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Parmi les redevances féodales, presque toutes si oppres sives et si tyranniques, il en est quelques-unes qui offrent un singulier caractère de bizarrerie. « Une vieille charte d'hommage, dit du Cange, mentionnée par Camden et Spelmann, rapporte qu'un certain Baudin, désigné sous le nom de Pettour, qui avait des terres dans le comté de Suffolk, devait chaque année, le jour de Noël, aller devant le roi, faire un saut, enfler ses joues et pousser un petit pct (unum bombulum).— Une charte de l'année 1398, relative aux droits seigneuriaux des seigneurs de Montluçon (Bourbonnais), porte: « Item, ledit seigneur lèvera sur chaque fille publique arrivant à Montluçon 4 deniers, à moins qu'elle ne le paie en làchant un pet sur le pont de la ville 1. »

« Le village de Salzberg, dans le bailliage hessois de Neuenstein, avait à payer chaque année, à la Saint-Walpert, 6 kuaken (monnaie de 6 liards) aux barons de Buchenau. On appelait petit homme de la Walpert l'homme de la communauté qui portait cet argent. Il devait, dès six heures du matin, se trouver à Buchenau, et, quelque temps qu'il fit, s'asseoir devant le château sur une certaine pierre du pont. Si le petit homme tardait, la redevance croissait toujours, de sorte qu'au soir, la commune eût été hors d'état de payer; aussi le bailli avertissait chaque fois, et le village avait soin de donner chaque fois deux compagnons au porteur, de crainte qu'il ne lui arrivât quelque accident. Si le petit homme de la Walpert arrivait à point, les barons de Buchenau devaient le faire saluer, et recevoir l'argent. On lui servait certains plats déterminés. Il avait de plus un droit: c'est que s'il pou

Du Cange, vo BOMBUS

vait passer trois jours sans dormir, les seigneurs devaient le nourrir sa vie durant. S'il s'endormait, il était à l'instant renvoyé du château. Cet usage a duré trois cents ans, jusqu'à ce siècle 1. »

On trouve dans Hérodote la mention des moxas enıployés par les peuples de l'Afrique pour un usage assez singulier. Quand les enfants des Libyens nomades, dit-il, ont atteint l'âge de quatre ans, on leur brûle les veines du haut de la tête, ou celles des tempes, avec de la laine qui n'a point été dégraissée. Je ne puis assurer que tous ces peuples nomades suivent cet usage ; mais il est pratiqué par plusieurs. Ils prétendent que cette opération les empêche d'être, par la suite, incommodés de la pituite, et qu'elle leur procure une santé parfaite. En effet, entre tous ces peuples que nous connaissons, il n'y en a point qui soient plus sains que les Libyens; mais je n'oserais assurer qu'ils en soient redevables à cette opération. Si leurs enfants ont des spasmes pendant qu'on les brûle, ils les arrosent avec de l'urine de bouc; c'est un remède spécifique. Au reste, je ne fais que rapporter ce que disent les Libyens 2. »

La sieste, que quelques écrivains ont eu le tort de considérer comme une habitude particulière aux pays chauds, semble avoir persisté dans l'ouest de l'Europe jusqu'au treizième siècle. Cet usage, conforme au genre de vie que

1 Hersfelder, Intelligenz-Blatt, année 1802. Cité par Michelet, p. 239 2 L. IV, ch. 187. - Traduct. Larcher.

menaient les peuples barbares, était rendu nécessaire par les exercices violents et les excès de table auxquels ils se livraient, comme le témoignent divers passages de Grégoire de Tours. Dans les lois d'Howel, roi du pays de Galles au dixième siècle, on trouve la mention d'un offi- . cier royal nommé Troedjawg, qui devait frotter et réchauffer dans son sein les pieds du roi pendant le repas, jusqu'à ce que le prince passât de la table au lit. Enfin, suivant Joinville, saint Louis, « touz les jours se reposoit après manger, en son lit 1. »

Avant le huitième siècle, c'était une règle généralement suivie partout de saigner les moines tous les mois. Le capitulaire de 807, relatif à la réforme monastique, apporta quelques modifications à cet état de choses: il ordonna, par son onzième statut, de ne pas observer pour la saignée des époques fixes; « mais, dit-il, que chacun soit saigné selon le besoin, et qu'on lui donne alors quelque douceur en fait de boisson et de nourriture. » Malgré cette prescription, on trouve dans les calendriers des bréviaires monastiques un jour désigné sous le nom de dies æger, ou dies minutionis, et où l'on saignait les moines, malades ou non.

