Imágenes de página
PDF
ePub

Rescripcion et response par monseigneur le duc de Bourgoigne contenans deffiances sur les lectres et deffiances à lui dudict duc d'Orléans envoyez.

Jehan, duc de Bourgoigne, conte de Flandres, d'Artoix et de Bourgoigne, Palatin, seigneur de Salins et de Malines. A toy Charles, qui te dis duc d'Orléans, à toy Philippe, qui te dis conte de Vertus, et à toy Jehan, qui te dis conte d'Angoulesme, qui naguères nous avez escript lectres de deffiances, faisons savoir et voulons que chascun sache, que pour abattre les très horribles traisons par très grant mauvaistiés et aghais appensés conspirées et machinées et faictes félonnement à l'encontre de monseigneur le Roy, nostre très redoubté et souverain seigneur et le vostre, ct contre sa très noble généracion par feu Loys, vostre père, faulx et desloial traictre en pluiseurs et diverses manières, et pour garder ledit vostre père, faulx et desloial traictre, de parvenir à la fine exécucion détestable à laquelle il a contendu contre nostre très redoubté seigneur et le sien, et aussi contre sadicte généracion, si faussement et nottoirement que nul preudomme ne le devoit plus laisser vivre. Et meismement, nous qui sommes cousin germain de mondit seigneur, doyen des pers et deux foix pers, et plus estrains à lui et à sadicte généracion que aultre quelconque de leurs parens et subgès, ne deusmes ung si faulx et desloial cayen et félon traictre laissier sur terre plus longuement, que ce ne fust à nostre très grant charge, avons pour nous acquicter loialment et faire nostre devoir envers nostre très-redoubté et souverain seigneur et sadicte généracion, fait morir comme il devoit ledit faulx et desloial traictre. Et en ce avons fait plaisir à Dieu, service loial à nostre très redoubté et souverain seigneur et exécuté raison. Et pour ce que toy et tesdis frères ensievez la trache fausse, desloiale et félonne de vostredit père, cuidans venir aux dampnables et desloiaulx fais à quoy il contendoit, avons très grande liesse au cuer desdictes deffiances. Mais du surplus contenu en icelles, toy et tesdiz frères avez mentis et mentez faussement, maisement et desloiaument, comme faulx, mauvaix et desloiaulx traictres que vous estes. Dont à l'aide de Nostre Seigneur, qui sçet et congnoist la très entière et parfaicte loiaulté, amour et vraie intencion que toujours avons eu et aurons tant que vivrons, à mondit seigneur le Roy, sadicte généracion, au bien de son peuple de tout son royaume, vous ferons

venir à la fin et pugnicion tèle que telz faulx mauvais et desloiaulx traictres, rebelles et désobéissans et félons comme toy et tesdiz frères estes, doivent venir pour raison. En tesmoing de ce, nous, etc.

Au commandement du roy de France, assambla le duc de Bourgoigne toute la puissance de gens d'armes que il polt finir en Flandres et en Picardie, et manda le duc de Brabant, son frère, à venir en sa compaignie. Et en oultre fist requeste aux quattre membres de sondit pais de Flandres que ilz lui volsissent aidier et livrer les communes de sondit pais de Flandres, affin de secourir le Roy, son souverain seigneur et le leur, lequel par ses lectres, que il leur monstra, l'avoit si expressément mandé, comme dit est. Lesquelles lectres furent publiées en pluiseurs villes de Flandres, et leur pardonnoit le Roy par sesdictes lectres tout ce qu'ilz feroient en ce dit voiage contre l'entreprise de sesdiz anemis. Par quoy ilz accordèrent à leur seigneur de luy servir en ce dit voiage à toute leur puissance, moiennant ce que il leur promist de demourer et estre avec eulx, et ossy de les ramener jusques en son pais d'Artoix.

Au moix d'aoust se mirent sus les communes du pais de Flandres à grant puissance. Et environ la my-aoust partirent dudit pais en belle ordonnance, et menèrent avoec eulx pluiseurs ribaudequins et grand carroy. Et arrivèrent en Artoix, en la compaignie du duc de Bourgoigne, leur seigneur naturel. Lequel avoit illec assemblez ses gentilz hommes et gens d'armes de cheval. Et y estoit le duc de Brabant, à belle compaignie de gens d'armes de cheval. Et ainsi partirent ensamble pour aller mectre siége devant la ville de Hem. Et en ce tamps avoit, ledit duc de Bourgoigne, mandé en Engleterre grant faison d'archiers, mais ils ne furent mie si tost prest que fut ledit duc. Et par tant s'en ala, à toute celle puissance, devant la ville de Hem, et là se loga son ost pour la nuitié, sans le avironner tout autour. Et fu son ost nombrée à LXVI mille combattans, XXIIII mille charios, sans nombre de varlès et charetons.

