur party en ycelui pays, pour garder les frontières contre les dessusdiz Anglois. Et tantost après, messire Jehan de Gapaumes, capitaine de Dourdan, fut prins par aulcuns de ses gens qui le trahirent et le livrèrent aux dessusdiz Anglois, auxquelz pour sa rançon il paia depuis moult grand finance.

Et en ce meisme temps, y eut une destrousse faite sur les Anglois assés près de Garville', à deux lieues de Evreux. En laquelle destrousse furent mors de la partie des dessusdiz François, Jehan de Bressay et Mordon de La Fontaine, avec aulcuns aultres. Nientmains, par la vaillance et diligence de Floquet qui estoit l'un de leurs chiefz, furent lesdis Anglois tous rués jus et destroussés, desconfis et mors en la place environ de onze à douze vins, et si en y eut pluiseurs qui furent détenus prisonniers.

Item, en ce meisme temps, l'empereur d'Alemai

1. Sans doute pour Gravigny (Eure), mais ce lieu n'est qu'à 3 kil. d'Évreux. Quant à Graville, qui se rapporterait bien mieux au Garville de notre texte, il ne faut pas y songer. Car il n'y a que deux localités de ce nom en Normandie, et l'une est près du Havre et l'autre dans le département de la Manche. A la vérité, on trouve dans le Dictionnaire topographique du département de l'Eure de M. Gadebled, un hameau du nom de Graville, mais c'est une dé

gne', acompaignié de pluiseurs grans et nobles seigneurs et moult grant nombre de gens, s'en vint en la cité de Besançon. Ouquel lieu ala devers luy en moult noble et bel appareil le duc Phelippe de Bourgongne.

CHAPITRE CCLXIX.

Comment les Anglois asségièrent la ville de Dieppe en Normendie.

Item, durant le temps dessusdit, les Anglois, environ le nombre de huit cens combatans, alèrent devant la ville de Dieppe en Normendie. Et là, sur une montaigne assés haulte et advantageuse firent former et asseoir une forte bastille, laquelle fut advironnée de fossés parfons à merveillez et fut pourveue très largement de canons, culevrines et aultres engiens et habillemens de guerre. Dedens laquelle bastille ilz laissièrent de quatre à cinq cens combatans, desquelx estoit le chief et capitaine, ung chevalier nommé Guillaume Pointo. Et depuis vint avec lui le bastard de Thalebot. Si còmmencèrent à mener moult forte guerre à ceulz de la ville de Dieppe. Et assirent pluiseurs groz engiens qui jettoient tousjours incessamment dedens ycelle ville. Par quoy elle estoit moult oppressée et travillié. Et avec ce gardoient continuelment que nulx vivres n'y peussent entrer. Et toutes fois, lesdictz Anglois estoient très souvent rafreschis de vivres et de nouvelles gens, par quoy leur partie

pendance de Beuzeville, chef-lieu de canton de l'Eure, à 35 kil. d'Évreux.

1. Frédéric III.

adverse avoit moult à souffrir. Nientmains, Charles des Mares, qui estoit ung des principaulx capitaines de la dessusdicte ville de Dieppe, et aulcuns aultres vaillans homme de guerre avec lui, faisoient moult grand diligence nuit et jour pour résister aux dessusdiz Anglois, leurs adversaires. Et aussy, durant le temps que ycelle bastille y fut faite, furent ravitailliés par pluiseurs et diverses fois, tant par mer comme par terre. Et y avoit très souvent entre lesdictes deux parties de très dures escarmuches, auxquelles en demouroit très souvent de mors et de navrés des deux parties. Et dura ceste besongne entre ycelles parties assés longuement, et jusques à tant qu'on comptoit le temps l'an mil IIII et XLIII, que lors Loys, Daulphin, premier filz du Roy, y ala à tout sa puissance et conquist ladicte très forte bastille de force, comme ci-après sera plus à plain déclairié.

CHAPITRE CCLXX.

Comment Pierre Renauld fut par force débouté de la forteresce de Milly'.

