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duc d'Orléans, et avoec luy estoient les ducqs d'Alenchon, de Bourbon et de Bar, les contes de Nevers, de Richemont, d'Eu, de Vendosme, de Marle, de Roussy, de Tonnoire, de Vaudemont, de Danmartin et de Salebruce; Charles de Labret, connestable de France, Jehan de Bar et Ferry de Loeraine, le viconte de Nerbonne, et toute la fleur de chevallerie de France, de Picardie et de Hainau. Mais des pais de Flandres et de Bourgongne n'y eubt nul seigneur que messire Loys de Ghistelle, filz au seigneur de Ghistelle.

Le XXV jour du moix d'octobre, assamblèrent à bataille Françoix et Engloix, environ heure de prime, en une place emprès lesdis lieux de Aisincourt de Rousseauville. Et commenchèrent Englès à traire sur les Françoix. Lesquelx Engloix estoient en deux bosquès, et la bataille des Françoix estoit entredeux pour assambler à la bataille du roy d'Engleterre, qui estoit au dessus de ses archiers. Et estoient les Françoix en une ghasquière nouvellement ahennée, qui leur fist moult de paine à passer. Car ilz estoient pesamment armez et la ghasquière estoit molle, par quoy ilz furent moult lassés et traveilliés à en yssir. Car ilz estoient de piet. Et quant vint à l'assambler à ladicte bataille du roy d'Engleterre, les pluiseurs estoient si traveilliés que à paines se savoient-ilz ravoir de ladicte ghasquière. Et les Engloix estoient frès et nouviaulx, qui ne s'estoient meuz de leur place avantageuse, et commenchèrent à fraper moult asprement sur les Françoix et en abatirent moult qui ne se povoient relever, et se n'avoient les pluiseurs qui les aidast à les remettre sus, car ilz n'avoient volumener avec eulx nuls de leurs varlès, pour ce que entre eulx gentilz hommes voloient avoir l'onneur de ladicte bataille. Mais ilz en furent trompez, car ilz y furent tous mors et desconfis, que bien pau en eschappa. Et ne dura gaires la bataille. Et droit au point de la desconsfiture arriva le duc de Brabant en ladicte place, à bien pau de gens, de son hostel tant seulement. Lequel se bouta bien chaudement en ladicte bataille, en laquelle il fu incontinent occis et deux chevaliers avoec luy, filz du seigneur de Lens en Haynau, et frères à l'évesque de Cambray qui pour lors estoit.

En celle bataille furent occis et mors le duc de Brabant, le duc d'Alençon et le duc de Bar, les contes de Nevers, de Marle, de Roussy, de Vaudémont, de Dammartin, de Vendosme, d'Eu et de Salebruce, le connestable de France, Jehan de Bar, Ferry de Lor

saine, Loyz de Ghistelle et toute la gentillesche qui se mist en ladicte bataille que bien pau en eschappa, se ne furent ceulx qui y furent prins en vie. C'est assavoir les ducqs d'Orléans et de Bourbon, les contes de Vendosme et de Richemont et aucuns autres, dont il n'en retourna gaires hors de leur prison. Et de la partie du roy d'Engleterre ne moru nul homme, fors le duc de Iorc son oncle, et aucuns autres gentilzhommes en petit nombre.

Après celle bataille s'en alla le roy d'Engleterre à Calaix bien hastivement, car il doubtoit que les demourés et fuyans ne se rassamblassent pour les combattre de rechief, et pour ce s'en party et s'en alla de tire en Engleterre, et y fist mener tous les prisonniers.

Après celle desconffiture manda le duc de Berry, le conte d'Armignac venir pardevers luy en la ville de Paris, ainsi que il fist. Et après ce que il y fut arrivez il fu fait connestables de France, affin que leur bande se peust entretenir contre le duc de Bourgongne.

