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tout le pays s'estoit retrait. Et y avoit cinq fermetés, car c'estoit une ville forte à merveilles. Desquelles fermetés les gens de monseigneur le Daulfin prinrent les deux de première venue sans faire long procès, et se logèrent dedens. Et peu de jours ensievans les gens du Roy prinrent la tierce fermeté. Et depuis fut commandé de par le Roy qu'on assaulsist la quarte. Auquel les Anglois firent grande résistence. Mais petit durèrent, et furent reboutés et poursievys très vigueureusement jusques à la porte du maistre chastel. Lequel, sans commandement ne ordonnance du Roy ne de ses capitaines, fut assailli très vaillamment par les François. Et dura ledit derrain assault environ l'espace de quatre heures, moult horrible et mervilleux. Mais enfin les Anglois qui estoient dedens furent prins et conquis par force et mis à l'espée. Et en y eut prestement sans remède mis à mort bien de huit cens à mil Anglois. Et n'y moururent à celui assault que environ de vint à trente gens du Roy. Entre lesquelz en fut l'un le petit Blanchefort. Si fu prinse la ville par le costé que faisoit assaillir le connestable de France. Et là fut prins du costé desdiz Anglois, messire Thomas de Rameston, et aulcuns aultres en petit nombre. Après laquelle prinse et que le Roy y eut sousjourné environ l'espace de douze jours, il s'en ala mettre le siège devant la cité de Acques en Gascongne, où il fut bien environ cincq sepmaines. Et y avoit un moult fort bolevert devant l'une des portes. Et après que les gros engiens du Roy eurent trait et jetté par pluiseurs jours et démoly la muraille de ladicte ville et le dessusdit bolevert, on assailly ycelui bolevert. Et dura ledit assault bien par l'espace de cinq grosses heures, très cruel et

mervilleux. Et en fin fu conquestié et prins de force, environ le jour faillant. Si y furent mors dix ou douze Anglois. Et des François en y eut pluiseurs navrés. Après laquelle prinse on fist retraire toutes gens de par le Roy, réservez ceulx qui furent commis à garder ledit bolevert. Et lendemain ceulx de ladicte ville de Acques, doubtans qu'on y feyst nouvel assault et qu'on recommençast de plus fort, se rendirent tous à la voulenté du Roy, excepté le seigneur de Montferant, qui en estoit capitaine pour le roy d'Angleterre, et le dessusdit Angerot de Saint-Per, lesquelx se randirent, sauf leurs corps seulement. Sy s'en alèrent le baston au poing. Et avec ce promist ledit seigneur de Montferant, de rendre en la main du Roy deux forteresces qu'il avoit assis près de la bonne cité de Bourdeaulx. Et pour la seurté de ce, bailla son fils en hostaige, lequel demoura prisonnier par long temps, parce que ledit seigneur de Montferant ne volt point rendre les forteresces dessusdictes ainsy que promis l'avoit. Et gouvernoient lors en ycelui pays, le Captal de Buef, ledit seigneur de Montferant, et messire Thomas de Rameston, séneschal de Bourdeaulx. Durant lequel temps lesdiz Anglois reprinrent la ville et chastel, avec tous les fors, de Sainte-Sevère. Mais brief ensievant le roy de France y retourna, à tout son armée. Si fu reconquise de force, et y eut moult grand nombre d'Anglois mis à mort.

Ouquel temps, se rendi françois et fist sairement au Roy en lui baillant obéyssance en ses villes et forteresces le seigneur de Rochetaillarde. En après ala le Roy devers Marmande, laquelle se rendi à luy. Et de là se tira devers la Réolle, qui fut assiégé très puissam

