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que pour morir il ne fausseroit ce qu'il avoit promis. Et puis dist ces parolles ou en substance : le corps pourront ilz bien avoir, mais l'âme non. Et ce dist-il, pour ce que à ce jour il s'estoit confessé et ordonné ainsi que pour recevoir la mort. Et en ce point entra en ladicte ville et s'en alla logier audit chastel, auquel il disna, et après le disner il envoia devers le Daulfin le seigneur de Saint-Georges et autres, pour savoir à quelle heure il luy plairoit que iceluy duc alast devers luy. Sur quoy il leur fist respondre que il voloit que ce fust à troix heures dudit jour. Et ainsi fut

entretenu.

Le x jour du moix de septembre, à troix heures après disner, party le duc de Bourgongne du chastel de Moustreau, et s'en alla devers le Daulfin de Viennoix en une place pour ce ordonnée assés près dudit chastel, sur ung pont qui y est. Et est la place enclose de deux barrières, et chascun costé avoit ung huys fremant par dedens. Et quant ledit duc de Bourgongne vint à l'entrée de ladicte barrière on luy demanda quelx gens il voloit avoir avoec luy dedens ladicte place. Et il respondy que il y voloit avoir Charles, filz au duc de Bourbon, le seigneur de Nuailles, Jehan de Fierbourg, les seigneurs de Saint-Georges, de Montagu, d'Autre et de Giach, messire Anthoine de Vergy, Charle de Sens, Guy de Pontailler et maistre Jehan Seguinat, secrétaire. Et quant le duc de Bourgongne et les dessus nommés furent dedens entrés, les Armignas crièrent : c'est assés. Et lors fremèrent et clorrent l'uys. Et ledit duc alla faire la révérense au Daulphin et s'enclina moult humblement devant luy tout jus à ung genoul. Et en ce faisant, le visconte de Nerbonne et Taneguy du Chastel le prirent par les bras en le relevant. Et ce fait ledit Taneguy, d'une hache qu'il avoit en sa main, frappa icelui duc entre la teste et les espaulles, si esforchieuement qu'il l'abaty à terre. Et incontinent après ce cop il fu de tous ces Armignas telement assaillis et férus que oncques plus de la place ne party. Et quant le duc fu ainsi abatus, le seigneur de Nuailles devant dit se coucha dessus luy pour le cuidier saulver, mais on frappa sur luy et l'auta si durement que oncques puis ne porta armes. Et fu ledit duc illec présentement occis et murdris, et ledit de Nuailles mis en tel point que il ne vesquy gaires après luy. Et en ce faisant issirent hors des maisons de ladicte ville gens sans nombre, armés tout au cler, tous introduis de leur fait, et commenchèrent à crier : tuez tout! tuez tout! Et

estoit une grant orreur et cruaulté d'estre en icelle ville. Là furent prins tous les chevaliers dessus nommez entrez avec ledit duc de Bourgongne, excepté le seigneur de Montagu, lequel se saulva par saillir pardessus la barrière sur le cauchié de ladicte ville. Et ceulx qui estoient demourez audit chastel de par icelui duc se saulvèrent pour celle heure et levèrent le pont amont. Mais ilz n'avoient de quoy eulx vivre et deffendre. Et par tant ilz rendirent la fortresse ès mains d'iceluy Daulphin, et s'en partirent saulvement. Et fu le seigneur de Jonvelle le chief d'iceulx. Et beaucop d'autres qui estoient dedens ladicte ville se saulvèrent et mirent aux champs, et s'en allèrent à Bray, et laissèrent leur seigneur derrière tout mort. Et encore depuis qu'il fut mors, Olivier Lyet luy bouta ung espoy tout parmy le corps, du fondement jusques au haterel, et puis fu desrobez et desvestus de ses aniaulx et armeures et aultres que rien ne lui demoura sur son corps, fors seulement son juppon et ses housiaulx. Et quant il eubt esté assés longement gisans en la place, à la requeste d'aucuns il fut enterrés tout en ce point qu'il estoit en terre sainte, et ledit seigneur de Nuailles emprès luy. Et fu commune renommée que la dame de Giach, illec présente, son filz et Philippe Jossequin, con disoit qu'il estoit bien de ladicte dame de nuit et de jour, furent cause de ladicte traison et consentans d'icelle. Et toutes fois ledit Philippe Jossequin, qui avoit esté filz de armoyeur du duc Philippe de Bourgongne, père audit duc Jehan, estoit l'omme au monde que icelui duc Jehan avoit le mieulx amé et le plus avanchié en sa court d'homme qui rien ne luy fust, et tant que il en avoit courouchié pluiseurs seigneurs en tamps passé et son propre filz meismes. Car il luy moustroit toute l'amour que on pouvoit moustrer à homme et luy faisoit porter son séel de secret et signer lettres de son propre nom comme il eust peu faire de sa main, et ne savoit on reconnoistre l'un pour l'aultre, telement estoit leur lettre pareille. Et la cause pour quoy ceulx furent souspechonnez de ladicte trayson, furent que incontinent ilz se mirent à servir ledit Daulphin. Et y furent receuz et y demourèrent paisiblement et ne volt oncques nul d'eulx retourner du party de Bourgongne. Et si estoit ledit Philippe natif de Digon et y avoit ung moult noble hostel, et sa femme demourant en ladicte ville. Ainsi perdy le duc de Bourgongue les biens et honneurs qu'il avoit fais de sa france volenté et libéralité aux dessusnommez dame et seigneur de Giach, Phi