Quant Cluignet de Brabant apperchut la grant puissance du duc de Bourgoigne, il se party par nuit hastivement et secrètement, ainchois que la ville fust avironnée et enclose, et habandonna ladicte ville, et emmena ses gens avoec lui et grand plenté de peu

ple d'icelle ville. Et lendemain entrèrent dedens, Picars et Flamens, lesquelz pillèrent et fustèrent ladicte ville à tous lez. Mais les Flamens y furent les maistres et y gaingnièrent moult, et puis boutèrent le feu par tout, si que il n'y demoura église ne maison que tout ne fust ars et destruit. Et y eubt près remours entre Flamens et Piccars pour le pillage fait en icelle ville. Mais il convint les Picars souffrir, car les Flamens y estoient trop fors et ne tenoient compte de gentil homme qui y fust. Et ne tint qu'à ung pau que le seigneur de Heilly n'y fut d'eulx villenez.

Après la prinse et destruction de Hem, alla le duc de Bourgoigne et son ost à Mondidier, et se logèrent ses gens ès villages d'entour, et les communes de Flandres se logèrent ès plains champs en tentes et pavillons, dont ilz avoient grant plenté, et avoient X hommes ung car pour mener lesdictes tentes et leurs vivres. Et là demourèrent grant tamps en attendant leurs anemis, lesquels estoient logiez environ la ville de Saint-Denis. Et fu commune renommée que ilz venroient combactre le duc de Bourgoigne et sadicte puissance, mais ilz n'en firent riens, anchois se tindrent tous cois en leurs logis. Et tant furent en ce party que il commença à ennuyer aux Flamens de ce que ilz se tenoient là si longuement sans rien faire, et demandèrent congié de retourner en leur pais. Mais le duc de Bourgoigne ne leur volt point donner, et leur pria que ilz demourassent encores xv jours; et ilz lui accordèrent. Mais ce ne fu mie volentiers. Et quant les xv jours furent passez, ilz dirent finablement que ilz s'en voloient aller et que là ilz ne demourroient plus. Dont ledit de Bourgoigne fu moult dolant, et toutesfoix leur requist-il de demourer encores ш jours.

Ce

que ilz ne voloient point accorder, mais en fin ilz se y consen-tirent en la plus grant partie. Et ce non obstant, lendemain au point du jour ilz commenchèrent à descendre tentes et pavillons, demenèrent grant noise en criant en leur langaige : Allons! allons en no pais. Et adont fu ledit de Bourgoigne moult esmerveillié, et monta à cheval, son frère et autres seigneurs avec luy, et leur pria moult doulcement en alant de logis en logis que ilz volsissent demeurer les quatre jours par luy requis. Et avoient tous les seigneurs qui lors estoient avoec luy, en faisant ladicte prière, tous les chiefz nudz, et luy meismes osta sa barrette affin qu'ilz se volsissent devers luy humilier. Mais ce n'y valu riens. Car ilz s'en partirent et retournèrent en Flandres. Et les convoya

icelui duc jusques en son dit pais d'Artoix, ainsi que promis leur avoit, et puis les laissa raler chascun en son lieu, mais les gentilz hommes demourèrent avec luy. Et en ce tamps arriva en Artoix le conte d'Arondel, à tout grant foison de gens d'armes et d'archers. Lequel conte d'Arondel fu moult grandement receuz du duc de Bourgoigne qui fu moult joieux de sa venure. Et à ce tamps s'en retourna le duc de Brabant en son pais et en ramena ses gens, par le gré et consentement de son frère. Et après ce, party ledit duc de Bourgoigne du pais de Picardie et s'en alla à Pontoise, avoec luy Piccars, Flamens et Engloix, et audit lieu de Pontoise séjourna bien xv jours en actendant tous ses gens. Et puis s'en party et cheyaucha par nuit vers Paris en alant au pont à Meulen et tout estrange pais. Et luy vindrent au devant le conte de Nevers, Enguerran de Bournonville et pluiseurs autres, de Paris, lesquelx portèrent bleux chapperons en lieu d'ensaigne. Et puis quant ils furent tous ensamble, ilz entrèrent à Paris, et y furent joieusement receuz. Et entrèrent à Paris par la porte Saint Jacque.