ment par lesdiz François. Et depuis fu prinse ycelle ville, d'assault. Mais le chastel se tint environ l'espace de six sepmaines. Au bout duquel terme se rendirent ceulx de dedens, sauves leurs vies. Et y commist le Roy Olivier de Cotigny pour en avoir le gouvernement, avec aulcunes aultres places qui avoient esté conquises durant ledit voiage. De laquelle ville de La Réolle estoit capitaine pour le roy d'Angleterre, le baron de Quinnus, lequel depuis se rendi françois. Et entretant que les conquestes dessusdictes se faisoient, y eut aulcune destrousse sur eulx par lesdiz Anglois sur les François. Et par espécial les paysans du pays leur faisoient forte guerre. Pour quoy, tant pour la grande multitude de gens qui y avoit le Roy, comme pour les reboutemens et agaitz que leur faisoient les dessusdiz, furent par pluiseurs fois moult oppressés de famine; et moururent la plus grand partie de leurs chevaulx. Dont les routiers et aultres qui ont acoustumé de les champs, long temps par avant furent fort troublés. Et en y eut très grand nombre qui se tirèrent plus avant ès pays pour eulx rafreschir. Et mesmement alèrent jusques assés près du pays de Navarre, en faisans de très grans dommages au povre commun peuple. Et d'aultre part, pendant le temps dessusdit, les Anglois se assamblèrent ung certain jour, et, par moyens qu'ilz avoient, reprinrent la cité d'Acques en Gascongne sur les François, de laquelle estoit capitaine Renauld Guillaume le Bourguignon, lequel fut prins prisonnier, et très grand partie de ses gens mis à mort. Duquel le roy de France fut très mal content, pour ce qu'il avoit perdu si en haste et par malvaix soing ycelle cité, qui assés largement avoit cousté au conquerre.

Après lesquelles besongnes et que le Roy eust esté oudit pays de Gascongne environ de sept à huit mois, et fist en ycelui pluiseurs belles conquestes comme dict est ci-dessus, considérant le grand travail que de jour en jour avoient eu ses gens pour la défaulte de vivres dont ils avoient à très grand dangier, si conclut et délibéra de tourner à Montauben, où il fut environ deux mois. Et là fist ses ordonnances pour la garde du pays, et, par diverses journées, s'en retourna à Poitiers. Et peu de temps après, La Hire, qui moult avoit esté travaillié en celuy voiage et qui desjà estoit homme assés bien eagié, ala de vie à trespas, ou chastel de Montauben. Pour la mort duquel le Roy fut très desplaisant, quand ce fut venu à sa congnoissance. Et ordonna que sa femme possessast de aulcunes terres et signouries qu'il avoit donné audit La Hire sa vie durant.

CHAPITRE CCLXVIII.

Comment les Anglois eurent la ville de Conches en Normandie sur les François par traictié, et pareillement eurent les François la ville de Gaillardon, laquelle tenoient les Anglois.

Item, durant le temps que le roy de France estoit ou voiage de Tartas comme dict est dessus, se assamblèrent en Normendie très grand nombre d'Anglois, et soubz la conduicte du conte de Sombreseth, de messire Johan de Thalebot, et d'aulcuns aultres capitaines anglois, vinrent assègier la ville de Conches en Normendie. Et y estoit dedens comme capitaine .....1

1. Le nom est en blanc dans le mss. 8346. Ce chapitre et le suivant ne se trouvent pas dans Vérard.

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lequel fist grand diligence avec ses gens pour deffendre ycelle ville. Nientmains elle fut très fort approuchié et assaillie, tant de canons comme d'aultres groz engiens et habillemens de guerre. Et tellement fut contrainte, que de jour en jour ceulx de dedens faisoient grand doubte d'estre prins d'assault. Si envoyèrent secrètement devers le conte de Dunois, bastard d'Orliens, et messire Pierre de Bressay, seigneur de la Garesne, qui avoient la charge de par le Roy, à tout certain nombre de gens de guerre, pour garder la frontière contre lesdis Anglois sur les marches des pays de Chartain et du Maine. Et si leur firent signifier le dangier en quoy ilz estoient, en eulx requérant de avoir leur secours et ayde. Mais quand ilz eurent assamblé tout ce qu'ilz peurent avoir de gens, ilz trouvèrent qu'ilz n'estoient point puissans assés pour lever ledit siége. Et pour tant, adfin de baillier empeschement aux dessusdiz assiégans, alèrent logier devers Gaillardon, que tenoient les Anglois, et y firent livrer ung très cruel assault. Auquel assault ceulx de dedens résistèrent très vaillamment et reboutèrent lesdiz assaillans. Et entretant, ledit conte de Sombreset, anglois, et ceulx de sa compaignie, firent traictié avec ceulz de Conches, moyenant qu'ilz s'en alèrent en rendant ladicte ville. Et ne les eust ledit conte point prins, se non qu'ilz se fussent du tout rendu à sa voulenté1, se n'eust esté ce qu'il avoit intencion d'aler combatre les François dessusdiz qui estoient devant Gaillardon, se ilz le vouloient attendre. Lesquelz

1. C'est-à-dire qu'il les eut forcé de se rendre à merci, se n'eust esté, etc.

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