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loit point retourner à Paris, et il, lui respondy que ouil. Adonc fist le duc de Bourgogne remectre à point les trais dudit chariot, et fist retourner son beau-filz à Paris. Dont ceulx qui le conduisoient n'osèrent faire samblant. Car le duc de Bourgogne estoit en armez aussi bien que ilz estoient, et si estoit le mieulx acompaignié, et tousjours luy venoient gens qui le sievoient de tire, dont sa force croissoit tousjours. Et par ainsi remena l'enffant à Paris. Dont tout le peuple fu moult joieulx, car il avoient grant paour et doubtance d'iceluy enfant.

De ce retour fu le duc d'Orléans moult dolant en son corage; et commencha la haynne moult grande entre luy et le duc de Bourgogne. Et firent assamblées de gens d'armes l'un contre l'autre. Ne oncques puis, quelque traictié qui s'en feist, bonne amour ne reigna entre eulx deux. Dont il vint depuis moult de maulx en France. Et commenchèrent lors à faire bandes l'un contre l'autre. Mais toutesfoix fu la paix faicte pour ceste foix, mais elle ne dura gaires.

L'AN MIL IIII VI.

Le XXVIe jour de juing fu le grand éclipse de soleil. Et en cel an alla le duc d'Orléans au pays de Guyenne pour faire guerre aux Engloix. Mais il s'en retourna sans rien faire.

En cel an meisme, fist le duc de Bourgogne une grande et noble assamblée de gens d'armes environ Saint-Omer, et fist carpenter grant foison d'engiens et habillemens de guerre pour asségier la ville de Calaix. Et furent tous ordonnez, et banyères desployez, pour aller mectre ledit siege. Et estoient les processions faictes par les bonnes villes de Piccardie et de Flandres. Mais par mandement très-espécial du roy de France il covint laissier ladicte emprise. Et fu commune renommée que le duc d'Orléans fu cause de ladicte deffence. Dont le duc de Bourgongne fu très-dolant; et recommença la guerre et la haynne plus grande que oncques mais. Et retourna ledit duc de Bourgogne à Paris, avoec luy ses deux frères, lesquelx y menoient très grand puissance de gens. Et y fu l'évesque de Liège, à belle compaignie, lequel évesque estoit frère au conte de Haynau et à la femme du duc de Bourgongne. Et furent ung jour en armez et en cottes

d'armes dedens la ville de Paris pour aller combattre ledit duc d'Orléans, qui estoit au Bois de Vissaine, et que on disoit venir à Paris. Mais par le moien du roy Loys et des ducqz de Berry et de Bourbon, la chose fut appaisié et ne partirent point de Paris. Dont le duc de Bourgongne fu moult dolant. Car il savoit certainement que ledit duc d'Orléans ne çachoit que à luy destruire et faire morir.

L'AN MIL IIII VII.

Le jour de Saint-Clément, XXIII jour de novembre, après soupper, fu le duc d'Orléans occis et tué par Rollet d'Octonville et ses complices en la ville de Paris, et fut laissiés tout mort enmy la rue par le commandement du duc de Bourgongne, lequel advoa depuis ledit Rollet et sesdis complices de tout le fait entièrement. Et fist depuis déclairer les causes pour quoy il l'avoit fait morir, en la présence de plusieurs princes et seigneurs de France. Et après la mort dudit duc d'Orléans, et l'enterrement d'icelui, qui fu en l'église des Célestins audit lieu de Paris, ledit de Bourgongne se party hastivement de Paris et s'en retourna en Flandres pour les périls eschiever, car les alliiez dudit duc d'Orléans estoient en grand nombre et en grande puissance audit lieu de Paris. Et fu icelui duc de Bourgongne à l'enterrement dudit duc d'Orléans et mena le deuil avec plusieurs autres princes de son sang. Dont plusieurs maintinrent que il fu mal conseillié.

