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son mari, allant prendre son repas, trouva seulement la moitié de la table couverte. Il demanda à sa femme ce que cela voulait dire : « Il convient, dit-elle, que celui « qui se contente de la moitié d'un royaume ait la moitié << de sa table vide. » Excité par ces paroles, Hermanfried s'éleva contre son frère, etc. »

On trouve dans les lois de la chevalerie un usage qui rappelle le fait raconté par Grégoire de Tours.

Des chevaliers de Joinville ayant été gravement insultés par des Hospitaliers, Joinville s'en plaignit au grand maître de l'Ordre. Celui-ci « me répondit que il m'en feroit le droit, et l'usage de la Terre-Sainte, qui estoit tele que il feroit les frères qui l'outrage avoient faite, manger sur leurs mantiaus, tant que cil les en leveroit à qui l'outrage avoit esté faite 1. »

« L'an du Seigneur 1395, le jour de l'Épiphanie, dit Jean de Leyde, comme l'illustre duc Guillaume, comte d'Ostervant, était assis à la table du roi de France avec beaucoup d'autres princes, survint un héraut qui se mit à couper et à diviser la toile de la table devant le susdit comte, disant qu'il ne devait pas s'asseoir à la table royale, le prince qui était privé d'armes et de bouclier. Et comme Guillaume répondait qu'il avait armes et bouclier, le doyen des hérauts répondit : « Non, monsei«gneur, car Guillaume, comte de Hollande, ton granda oncle, a été vaincu jadis par les Frisons, et aujourd'hui << encore il est couché sans vengeance sur la terre enne« mie. »> Depuis ce jour, le comte Guillaume commença à penser comment il pourrait éloigner de lui cette honte. >> (Cité par du Cange, vo Mensale dividere.)

'Joinville, collection Michaud-Poujoulat, 4re série, t. 1, p. 278, ch, 264 ̧

« Se aucun chevalier, ou gentilhomme avoit fait trabison en aucune partie, et estoit assis à table avec autres chevaliers, gentilshommes, ledit roy d'armes ou héraut lui doit aller couper sa touaïlle devant lui, et lui virer le pain au contraire, s'il en est requis par aucuns chevaliers ou gentilshommes, lequel doit estre prest de le combattre sur cette querelle; car ce n'est pas belle chose que un traitre soit honnouré comme un autre chevalier ou gentilhomme1. »

A Rome, les banqueroutiers devaient être coiffés en public d'un bonnet noir (berretum) de forme pyramidale. Au moyen âge, ils étaient soumis à des peines infamantes du même genre. - A Lucques, ils portaient un bonnet de couleur orange; en Espagne, un collier de fer. A Padoue et dans d'autres villes, il y avait sur la place publique une pierre appelée pierre de honte. Le négociant qui avait fait de mauvaises affaires et qui abandonnait ses biens à ses créanciers, devait s'y asseoir entièrement nu, et la frapper trois fois avec son derrière en répétant à haute voix : « Je cède mes biens. » Il y a un jeu d'enfant fort connu qui nous semble dériver de cet ancien usage.

On pourrait citer, depuis Phalaris, un certain nombre d'individus qui ont subi des supplices ou des peines qu'ils avaient inventés. Au neuvième siècle, Motawakkel-Billab, dixième calife abasside de Bagdad, ayant voulu se venger du vizir Mohammed-Ibn-Hammad, qui avait voulu le détrôner, l'empêcha de dormir pendant plusieurs jours, et le fit enfin renfermer dans un fourneau de fer, hérissé de pointes aiguës et rougies au feu, supplice inventé par Mohammed lui-même.

1 Traité ms. De officio heraldorum, eité par Michelet, p. 382.

En 1691, le grand vizir Ali-Pacha introduisit la coutume de faire conduire ignominieusement sur un araba (voiture non suspendue) traîné par des bœufs, les fonction naires qui encouraient sa disgrâce, innovation qui fut cause de sa perte. Le kyzlar-agaçi Ismaïl, destitué par le grand vizir, était près de monter sur le char à bœufs, lorsque son successeur Nezir-Aga réclama, auprès de la khasseki-sultane, au sujet d'un outrage fait à un personnage de rang si élevé : instruit de cette violation de l'étiquette, le sultan ôta le sceau à Ali-Pacha, et envoya ce ministre en exil à Rhodes sur l'araba même qu'il avait préparé pour son ennemi 1.