Tantost après que le duc de Bourgongne fut arrivez à Paris, il fist faire commandement de par le Roy que tous ceulx de la ville qui avoient puissance, se appareillassent au mieulx et le plus seurement que ilz porroient pour estre prestz au mandement du Roy pour aller où ledit duc de Bourgongne les voldroit mander et mener. Et lors firent faire ceulx de Paris, gros jacques de fustenne pour vestir dessoubz leurs armeures. Et quant ilz furent appareilliés, il les mena par nuyt hors de Paris. Et s'en allèrent tous ensamble envers la ville de Saint-Clau, où il avoit très grande et grosse garnison des gens d'armes dudit duc d'Orléans. Mais ilz ne allèrent point le droit chemin, et fu sur le point du jour avant que ilz arrivassent audit lieu de Saint-Clau.

En la compaignie du duc de Bourgongne, à l'emprinse et assault de Saint-Clau, estoient les contes de Nevers, de Ponthèvre, de Marle et d'Arondel, Enguerran de Bournonville et tous les chevaliers et escuiers de Flandres et de Picardie estans en la compaignie dudit duc. Lesquelx livrèrent très grant assault à la ville de Saint-Clau, qui estoit lors très fort barrée et forteffiée. Et bien se défendirent ceulx de dedens et gardèrent bien l'entrée. Et fu l'estour et la bataille moult grande, car lesdiz assault et bataille se faisoient de combattre main à main. Et longuement dura l'estrif, mais en fin y furent Orléannoix desconfis et occis, et fu la

ville gaingnée, en laquelle on tuoit gens sans mercy, et y fu le gaing moult grand de chevautx et d'armeures, car toute la ville en estoit plaine. Et se y eubt pluiseurs gens noyez, qui se cuidèrent sauver en la tour, mais le pont fu si tost levez que la plus grant partie en demoura dehors, qui furent occis et noyez en reculant vers ledit pont jusques auquel ilz furent combatus. Et y fu prins leur cappitaine nommé Manssart du Bos, chevalier, lequel fu menez à Paris et luy fu le hatterel trenchié ès halles de Paris, et le corps pendu à Monfaucon.

Après celle prinse et desconffiture, et le duc de Bourgongne estant encores en ladicte ville de Saint-Clau, se party le duc d'Orléans de la ville de Saint-Denis, à moult grant haste, et ossy firent toux ses gens, desquelx les pluiseurs y laissèrent de leurs meilleurs joiaulx et harnas que ilz n'obrent loisir de prendre ne trousser, et s'en allèrent vers ledit lieu de Saint-Clau à l'autre lez de la rivière du costé devers la tour. Laquelle tour estoit encores tenue des gens dudit duc d'Orléans. Et quant icelui d'Orléans et ses gens furent arrivez à ladicte tour, ilz se mirent en ordre de bataille, tous à cheval. Et le duc de Bourgongne ce véant fist deschendre ses gens à piet et les ordonna pour attendre la bataille se ses anemis venoient contre luy, combien que adont la plus grant partie de ses gens s'en estoient retournez à Paris. Et lors que il fu mis en bataille avoec ses gens, se party ledit d'Orléans et s'en ralla de tire en son pais, sans plus rien faire.

Quant les nouvelles du département du duc d'Orléans furent apportées à Paris, Pierre de Essars, qui estoit remis en son office de prévosté et estoit demourez pour garder la ville, party dudit lieu de Paris, à tout grant gent, et s'en alla à Saint-Denis où il trouva plusieurs malles et sommiers et autres baghes, lesquelles il fist apporter audit lieu de Paris. Et fu commune renommée que il y gaingna très grand avoir. Et tantost s'en retourna le duc de Bourgongne à Paris, et gouverna le royaume de France à grant puissance de gens pour résister contre les emprises des anemis du Roy et des siens.

En cel an, fu le conte Walleran de Saint-Pol mis de par le roy de France en la possession de la connestablie de France au lieu de Charles de Labret, lequel tenoit plainement le party des ducqs de Berry et d'Orléans, et par conséquent anemy du Roy. Mais non obstant celle ordonnance ledit de Labret se fist toute sa vie tenir

« AnteriorContinuar »