De celle mort fut le commun peuple moult joieulx, car ledit duc d'Orléans leur faisoit souffrir moult de maux par les grandes tailles et aides que il faisoit souvent ceuillir et mectre sus, el nom du Roy, et tout retournoit à son seul et singulier plaisir et pourfit. Et en faisoit forteresses et chasteaux, et en soustenoit houriers, couratiers et gens de meschante vie, comme dansseurs, flateurs et gens de nient. Et aussi en maintenoit ses grans estas et ses ribaudies. Car il n'estoit si grande que il ne volsist dechevoir, et en deshonnoura mainte. Dont ce fut pitez; desquelles je me passe legièrement.

En cel an, environ la Chandeiller, furent envoyez de par le roy de France et son Conseil, en la ville d'Amiens, le roi de Sézille, son cousin germain, et le duc de Berry, son oncle, pour parlementer au duc de Bourgongne, lequel, moult grandement acompai

gnié de chevaliers et escuiers, alla audit lieu d'Amiens à la journée sur ce assignée, et y trouva son oncle et son cousin dessus nommés, avoec lesquelx il tint conseil, et parlementa tant, que par iceulx fu conclud que à certain jour après ensievant, icelui duc de Bourgogne yroit à Paris pour faire propposer les causes et tout ce qui l'avoit meu pour quoy il avoit fait occire le duc d'Orléans, frère du roy de France, et son proppre cousin germain. Et après ceste conclusion par eulx prinse, s'en retournèrent les seigneurs dessus nommez à Paris, et le duc de Bourgongne en Artoix et en Flandres, où il fist son mandement moult grant pour avoir ses chevaliers et escuiers en grant puissance pour aller à Paris au mois de march ensievant.

Au mois de march, party le duc de Bourgongne de ses pais de Flandres et d'Artoix, et s'en alla à Paris noblement et grandement accompaignié. Et lui arrivé audit lieu, se loga en son hostel d'Artoix et ses gens tout entour de luy. Et fist barrer les rues d'entour son hostel affin qu'il ne fust souspris en sondit hostel. Et en l'hostel du roy de France à Saint-Pol, fist ledit de Bourgongne proposer par maistre Jehan Petit, docteur en théologie, la juste et bonne intencion qu'il avait eu à faire occire le duc d'Orléans. Et fu faicte ladicte proposicion en la présence du duc Loys de Guyenne, ainsné fils du Roy de France, du roy Loys de Sézille, du cardinal de Bar, fils au duc de Bar, des ducqs de Berry, de Bretaigne, de Bar et de Lorraine, et de pluiseurs autres princes, barons, prélats, clercs et docteurs de l'Université de Paris, et d'autres manières de gens de tous estats. Et dura celle proposicion bien quattre heures ou environ. Après laquelle proposicion s'en retourna le duc de Bourgogne en sesdis pais d'Artoix et de Flandres, esquelx il séjourna jusques après aoust, mais ainchois que il partesist dudit lieu de Paris, il eubt sa paix au Roy par lectres séellées de son grand seel. Desquelles la teneur s'ensieut.

Coppie des lectres du roy Charles de France sur le fait du pardon de la mort du duc d'Orléans.

Charles, par la grace de Dieu roy de France, à tous ceux qui ces lectres verront, salut. Comme après le cas advenu de la mort nostre très chier et très-amé frère le duc d'Orléans, que Dieu absoille, nostre très chier et très amé cousin le duc de Bourgogne,