On employait, au moyen âge, un singulier moyen pour reconnaître la chasteté des filles. En 1254, Robert Grosse

1 Voy. Examen critique de l'ouvrage de M. Fuster, intitulé, des Changements dans le climat de la France, Bibliothèque de l'école des chartes, 11e série, t. II, 1846, p. 463.

Tête, évêque de Lincoln, inspectant les monastères de son diocèse, et étant venu aux couvents de religieuses, «eut recours à un expédient que j'ai honte d'écrire, dit Mathieu Paris. Il leur fit presser les namelles, afin de s'assurer par là si elles avaient gardé leur virginité. »En 1383, un enfant nouveau-né ayant été retiré vivant d'un abreuvoir à Abbeville, on assembla toutes les filles de la ville, et, pour savoir et attaindre la vérité du cas, on leur fit sacquier (mettre à nu) leurs mamelles. La coupable fut ainsi découverte et brûlée vive 1.

Aujourd'hui, lorsqu'une personne est dangereusement malade, on sait que l'on a l'habitude de faire joncher de paille la ruc où elle habite. Jadis, le moyen que l'on employait pour donner du repos au malade était un peu plus gênant pour la circulation. Après en avoir obtenu l'autorisation de l'autorité municipale 2, on plantait des pieux aux deux extrémités de la rue, de telle sorte que le passage était complétement fermé aux voitures.

«En Angleterre comme ailleurs, écrivait Voltaire en

1 F. C. Louandre, Histoire d'Abbeville, t. 11, p. 281.

2 Voy. Archives curieuses de l'Histoire de France, série t. ix, p. 314, la pièce intitulée : Permission de mettre des poleaux aux avenues de la rue de la Cordonnerie, pour procurer du repos à un malade. Tallemant des Réaux raconte que madame de la Trémouille « ayant fait mettre des pieux pour la maladie d'un de ses enfants, madame d'Aiguillon, en allant aux Carmélites, les fit arracher. Madame de la Trémouille s'en plaignit. M. le cardinal (de Richelieu) ordonna à sa nièce de lui en faire faire excuse.» Historiette de madame d'Aiguillon, t. II, p. 24.

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1:27, il y a beaucoup de cette folie humaine qui consiste en contradictions. Je comprends dans ce mot les usages reçus tout contraires à des lois qu'on révère. Il semble que, chez la plupart des peuples, les lois soient précisément comme ces meubles antiques et précieux que l'on conserve avec soin, mais dont il y aurait du ridicule à se servir.

« Il n'y a. je crois, nul pays au monde où l'on trouve tant de contradictions qu'en France. Ailleurs les rangs sont réglés, et il n'y a point de place honorable sans des fonctions qui lui soient attachées. Mais en France, un duc et pair ne sait pas seulement la place qu'il a dans le parlement. Le président est méprisé à la cour, précisément parce qu'il possède une charge qui fait sa grandeur à la ville. Un évêque prêche l'humilité (si tant est qu'il prêche), mais il vous refuse sa porte si vous ne l'appelez pas monseigneur. Un maréchal de France, qui commande cent mille hommes, et qui a peut-être autant de vanité que l'évêque, se contente du titre de monsieur. Le chancelier n'a pas l'honneur de manger avec le roi; mais il précède tous les pairs du royaume. Le roi donne des gages aux comédiens, et le curé les excommunic. Le magistrat de la police a grand soin d'encourager le peuple à célébrer le carnaval; à peine a-t-il ordonné la réjouissance, qu'on fait des prières publiques, et toutes les religieuses se donnent le fouet pour en demander pardon à Dieu. Il est défendu aux bouchers de vendre de la viande les jours maigres; les rôtisseurs en vendent tant qu'ils veulent. On peut acheter des estampes le dimanche, mais ron des tableaux. Les jours de la Vierge, on n'a point de spectacles; on les représente tous les dimanches.

« On lit dévotement à l'église le chapitre de Salomon

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