Vous avez bien oy racompter comment Pierre Renauld estoit logié ou chastel de Milly estant à deux lieues ou environ près de Beauvais, lequel lieu de Milly il avoit fait réparer et fortifier. Et avoit bien avec luy le nombre de deux cens combatans, tous fors sacquemans, rades et viguereux, à tout lesquelz il

1. C'est ici que reprend Vérard, qui, comme nous l'avons dit plus haut, n'a pas les deux chapitres précédents.

couroit souvent en divers lieux. Et tout ce qu'il povoit attaindre et attraper au dehors des chasteaulx et fermetez', tant sur les pays du Roy, comme ailleurs, estoit prins, ravi et enmené ou emporté en leur forteresce ou garnison. Et par espécial avoit couru et couroit continuellement de jour en jour sur les villes et pays de l'obéyssance et signourie du duc de Bourgongne, du conte d'Estampes, et de pluiseurs aultres grans seigneurs de ce party. Et meismement très souvent passoient l'eaue et la rivière de Somme en tirant vers les marches d'Artois, où il avoit de x à xvi lieues de leur dicte garnison. Et pareillement faisoient les chastellenies de Péronne, Mondidier et Roye, où ilz prenoient de bons prisonniers, lesquelz ilz mettoient à grosses finances, ainsy et par la manière que euyssent peut faire les adversaires du temps de la guerre, avec tous aultres biens quelconques, dont lesdiz pays estoient moult fort oppressés et travilliés. Si en furent par pluiseurs fois faites grandes plaintes et doléances aux seigneurs dessusdiz, dont ilz estoient très mal contens. Et pour ceste cause, envoia ledit duc de Bourgongne devers le Roy, avec aultres affaires, luy remoustrant la destruction de yceulx ses pays, en luy requérant de y avoir provision. A quoy le Roy fist responce, comme aultre fois avoit fait pour pareil cas : C'estoit qu'il luy en desplaisoit moult, et qu'il estoit très content que ledit duc de Bourgongne le feyst ruer jus et destrousser se il le povoit trouver en sesdiz pays, ou qu'il le feyst asségier et débouter par ses gens, d'ycelle forteresce de Milly. Et il manderoit et feroit

1. Forteresses.

faire deffence à tous ses capitaines des marches à l'environ, qu'ilz ne lui baillassent ayde, souscours ne faveur nulle contre les gens dudit duc de Bourgongne, sur autant qu'ils doubtoient à encourir son indignacion. De laquelle responce ycelui duc fut assés content, et se pourpensa qu'il pourverroit au sourplus au plus brief que bonnement faire le pourroit. Si trouva moyen de faire traictier avec aulcuns capitaines Anglois sur la marche de Normendie, et qu'ilz bailleroient seurté de non faire guerre à ses gens. Et quand ledit duc de Bourgongne fut assés adcertené des deux parties qu'ilz ne luy porteroient nul grief ne dommage, ne à ses gens, à la cause devant dicte, luy, qui pour lors estoit en son pays de Bourgongne, fist sçavoir au conte d'Estampes, qui avoit le gouvernement de ses pays de Picardie, qu'assamblast le plus de gens de guerre qu'il pourroit finer et les menast devant ledict chastel de Milly. Sur quoy ledict conte fist grand diligence et mist ensamble en assés brief terme bien le nombre de douze cens combatans ou environ, tant chevaliers, comme escuyers et aultres gens de guerre, les plus experts et exelens d'ycelui pays de Picardie et de la marche à l'environ. Entre lesquelz estoient, Walerant de Moreul, Gui de Roye, Jehan de Hangiers, le seigneur de Saveuses, Simon de Lalaing, Jehau de Happlaincourt, Charles de Rochefort, messire Colard de Mailly, et moult d'aultres grans et notables seigneurs et gentilz hommes. Et fut faite celle assamblée en la ville d'Amiens. Duquel lieu, à tout charroy chargié de vivres et habillemens de guerre, s'en alèrent en moult belle et bonne ordonnance, par aulcuns jours, jusques à Beauvais, où il

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