Faisons encore les rapprochements suivants. Dans le Rosier ou épitome historial, abrégé des grandes chroniques de France, on lit au fo 63: «Philippe le Bel fit faire le Montfaucon, et de ce faire eut la charge messire Enguerrand de Marigny. » Or Enguerrand de Marigny fut pendu en 1315 à ce même gibet de Montfaucon. En 1328, Pierre Remy, principal trésorier de Charles IV, fut pendu à Montfaucon, «‹ à un grand gibet qu'il avait fait faire lui-même, dit le continuateur de Guillaume de Nangis, et dont il avait donné, dit-on, le plan aux ouvriers. » Ainsi se trouva vérifiée une prédiction qu'on avait, disait-on, gravée sur le principal pilier du gibet, et qui portait ces deux vers:

En ce gibet ici emmi

Sera pendu Pierre Remi.

Terminons ce chapitre par la mention de deux usages assez singuliers. Suivant Procope, il y avait, devant la

1 Voy. Univers pittoresque, Turquie, p. 304.

porte des rois persans, un trépied de fer où ceux qui avaient encouru la disgrâce du prince étaient obligés d'aller attendre qu'il eût prononcé sur leur sort. Personne ne pouvait les secourir, et il leur était défendu de chercher un asile dans les temples1.

Il y avait à Constantinople deux mains de bronze scellées dans une muraille du palais impérial. Lorsque les condamnés à mort, qui ordinairement étaient menés devant la demeure de l'empereur, avaient dépassé ce point, le prince lui-même ne pouvait les arracher au supplice.

DỤ CLERGÉ A DIVERSES ÉPOQUES.

L'élection des évêques, pendant une longue suite de siècles, n'a eu lieu, comme l'a fort bien dit M. Guizot, ni suivant des règles générales, ni dans des formes permanentes; «<elle était prodigieusement irrégulière, diverse, sujette à une multitude d'accidents. » Les faits sont si nombreux, que nous n'avons qu'à choisir pour justifier cette assertion.

L'évêque de Milan, Auxence de Cappadoce, célèbre arien, étant mort en 374, le peuple de la ville se trouva divisé en deux factions qui menaçaient d'en venir aux mains. Le gouverneur de la province, nommé Ambroise, accourut alors à Milan, et harangua le peuple dans l'église. On raconte qu'un enfant s'écria alors par trois fois : Ambroise, évêque. Et ce cri fut répété avec acclamation par

1 Procope, de Bello persico, 1. 1, ch. 23.

le peuple. « Ambroise, extrêmement surpris, dit l'abbé Fleury, sortit de l'église, fit préparer son tribunal, et, contre sa coutume, fit donner la question à quelques accusés, afin de paraître un magistrat sévère jusqu'à la cruauté. Mais le peuple n'y fut pas trompé, et criait : Nous prenons sur nous ton péché. Il retourna troublé dans sa maison, et voulut faire profession de la vie philosophique, mais on l'en détourna; et pour se décrier auprès du peuple, son zèle encore peu éclairé le porta jusqu'à faire entrer chez lui, devant tout le monde, des femmes publiques. Mais le peuple criait encore plus fort: Nous prenons sur nous ton péché1! » Ambroise essaya de s'enfuir à Pavie, s'égara pendant la nuit, fut gardé à vue par le peuple, parvint de nouveau à s'échapper, et se cacha chez un de ses amis qui fut bientôt obligé de le livrer; car l'empereur Valentinien Ier, auquel on déféra l'affaire, rendit à Trèves un rescrit qui défendait, sous des peines très-sévères, de cacher Ambroise. Ce dernier alors se résigna à accepter la dignité qu'on lui offrait. Il n'était encore que catéchumène; on commença par le baptiser, et huit jours après, on l'ordonna évêque. Il fut depuis saint Ambroise.

Les lettres de Sidoine Apollinaire, qui, en sa qualité d'évêque de Clermont, joua un grand rôle dans les affaires ecclésiastiques de son temps, offrent de curieux détails sur les élections d'évêques en Gaule. Voici entre autres ce qu'il écrit à l'un de ses amis, nommé Domnulus, à propos de l'élection d'un évêque de Châlon.

<«< Puisque tu désires savoir ce qu'a fait à Châlon, avec sa religion et sa fermeté accoutumées, notre père en

1 Hist. ecclésiastique, 1. xvII, ch. 21.

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