Quant toutes ces choses furent venues à la cognoissance du duc de Bourgongne, qui encores estoit en sa duchié de Bourgongne, il assambla la plus grant puissance que il polt en la duchié et en la conté de Bourgongne, et puis s'en party et s'en vint en France pour ce que il sçavoit le Roy et son royaume estre en très grant péril et aventure pour la grant perte qu'il avoit eue de sa chevalerie, et ossy pour ce qu'il estoit petitement gouverné de gens et de consseil. Et arriva icelui duc à Laingny sur Marne, et là fu longuement pour espérance de trouver traictié pour aller à Paris devers le Roy son seigneur et y envoi a pluiseurs fois ses ambaxadeurs. Mais oncques ne polt finer au duc de Berry, au conte d'Armignac, au chancellier de France, Taneguy du Chastel et autres, que il entrast à Paris. Et durant le tamps desdictes ambaxades moru soudainement le duc de Ghyenne, ainsné filz du roy. Duquel la mort fu célée par l'espace de quattre jours affin que ceulx de Paris n'eussent nulle souspechon sur ceulx qui le avoient en gouvernement. Et fu commune renommée que il fu empoisonnez par ceulx qui estoient entour luy, pour ce que il avoit grant affection et désir d'avoir le duc de Bourgongne son beau père, emprès luy. Après la mort du duc de Ghienne venue à la cognoissance du duc de Bourgongne, se party icelui de Bourgongne de la ville de Laingay, et retourna en Artoix et en Flandres. Dont ceulx qui tenoient

le party de Berry et d'Armignas, lesquels furent de tous tamps depuis nommés armignacs, firent grant mocquerie d'iceluy duc et de son emprise et l'appellèrent grant tamps Jehan de Laingny, et par avant l'appeloient Jehan Beausire, et Jehan à la longue cotte, par grand desrision.

Quant le duc de Bourgongne fut retournez en Artoix, il donna congié à toutes ses gens d'armes, lesquelx s'en retournèrent en Bourgongne. Et dedans brief tamps après, icelui duc s'en alla en Haynau devers Jehan de France, duc de Thouraine et par le tres

pas

de sondit frère, daulphin de Viennoix comme ainsné filz du roy de France. Lequel avoit espousée la fille audit conte de Haynau, nièpce audit duc de Bourgogne. Avec lequel il tint consseil' pour trouver la manière comment il porroit estre seurement menez et conduis devant le Roy, son père, pour avoir le gouvernement tel que à luy appartenoit. Mais ils ne porent trouver manière qui fust seure pour luy mener, tant que ceulx qui estoient à Paris eussent le gouvernement du roy. Et par tant se conclurent que icelui Daulphin demourroit encores en Haynau avec sa femme. Et puis s'en retourna le duc de Bourgongne en Flandres, où il séjourna plus d'un an entier. En cel an fu la sentence rendue à Constance par le concille général de chrestienté estant audit lieu, de la matière et question meue entre le duc de Bourgongne d'une part, et l'évesque de Paris, frère audit feu Montagu et autres clercs et docteurs de l'Université de Paris tenant le party d'Armignac, d'autre part, ladicte matière touchant nostre foy chrestienne en aucuns poins à cause de la proposicion faicte à Paris par maistre Jehan Petit, docteur en théologie, au commandement et adveu d'iceluy duc, comme cy devant est dit. Laquelle proposicion ledit évesque et ses complices avoient condempnée et arse publicquement par jugement,cn la ville de Paris, comme chose plaine de hérésie et de fauseté. De laquelle sentence icellui duc appella en court de Romme, où estoit lors assamblee la fleur de clergie de toute chrestienté, comme dit est, et y fist appeller et évocquier ceulx qui avoient donné ladicte sentence. Laquelle sentence darrenière faicte audit concille sur l'appelacion dessusdicte, fu al honneur dudit duc de Bourgogne et conservacion de sadicte proposicion et à la condempnacion desdis évesque et clergie de Paris, lesquelx furent condempnés de rappeller leur jugement comme faulx et mauvais, publicquement et devant tous, quant requis et semons en seroient.

En cel an, Jacques de Bourbon, conte de La Marche, alla en Ytalie à grant compaignie de gens, et prist à mariage la royne Jehenne, seur à feu le roy Lansselaou, et fu tenu pour roy de Sézille par tout le royaume. Et fist son connestable de Lourdin de Saligny, chevalier natif du royaume de France. Et depuis ce tamps ne vesquy gaires le roy Loys, duc d'Ango, mais moru tout enflés du mal Saint-Quentin.

EN L'AN MIL IIII XVI.