lippe Jossequin et Taneguy du Chastel. Auquel Taneguy il avoit tant fait et moustré tant d'amour au tamps qu'il estoit venus et allez en faisant et pourchassant ledit traictié de paix, et tout affin de parvenir à ladicte trayson. Auquel tamps il s'estoit accointié et apprivisié des dessus nommées, de Giach et Jossequin, avec lesquelx il se tenoit communement quant il estoit devers ledit duc et par le commandement d'iceluy pour ce que il en avoit en eulx parfaicte confidence. Et ilz tournèrent toute leur affection à le faire murdrir, ainsi que ce dit est. Dieux par sa grâce luy face mercy, car il moru vray et loial campion de la couronne de France, qui oncques ne volt faire ne consentir quelques traictiés ou alliances qu'il volsist faire au roy d'Engleterre ne autres que les personnes du roy de France et de tous ses enffans ne fussent tousjours reservez et qu'ilz ne demourassent ses souverains seigneurs, pour iceulx aidier et servir contre tous, fussent ses alliiés ou non, quelques traictiés ou alliances qu'il feist à eulx. Combien que ses aneinis maintenoient le contraire en tous tamps.

A la journée que le duc de Bourgongne fu occis, ainsi que dit est, estoient en la compaignie dudit Daulphin Jehan de Harcourt, conte d'Aumale, le visconte de Nerbonne, Taneguy du Chastel, les seigneurs de Barbazan, de Tigry, le seigneur de Gitry, François de Grignaulx, chevalier, Olivier Lyet et autres pluiseurs.

En cel an furent mis à raenchon les barons, chevaliers et secrétaire prins en la compaignie dudit duc de Bourgongne, exceptés lesdis Charles de Bourbon et le seigneur de Giach. Ceulx demourèrent avoec le Daulphin, et ledit Charles de Sens, amiral de France, lequel ilz firent tenir par grant espace de tamps et depuis (sic).

Après la mort du duc de Bourgongne furent les gens d'icelui duc moult désolez, troublés et desconfortés pour la mort de leur seigneur. Et toutes fois eubrent-ilz conseil ensamble de tousjours maintenir sa querelle et son party et de tenir et garder les villes et fortresses que ilz avoient en garde et en obéissance. Et demourèrent les barons de Bourgongne emprès le Roy et la Royne de France, en la ville de Troies. Et les chevaliers et cappitaines de Picardie et de Flandres se tindrent avoec Philippe de Bourgongne seul filz audit deffunct duc de Bourgonge. Lequel par le trespas de sondit père, comme son héritier, fu duc de Bourgongne, conte de Flandres, d'Artoix et de Bourgongne Palatin, seigneur de

Salins et de Malines, deux foix per de France et doien d'iceulx pers, et si estoit par avant conte de Charoloix, seigneur de Chasteaubelin, et joissant des seignouries et prouffis des villes et chastellenyes de Péronne, de Roie et de Mondidier jusques à ce qu'il seroit plainement contentez de certaine somme d'argent et ossi de certains joiaulx, lesquelx furent promis et deubz à lui et à dame Michiele de France, s'espeuse, à leur mariage, dont ilz n'avoient riens eu. Desquelles seignouries et pais il povoit bien traire et avoir gens et finances pour vengier la mort de sondit père et sa juste querelle maintenir.

