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d'entre eux se précipitèrent dans les ondes. Elle, toujours intrépide, autant que les vagues étaient émues, rassurait tout le monde par sa fermeté. Elle excitait ceux qui l'accompagnaient à espérer en Dieu, qui faisait toute sa confiance; et, pour éloigner de leur esprit les funestes idées de la mort qui se présentait de tous côtés, elle disait, avec un air de sérénité qui semblait déjà ramener le calme, que les reines ne se noyaient pas. Hélas! elle est réservée à quelque chose de bien plus extraordinaire, et, pour s'être sauvée du naufrage, ses malheurs n'en seront pas moins déplorables. Elle vit périr ses vaisseaux et presque toute l'espérance d'un si grand secours. L'amiral où elle était, conduit par la main de Celui qui domine sur la profondeur de la mer, et qui dompte ses flots soulevés, fut repoussé aux ports de Hollande, et tous les peuples furent étonnés d'une délivrance si miraculeuse.

Ceux qui sont échappés du naufrage disent un éternel adieu à la mer

et aux vaisseaux, et comme disait un ancien auteur, ils n'en peuvent même supporter la vue. Cependant onze jours après, ô résolution étonnante ! la reine, à peine sortie d'une tourmente si épouvantable, pressée du désir de revoir le roi et de le secourir, ose encore se commettre à la furie de l'Océan et à la rigueur de l'hiver. Elle ramasse quelques vaisseaux qu'elle charge d'officiers et de munitions, et repasse enfin en Angleterre. Mais qui ne serait étonné de la cruelle destinée de cette princesse ? Après s'être sauvée des flots, une autre tempête lui fut presque fatale. Cent pièces de canon tonnèrent sur elle à son arrivée, et la maison où elle entra fut percée de leurs coups. Qu'elle eut d'assurance dans effroyable péril! mais qu'elle eut de clémence pour l'auteur d'un si noir attentat ! On l'amena prisonnier peu de temps après; elle lui pardonna son crime, le livrant pour tout supplice à sa conscience, et à la honte d'avoir entrepris sur la vie d'une

cet

princesse si bonne et si généreuse : tant elle était au-dessus de la vengrance aussi bien que de la crainte.

Mais ne la verrons-nous jamais auprès du roi qui souhaite si ardemment son retour? Elle brûle du même désir, et déjà je la vois paraître dans un nouvel appareil. Elle marche comme un général à la tête d'une armée royale, pour traverser les provinces que les rebelles tenaient presque toutes. Elle assiège et prend d'assaut en passant une place considérable qui s'opposait à sa marche ; elle triomphe, elle pardonne ; et enfin le roi la vient recevoir dans une campagne où il avait remporté l'année précédente une victoire signalée sur le général Essex. Une heure après, on apporta la nouvelle d'une grande bataille gagnée. Tout semblait prospérer par sa présence: les rebelles étaient consternés ; et si la reine en eût été crue, si, au lieu de diviser les armées royales et de les amuser, contre son avis, aux sièges infortunés de Hull et de Glocester, on eût marché droit

à Londres, l'affaire était décidée et cette campagne eût fini la guerre. Mais le moment fut manqué. Le terme fatal approchait, et le ciel qui semblait suspendre, en faveur de la piété de la reine, la vengeance qu'il méditait, commença à se déclarer. « Tu sais vaincre, disait un brave Africain au plus rusé capitaine qui fut jamais, mais tu ne sais pas user de ta victoire ; Rome, que tu tenais, t'échappe, et le destin ennemi t'a ôté tantôt le moyen, tantôt la pensée de la prendre. » Depuis ce malheureux moment, tout alla visiblement en décadence et les affaires furent sans retour. La reine, qui se trouva grosse, et qui ne put par tout son crédit faire abandonner ces deux sièges qu'on vit enfin si mal réussir, tomba en langueur, et tout l'État languit avec elle. Elle fut contrainte de se séparer d'avec le roi, qui était presque assiégé dans Oxford, et ils se dirent un adieu bien triste, quoiqu'ils ne sussent pas que c'était le dernier. Elle se retira à Exeter, ville forte où elle fut elle

même bientôt assiégée. Elle y accouchá d'une princesse, et se vit douze jours après contrainte de prendre la fuite pour se réfugier en France.

Princesse, dont la destinée est si grande et si glorieuse, faut-il que vous naissiez en la puissance des ennemis de votre maison ? O Eternel, veillez sur elle, anges saints, rangez à l'entour vos escadrons invisibles, et faites la garde autour du berceau d'une princesse si grande et si délaissée. Elle est destinée au sage et valeureux Philippe, et doit des princes à la France dignes de lui, dignes d'elle et de leurs aïeux. Dieu l'a protégée, Messieurs. Sa gouvernante, deux ans après, tire ce précieux enfant des mains des rebelles; et quoique ignorant sa captivité et sentant trop sa grandeur, elle se découvre elle-même ; quoique refusant tous les autres noms, elle s'obstine à dire qu'elle est la princesse, elle est enfin amenée auprès de la reine sa mère, pour faire sa consolation durant ses malheurs, en attendant qu'elle fasse la félicité

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