Vint le roy des Rommains en France et fu à Paris, où il fu bien receuz et conjoiz du duc de Berry et du conte d'Armignac, et y séjourna environ XV jours, et de là s'en alla en Engleterre devers le roy, où il fu longuement, en pourçachant le paix des deux roys et royaumes de France et d'Engleterre. Mais il n'y pot riens besongnier et s'en retourna en son pais d'Alemaingne sans riens faire. Et donna aux Liégois pluiseurs franchises et libertez. Et fist en ce voiage de la conté de Savoie une duchié. Et est vray que quant le Roy des Rommains party d'Alemaingne pour aller en France et en Engleterre, il estoit et avoit toujours esté tenant le party contraire du duc de Bourgongne, par le moien du duc Loys de Bavière, frère de la roynne de France, des cardinaulx de Cambray el de saint March, maistre Jehan Garson et autres commis ambaxadeurs du roy de France, par le moien des gouverneurs du royaume. Mais quant ledit roy des Rommains retourna en son dit pais, il estoit tout tourné de la partie dudit duc de Bourgongne par ce que il avait veu et oy en sondit voiage où ledit de Bourgongne euist puissance, car le conte d'Armignac luy avoit dit que se il passoit parmy le pays d'Artois ne ailleurs sur les marches du pays d'iceluy duc de Bourgongne, il le feroit prendre et emprisonner et le tendroit en sa subgection.

En cel an le XIIIe jour du mois de septembre, à heure de vespres, s'esmurent et rebellerent ceux de Napples contre le roy Jacques, et prirent la royne sa femme en ladicte ville de Napples, et menèrent grosse guerre audit roy et à ceux qui tenoient son party. Et fu prins son connestable et le seigneur de saint Meuriss, beaupère dudit connestable. Et pour mieulx asseur se fist ledit roy mener par ung bringuantin en mer au chastel de l'Euf, et laissa de

ses gens en garnison au chastel de Neuf. Et dura celle guerre jusques au XXVIIe jour d'octobre ensievant, que la paix se fist moiennant ce que tous les François estans audit royaume, aians estat ou offices en icelui, s'en partiroient et s'en retourneroient chacun en son pais, excepté ceulx qui seroient commis à servir le corps dudit roy, en bien petit nombre. Et après celle paix faicte retourna ledit roy au chastel Neuf et la royne aussi. Auquel chastel lui fu de tous le serement renouvelé de le tenir pour leur roy toute sa vie, sans ce qu'il deuist avoir nul gouvernement dudit royaume, et lui fu son estat ordonné pour sa personne de gens, de chevaulx et d'aultres choses, tout au plaisir d'iceulx Napolitains.

Au jour que le roy Jacques arriva au chastel Neuf, après ladicte paix faicte, firent ceulx de Napples grant joie parmy la ville, et alumèrent feux et chandeilles parmy les rues et sur les terraces des maisons. Et lendemain, furent les dames et demoiselles de Napples dansser et mener joie audit chastel. Mais au tierch jour fu ledit roy si court tenu que nul ne pooit parler à lui, sinon en la présence de ceux qui l'avoient en ce gouvernement, et ne porrent les gentilz hommes de France prendre congié à luy. Et tantost après mirent la royne en ce party, pour doubte que eulx deulx ensemble ne fussent maistres desdis gouverneurs. Et toutesfois, pour leur serement acquitter, ils tinrent l'un et l'autre pour leur roy et royne, mais ils les gouvernoient eulx et leur royaume du tout à leur volenté. Et fu le chief de tous les rebelles et traytours, un anchien homme de la plus riche et puissante lignié de Napples, nommé Hennequin Mourmil, qui estoit celuy en qui le roy avoit la plus grant fiance de tous les Ytaliens. Et fu chieulx roi en ce point détenus par grande espace de tamps. Enfin leur eschappa et fu conduis par mer au pais de Tarente, qui luy estoit donnés, et puis s'en party et fu du tout déboutéz dudit royaume. Et y alla depuis luy, le duc d'Ango, filz dudit roy Loys darrenièrement trespassé. Et fu receuz en la cité d'Averse, mais il n'y eubt mie esté longuement quand il l'en convient partir. Et fu ençachiés par le roy d'Arragon.

En cel an moru le duc de Berry en la cité de Paris, et fu menez et enterrés en la ville de Bourges. Et par ainsi demoura le duc d'Armignac gouverneur du royaume de France.

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