Au moix d'octobre, fist le nouvel duc de Bourgongne faire le service de son père en l'église de Saint-Vaast d'Arras moult solempnellement. Auquel service faire furent les évesques d'Amiens, de Cambray, de Thérouane, de Tournay et d'Arras. Et si furent pluiseurs abbés et prélats des pais de Flandres et de Picardie, jusques au nombre de XXIIII croches. Et à ce jour menèrent le dueil avoec ledit duc Philippe, messire Jacques de Harcourt et Jehan de Luxembourc. Et ledit service fait, s'en alla le josne duc prendre les hommages, seremens et possessions de pluiseurs villes et seignouries de ses pais de Flandres et d'Artoix.

Au tamps que le duc de Bourgongne estoit allés prendre les services de ses bonnes villes de Flandres, les Armignas par soutiveté prirent et gaingnièrent la ville de Roie par ce que ilz n'y trouvèrent nulle deffense, et en icelle mirent grosse garnison de gens d'armes. Dont le josne duc fu moult dolant, et fist pour ce ung grand mandement de gens d'armes et de trait en Piccardie et en Flandres, et alla asségier ladicte ville de Roye. Lequel siège dura environ chincq sepmaines, et après luy fu la ville rendue par traictié, et s'en allèrent saulvement ceulx de dedens. Mais en leur chemin ilz furent rencontrés d'aucuns Engloix et Picars mis ensamble, et par iceulx assalis telement que il en y eubt beaucop de mors et de navrez.

Après la prinse et reddicion de Roye, retourna le duc de Bourgongne à Arras, auquel lieu furent devers luy envoiiez en ambaxade de par le roy d'Engleterre, le conte de Waerwicq et autres conseilliers dudit roy chargiés de traictier avoec le duc de Bourgongne d'aucunes choses touchans le bien de paix des deux roix et royaume de France et d'Engleterre. Et là fu conclud que iceulx ambaxeurs et aultres telz que il plairoit au roy d'Engleterre, se

roient envoyez devers le roy de France, à Troyes en Champaigne, pour avoir advis avoec le conseil dudit roy de France, et prendre aucune conclusion sur les poins et articles mis en termes audit lieu d'Arras touchant ladicte paix. Et à tant se partirent les diz ambaxeurs de ladicte ville d'Arras et s'en retournèrent en Normendie devers ledit roy d'Engleterre.

En ce tamps, prirent les Armignas la ville de Crespy en Lannoy, pareillement que ilz avoient prinse la ville de Roye, et pour celle cause se hata le duc de Bourgongne de mectre sus son armée pour aller devers le roy de France, son seigneur, et en son chemin alla mectre siège audit lieu de Crespy, lequel siège dura environ ung moix et puis luy fu la ville rendue par traictié, et s'en partirent salvement ceulx de dedens. Et ce traictié acorda ledit duc de

Bourgongne, pour la haste que il avoit de aller devers le Roy. Et si estoient les Engloix, ambaxeurs dudit roy d'Engleterre, arrivés en sa compaignie pour eulx en aller avoec luy, comme dit est, le hastoient moult, pour ce que le printemps approchoit.

et

Après la reddicion de la ville de Crespy furent les portes et les murs d'icelle abbatus et ruées jus et les fossés remplis, à la requeste de ceulx de Laon, qui estoient les plus prochains de ladicte ville, affin que les Armignas ne se pouissent plus enclorre. Et ce fait, s'en party le duc de Bourgongne et toutes ses gens avoec luy, exceptés les arbalestriers et paviseurs de bonnes villes d'Artois, lesquelz furent renvoiiez chascuns en son lieu. Et prinst icelui duc son chemin à Troies en Champaigne.

En la compaignie du josne duc Philippe, au voiage de Troies, estoient messire Jehan de Luxembourcq et les chevaliers et gentilz hommes de Picardie cy-devant nommez, en très belle compaignie de gens d'armes et d'archiers. Et si estoient les ambaxeurs du roy d'Engleterre, dont le conte de Waerwich estoit le chief.

Quant le josne duc de Bourgongne approcha la ville de Troyes, les barons et gentilz hommes de Bourgongne estans emprès le roy de France luy allèrent au devant en belle compaingnie, et ossi firent les bourgois de ladicte ville, et le rechurent moult grandement. Et entra en icelle ville en moult belle ordonnance et s'en alla faire la révérensense au Roy, à la Royne, et à Caterine leur fille. Lesquelz le rechurent moult joieusement et furent de sa venure liez et joieulx.

Après ce que le duc de Bourgongne fut arrivés à Troies, furent

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