doubtant que par le rapport d'aucuns ses malvueillans nous euissons prins aucune desplaisance de à l'encontre de luy pour occasion dudit cas, nous eubt fait supplier qu'il nous pleust oir en nostre personne, se faire se povoit, ou commectre aucuns prochains de notre sang à oir ses justificacions pour ledit cas, et ad ce faire, pour aucuns empeschemens que nous aviens, eussiens commis nostre très cher et très amé fil ainsné le duc de Guienne, Daufin de Vienne, et noz très chiers et très amez cousins et oncles le roy de Jhérusalem et de Sésille, et le duc de Berry, en la présence desquelx, pour ce assamblez en notre hostel de Saint-Pol à Paris, appelez et estant devers eulx plusieurs autres de nostre sang et grant nombre de gens, tant de nostre Grant Conseil comme de nostre Parlement et de nostre Chambre des Comptes, et grant multitude de gens tant nobles comme autres, tant de nostre aisnée fille l'Université de l'estude de nostre dicte ville de Paris, comme des bourgeois et autres d'icelle ville. Et d'ailleurs nostre dit cousin de Bourgongne ait fait dire et proposer publicquement pluiseurs cas touchans sesdictes justificacions, en réservant aucuns à dire en temps et en lieu. Et entre les autres ait fait dire et proposer, qu'il est, par le gré Notre Seigneur, extrait de notre sang et nacion de France, et si prochain de nostre lignage comme nostre cousin germain en ligne nasle, c'est assavoir fils de feu nostre très-cher et très-amé oncle le duc de Bourgoingne, que Dieu pardoinst, qui tout son vivant ama si loiaument nous, nostre généracion, nostre royaume et aliance. Nous pour les mariages de nostredit fils de Ghienne et nostre très cher et très-amé fille la duchesse de Ghienne, fille ainsnée de nostredit cousin de Bourgoingne, et de nostre très chière et très amée fille, Michielle de France à nostre très-chier et très-amé fil, le conte de Charoloix, fil seul héritier de icelui nostre cousin, et que il a et tient en nostre royaume si belles et notables seignouries comme la duché de Bourgongne, la conté de Flandres et la conté d'Artoix; est per de France et doyen des pers, nostre homme liege et vassal, et à ces causes il est tenu de entendre en toutes manières à lui possibles à la préservacion et conservation de nostre personne, de nostre lignée, et à l'onneur et bien de nostre royaume. Et pour ce qu'il avoit percheu et apperchevoit et estoit plainement acartainéet informé, si comme il fist dire et proposer, que nostredit frère avoit machiné et machinoit de jour en jour à la mort et expiracion

de nous et de nostre généracion, et tendoit par pluiseurs voies et moiens à parvenir à la couronne et seignourie de nostredit royaume, il, pour la seureté et préservacion de nous et de nostredite lignée, pour le bien et utilité de nostredit royaume, et pour garder envers nous la foy et loiaulté en quoy il nous est tenus, avoit fait mectre hors de ce monde nostredit frère. En nous suppliant que, se par le rapport d'aucuns de ses malvueillans ou autrement nous avons prins aucune desplaisance contre luy pour la cause dudit cas advenu en la personne de nostredit frère, nous, considérées lesdictes causes pour lesquelles il avoit fait faire et vaulsissons oster de nostre corage toute desplaisance que par ledit rapport ou autrement porions avoir eu au regard de luy pour occasion dudit cas, et le avoir et tenir en nostre et singulière amour comme nous faisions par avant. Et aussi ordonner que il et ses successeurs soient et demeurent paisibles dudit fait et de tout ce qui s'en est ensievy. Et depuis encores nostredit cousin le duc de Bourgongne nous ait fait faire en sa présence samblable requeste et supplicacion tendans à ceste fin, présens ad ce nostredit ainsné fils, nosdis cousins et oncles et pluiseurs autres de nostredit sang et de nostredit conseil et autres pluiseurs. Savoir faisons que nous, considéré la ferme et loial amour et bonne affection que nostredit cousin a eu et a à nous et nostredicte lignée, et espérons qu'il aura toujours ou tamps advenir, avons osté et ostons de nostre corage toute desplaisance que pour le rapport d'aucuns mal vueillants de nostredit cousin ou autrement porions avoir eu envers luy pour occasion de choses dessusdictes. Et voullons que iceluy, nostre cousin de Bourgongne, soit et demeure en nostre singulière amour comme il estoit par avant. Et en oultre, de nostre certaine science voulons et nous plaist par ces présentes que nostredit cousin de Bourgongne, ses hoirs et successeurs soient et demeurent paisibles envers nous et nos successeurs dudit fait et cas et de tout ce qui s'en est ensievy sans que par nous, nosdis successeurs, nos gens et officiers ou les gens et officiers d'iceulx noz successeurs, pour cause de ce leur soit donné ou puissist leur être donné mal ne aucun empeschement, hores ne pour le tamps advenir. En tesmoing de ce nous avons fait mettre notre séel à ces présentes lectres données à Paris le IX jour de mars, l'an de grace mil IIII et VII, le XXVIII de nostre règne. Ainsi signé : Par le Roy, présens le roy de Sézille, messeigneurs les ducqs de

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